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Hiroto Saikawa, le fossoyeur de Carlos Ghosn, tombe à son tour

9 septembre 2019, 17:57

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Hiroto Saikawa, le fossoyeur de Carlos Ghosn, tombe à son tour

Il rêvait de remettre Nissan dans le droit chemin avant de tirer sa révérence sous les honneurs, mais Hiroto Saikawa, fossoyeur de son maître Carlos Ghosn, a lui aussi été rattrapé par le passé et poussé vers la sortie.

Après avoir reconnu avoir perçu une prime indue il y a plusieurs années, le directeur général du constructeur automobile nippon a fait part lundi de sa démission qui sera effective le 16 septembre, bien plus tôt qu’il ne le souhaitait.

Depuis des mois déjà, ce dirigeant à l’air impassible, aux cheveux ras et aux fines lunettes, était sur la sellette. Il se maintenait à son poste plus par défaut de successeur que par soutien affirmé des administrateurs.

A plusieurs reprises, des actionnaires du groupe ont réclamé son départ, le jugeant trop associé à l’ère Ghosn, dont il a été le protégé serviable vingt ans durant avant de tourner casaque.

En novembre dernier, M. Saikawa n’avait pas de mots assez durs pour fustiger «la face obscure» du tout-puissant Ghosn, qui venait d’être arrêté au Japon pour des malversations financières présumées, après une enquête interne de Nissan menée dans le plus grand secret.

«Je ressens une profonde déception, de la frustration, du désespoir même. De l’indignation et du ressentiment», avait encore lancé M. Saikawa en novembre dernier. Trahie était, selon lui, sa confiance placée dans son ancien mentor, désormais assigné à résidence à Tokyo dans l’attente de son procès prévu l’an prochain.

Zélé

Ayant fait toute sa carrière chez Nissan, firme qu’il a rejointe en 1977 après des études d’économie à la prestigieuse université de Tokyo, M. Saikawa a progressivement grimpé les échelons sous l’aile de M. Ghosn, arrivé en 1999 à Tokyo pour redresser Nissan, qui venait de faire alliance avec le français Renault.

«Vient un temps où il faut passer le relais à quelqu’un d’autre. J’ai toujours dit que je voulais qu’un Japonais me succède et cela fait des années que je prépare M. Saikawa», avait à l’époque expliqué le Franco-Libanais-Brésilien, lui témoignant toute sa confiance.

Des États-Unis à l’Europe, M. Saikawa a enchaîné divers postes de direction, devenant directeur de la compétitivité en 2013.

Attitude surprenante de la part d’un dirigeant nippon, son zèle à sabrer les coûts et négocier les prix avec les fournisseurs plaisait certes au «cost-cutter» (coupeur de coûts) Carlos Ghosn, mais ne lui valait pas forcément bonne réputation en interne.

M. Saikawa a aussi siégé au conseil d’administration de Renault entre 2006 et 2016. Il s’y était déjà fait remarquer pour sa fermeté à l’occasion de la crise qui avait secoué l’alliance fin 2015, bien décidé à défendre l’autonomie de Nissan face à la «menace» de l’État français.

Double échec

En dehors de Nissan, M. Saikawa a présidé la puissante Association des constructeurs automobiles japonais (JAMA).

Mais, à partir de mi-2017, quand M. Ghosn a pris du champ, cédant les commandes exécutives du groupe à son poulain, le bon élève a progressivement changé d’opinion sur son mentor.

Il n’a notamment guère apprécié que M. Ghosn n’assume pas le scandale de contrôles illicites de véhicules au Japon, qui a en partie saccagé l’image de marque de l’entreprise sur son marché national.

Et des rancunes envers M. Ghosn, M. Saikawa n’a pas eu de mal à en trouver d’autres dans l’entreprise, selon un ancien employé interrogé par l’AFP.

Se présentant alors régulièrement devant les médias en parangon de vertu, Hiroto Saikawa n’a eu de cesse de brocarder celui qui l’avait pourtant hissé au sommet.

Jamais cependant, M. Saikawa n’a pleinement réussi à convaincre qu’il était totalement étranger aux faits reprochés à M. Ghosn.

Et au-delà de belles paroles, il n’a pas davantage su établir une relation de confiance avec la nouvelle direction de Renault.

Aux yeux des influents médias japonais devenus soudain très critiques envers M. Saikawa après ses aveux de revenus excessifs, c’est sur ce double échec qu’il va quitter Nissan, laissant l’entreprise en mauvaise posture.

Mais pour l’avocat Nobuo Gohara, qui analyse depuis le départ l’affaire Ghosn et juge «difficile de faire confiance à M. Saikawa», il serait inique qu’il s’en tire par un simple remboursement des sommes perçues et quelques excuses, quand M. Ghosn risque des années de prison, un avis partagé par les défenseurs du patriarche déchu.