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Chemnitz: un Syrien condamné pour un meurtre ayant mobilisé l’extrême droite

22 août 2019, 18:32

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Chemnitz: un Syrien condamné pour un meurtre ayant mobilisé l’extrême droite

Un Syrien de 24 ans a été condamné jeudi à neuf années et demi de prison pour le meurtre à l’arme blanche d’un Allemand à Chemnitz, un homicide qui avait déclenché il y a un an des violences anti-étrangers et des manifestations en série de l’extrême droite.

Le tribunal de Dresde a jugé coupable Alaa Sheikhi du meurtre de l’Allemand Daniel Hillig, 35 ans, le 26 août 2018 après une dispute dont l’origine n’a jamais pu être établie.
Le parquet avait requis 10 ans de prison, la défense plaidant l’acquittement, faute de preuve.

Ce jugement intervient à quelques jours du premier anniversaire du début de ces graves échauffourées ayant suivi l’homicide, et de protestations diverses dans la ville de Chemnitz à l’initiative de l’extrême droite, dont les images avaient fait le tour du monde.

Il survient aussi à dix jours d’élections dans la région même de Chemnitz, la Saxe, et dans celle voisine du Brandebourg, deux Länder de l’ex-RDA devenus des bastions du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).

Ce mouvement, qui siège depuis deux ans au Bundestag, pourrait y réaliser les meilleures performances de sa jeune histoire, porté par son discours anti-migrants et anti-musulmans ainsi que par le ras-le-bol d’un partie de la population qui s’estime abandonnée par les élites.

Alaa Sheikhi, un coiffeur syrien, était poursuivi pour meurtre en réunion et blessure grave.

Le Syrien a également gravement blessé un ami de la victime, qui a dû être hospitalisé durant plusieurs jours, selon le parquet.

Hooligans et néo-nazis

Un Irakien de 22 ans, en fuite depuis un an malgré un mandat d’arrêt international, a selon le tribunal aussi participé à l’agression. Il aurait réussi à rentrer en Irak, selon des médias.

Alaa Sheikhi était lui arrivé en Allemagne en 2015, comme des centaines de milliers d’autres demandeurs d’asile lorsque Angela Merkel a refusé de fermer les frontières de son pays.

Quelques heures après cet homicide, un millier de hooligans et de néo-nazis s’étaient rassemblés à Chemnitz, ville moyenne de l’ex-RDA communiste, une manifestation émaillée de violences xénophobes.

Des vidéos amateur tournées ce jour-là montrant des étrangers insultés et pris en chasse dans la rue ont alors provoqué une onde de choc en Allemagne et fait le tour du monde.

La chancelière Angela Merkel a à l’époque dénoncé «la haine» et les «chasses collectives» contre des étrangers.

La «colère bouillonne»

D’autres rassemblements à l’appel de l’extrême droite avaient suivi, là aussi marqués par des violences et des saluts hitlériens, et aussi par des échauffourées avec des contre-manifestants d’extrême gauche.

Pour le magazine Der Spiegel, les violences de Chemnitz ont marqué «une césure pour le pays» qui en dit long «sur la grande colère qui bouillonne» notamment dans ces régions orientales qui se voient comme le parent pauvre de l’Allemagne depuis la chute du Mur de Berlin il y a près de 30 ans.

Ces événements ont également provoqué à l’époque des turbulences dans la fragile coalition de la chancelière, tiraillée sur la question migratoire, et poussé le gouvernement à démettre de ses fonctions le patron du Renseignement intérieur, Hans-Georg Maassen, accusé de collusion avec l’extrême droite.

Le procès, déplacé pour raisons de sécurité à Dresde, a mis toutefois en évidence des lacunes dans le dossier d’accusation. Les preuves contre le Syrien étaient en effet ténues: aucune trace de son ADN n’a été retrouvée ni sur le couteau, ni sur la victime.

Le principal témoin du meurtre, un employé libanais d’un snack de kebabs, a multiplié les versions contradictoires.

La défense de l’accusé a mis en garde durant le procès contre la tentation de prononcer une condamnation pour «apaiser Chemnitz» et éviter des incidents.