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Tasiana Mathieu: «J’ai tout lâché pour les Jeux des îles et je me retrouve sans boulot»

11 août 2019, 18:30

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Tasiana Mathieu: «J’ai tout lâché pour les Jeux des îles et je me retrouve sans boulot»

Elle n’a pas hésité à quitter son job pour participer aux Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI). Et Tasiana Mathieu a décroché la médaille d’or en voile, faisant elle aussi la fierté du pays. Mais deux semaines après les Jeux, dur retour à la réalité pour cette jeune femme. Qui se retrouve au chômage.

Comment vous êtes-vous retrouvée au chômage ?

Cela faisait six ou sept mois que je travaillais pour une compagnie spécialisée dans la vente de vins et spiritueux. Un peu plus d’un mois avant les Jeux, mon entraîneur a indiqué qu’il fallait quatre semaines complètes de stage, de préparation. Pour cela, il fallait que je prenne des congés. Lorsque j’en ai parlé à mon supérieur, il m’a fait comprendre que je devais choisir entre les Jeux ou garder mon boulot. Après quatre ans de préparation, je n’allais quand même pas jeter les armes dans la dernière ligne droite. Je voulais ma médaille pour moi, pour mon pays. J’ai choisi les Jeux…

Votre employeur était-il au courant depuis le début que vous deviez participer au JIOI ?

Oui, il le savait. Au début, les entraînements se faisaient trois à quatre fois par semaine. Ce qui n’influait pas vraiment sur mon boulot. Mais un mois entier de stage juste avant les Jeux, c’était trop pour eux.

Comment était votre routine durant ce dernier mois ?

C’était des entraînements intenses. On devait courir le matin, ensuite passer la journée sur l’eau à s’entraîner et le soir partir à la gym. Des fois on changeait l’ordre mais c’était dur. Mais cela en valait la peine, même si le retour à la réalité est dur aujourd’hui.

Regrettez-vous ce choix ?

Je ne regrette pas ma participation aux Jeux. J’ai créé l’histoire en devenant la première Mauricienne à décrocher la médaille d’or en voile aux JIOI. Je pratique ce sport depuis que j’ai huit-neuf ans et j’en ai désormais 21 ans. C’est ma passion. J’avais même mis ma vie personnelle en suspens pour pouvoir me concentrer sur les JIOI. Je me suis engagée dans une relation qu’après les Jeux car je voulais vraiment me concentrer sur mon sport.

Depuis quand vous vous préparez pour les Jeux ?            

Je m’y prépare depuis la fin des Jeux de 2015 à La Réunion. La première année c’était plutôt léger mais ensuite on a enchaîné entraînements et compétitions. Je suis allée aux Seychelles et à La Réunion pour des échanges.

Combien d’argent avez-vous investi pour pouvoir pratiquer la voile ?

Je ne pourrai vous donner de chiffre exact mais j’ai dépensé beaucoup d’argent. Le chronomètre qu’on utilise à lui seul coûte Rs 5 000. La combinaison complète et spéciale qu’il faut revêtir pour pouvoir pratiquer ce sport coûte autour de Rs 8 000. Et parce qu’on s’entraîne tous les jours, il en faut au moins deux ou trois. Et en acheter de nouveaux tous les trois ou quatre mois à cause de l’usure. En plus, il faut suivre un programme alimentaire strict pour garder la forme. Entre la nourriture saine, les compléments et vitamines, ça coûte beaucoup.

Et pour votre matériel ?

C’est la fédération qui s’occupe de tout ce qui est embarcation. Mais il faut tout de même faire ressortir que jusqu’à deux mois avant les Jeux, on utilisait encore du matériel qui datait de 19 ans. Et ce n’est que trois jours avant le lancement des Jeux qu’on a reçu les équipements et vêtements. Sinon, tout au long de l’année, nous devons encourir nos propres dépenses.

Le COJI vous aide-t-il financièrement?              

Depuis un an à peu près, on reçoit une allocation mensuelle de Rs 5 000. Cela aide et comme je travaillais, j’étais à l’aise. Mais là je suis à sec. Ironique pour quelqu’un qui pratique de la voile, non ? Les Rs 50 000 (NdlR, hier soir, le Premier ministre a doublé la prime, qui est passée à Rs 100 000) qu’on va recevoir pour la médaille d’or ne seront pas de trop, et encore heureux qu’on nous offre plus que les Rs 30 000 de 2015. Mais on ne peut pas survivre avec cela. J’ai vraiment besoin d’un job.

Quel serait le job parfait pour vous ?

Depuis toute petite, je rêve de devenir policière ! J’ai mon permis pour conduire une moto, une voiture et même celui de skipper. Quand je vois les motards de la police passer, j’ai des frissons. Mais là encore, ça a été un coup dur pour moi d’apprendre récemment que je ne pourrais plus réaliser ce rêve qui m’est très cher car j’ai un tatouage… Même si c’est sur la hanche et que ce n’est pas visible sous les vêtements, on m’a dit que cela ne passera pas. Ils sont très stricts dessus. En même temps, il faut que les postulants aient fait les mathématiques. Moi je n’en ai pas fait, même si mes résultats en HSC sont satisfaisants. C’est nul, je ne comprends pas pourquoi on demande les maths alors que pour moi, avoir le physique pour, connaître l’anglais et le français, pouvoir converser et être à l’aise avec les gens, c’est ça le plus important dans le métier de policier.

Vous avez postulé pour d’autres emplois ?

Oui mais pas je n’ai pas eu de réponse pour le moment. Par contre, on m’a approchée pour être chauffeur ou skipper mais ce n’est pas mon truc. S’il le faut, si je n’ai pas d’autre choix, je vais le faire. Mais mon cœur n’y sera pas, du coup, je sais que je ne vais pas me donner à fond. Quand vous avez un rêve depuis toute petite, et que cela ne se réalise pas, c’est un peu comme si votre cœur se brisait.

Oui mais c’est quoi votre deuxième option ?

Je n’en ai pas vraiment. Mais je souhaite au moins un boulot fixe au sein de la fonction publique, ce qui me permettra de continuer à progresser au niveau de la voile. J’ai deux passions, la voile et la moto, si je ne suis pas en mer, je suis sur la route. Si je ne peux pas devenir policière, alors au moins je peux m’accrocher à ma voile.

Qu’est-ce qui est prévu quant à la voile justement après les JIOI ?

J’attends les qualifications pour les Jeux d’Afrique. Ils compteront pour les Jeux de Tokyo de 2020. Donc mon but c’est de pouvoir aller aux Jeux olympiques. Et pourquoi pas y remporter une médaille…