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Aya Soondarajen Maistry, travailleur social: «L’incarcération touche énormément de jeunes»

17 août 2019, 18:01

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Aya Soondarajen Maistry, travailleur social: «L’incarcération touche énormément de jeunes»

Engagé dans le social depuis 40 ans, l’Aya Soondarajen Maistry encadre les prisonniers depuis 1998. Cet habitant de Stanley est prêtre depuis une trentaine d’années. Selon lui, davantage de jeunes se retrouvent derrière les barreaux.

Comment êtes-vous tombé dans cette marmite ?
À sept ans, j’étais engagé dans les clubs littéraires, le scoutisme, etc. J’aide également les malades dans les hôpitaux. En 1998, j’ai voulu offrir mes services aux prisons. Ayant grandi dans le social, je souhaitais trouver des moyens de réintégrer les prisonniers à la société. J’ai senti que je pouvais aider sur le plan spirituel, la réhabilitation et la réinsertion. Depuis 21 ans, j’ai travaillé bénévolement auprès de huit instances pénitentiaires.

Je n’ai jamais eu peur d’aller travailler à la prison. Aujourd’hui, l’incarcération touche énormément de jeunes. Notre société est malade. La famille doit jouer pleinement son rôle d’éducateur. Si j’arrive à réhabiliter quelqu’un, c’est un plus pour la société. Si une personne est sans toit, famille ou travail, comment la réhabiliter ? J’ai fait des recherches. Le plus important, c’est la discrimination envers les détenus à leur sortie de prison. Peut-on les réintégrer ? Pourront-ils travailler ou même avoir un certificat de caractère ? Quels sont les rôles de l’État et de la société civile ? On doit changer notre regard.

Que faites-vous à la prison ?
Chaque lundi, je fais un induction course à la New Wing, à Beau-Bassin. Je le fais dans sept autres instituts pénitentiaires. J’écoute les détenus et me focalise sur la réhabilitation. Par exemple, je veux œuvrer pour que le prisonnier puisse se relever, se sente libre de parler et lui apporter des solutions. Nous faisons des rassemblements.

Jamais un détenu ne m’a bousculé. Ils me respectent. Je mets beaucoup d’accent dessus lors des discussions avec ceux qui récidivent par exemple. Le problème relève des difficultés d’emploi. J’aime les écouter. Il faut les encadrer en leur montrant l’importance de la famille, de la stabilité et l’enchaînement de leur vie après la prison. Nos séances durent une heure. Récemment, les cigarettes ont été supprimées. Pour moi, c’est un plus pour la santé. Dans un premier temps, ils peuvent sourciller. Mais après, plusieurs m’ont dit que c’était mieux ainsi.

Comment aidez-vous ces prisonniers à ne pas récidiver ?
Une discipline a été instaurée mais chacun doit assumer ses responsabilités. Au fil du temps, les jeunes s’enfoncent dans la délinquance. Il faut trouver un moyen de les canaliser. Je suis heureux de les encadrer.

Pourquoi récidivent-ils en dépit des programmes de réhabilitation ?
Si un prisonnier a purgé sa peine et ne peut travailler après ou réintégrer sa famille, que va-t-il faire ? Un homme a besoin d’argent pour vivre. Voilà comment il bascule à nouveau. Il faut un suivi.

Les détenus regorgent de talents en métallurgie, dessin, etc. On pourrait utiliser ces compétences. Malheureusement, ils sont prisonniers de ces fléaux, vont et viennent derrière les barreaux. Prenons un toxicomane. Sa place n’est pas en prison mais plutôt en centre de réhabilitation. Cette maladie doit être traitée au niveau de l’État. D’ailleurs, plusieurs cas sont on remand alors qu’il n’y a pas encore de jugement. Le gouvernement doit revoir cela.

Quels délits sont les plus fréquents chez les prisonniers ?
Plus de 50 % des cas sont liés aux délits de drogue. Hélas, plusieurs tombent dans cette spirale innocemment, par exemple face à la pauvreté. Aujourd’hui, le monde a évolué. Il y a beaucoup de tentations. Les jeunes sont ambitieux. Ils veulent avoir plein de choses et se retrouvent piégés par les fléaux. À un certain moment, ils perdent ce chemin de sortie. Deuxièmement, il y a beaucoup de larcins pour s’approvisionner en drogues. Tout est relié à la toxicomanie.

La drogue synthétique prend de l’ampleur, surtout chez les enfants tout comme la toxicomanie qui se féminise. Pourquoi ?
Regardez l’international. Puis contemplez Maurice… Le constat fait peur. En tant qu’humain, vous vous dites si nous en sommes arrivés là maintenant, qu’est-ce qui nous attend plus tard ? D’autant que les drogues de synthèse prolifèrent rapidement. Nous voyons des situations où le mari et la femme sont accros et peuvent être détenus simultanément. Aujourd’hui, on cherche une vie facile. Mais celle-ci deviendra difficile ensuite.

Quelles sont les procédures pour devenir aumônier à la prison ?
D’abord, on fait une demande. Cela a pris environ deux mois. Bien sûr, on mène automatiquement une enquête sur vous pour s’assurer de votre identité et si je peux le faire. Dans mon cas, c’était facile. On me connaît bien dans le milieu. J’ai ensuite obtenu l’autorisation. w

Et vous êtes sujet à un contrôle de sécurité ?
On nous fouille à l’aller. C’est le cas de toute personne qui vient à la prison. Je n’apporte ni sac, ni argent, ni portable. Tout reste à bord de notre véhicule. J’apporte juste ma clé.

Avez-vous déjà transporté de la drogue ou des portables en prison ?
Certainement pas.

Les prisonniers ne vous ont-ils pas tenté à cet escient ?
Cela n’existe pas. Votre façon de parler, votre discipline, votre personnalité suffisent à les dissuader. On se conditionne. L’expérience aussi y contribue. Envoyez-moi n’importe quel die hard, je pourrai le raisonner. Je ne fais aucune discrimination.

Pourtant, les surveillants et même un homme religieux ont cédé. Comment résister ?
Quand l’État compte sur vous et qu’en plus, vous le faites bénévolement, il faut assumer les responsabilités. Si quelqu’un a fauté quelque part, il doit payer les conséquences. Peu importe de qui il s’agit.