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Parlementaires, prenez-en de la graine !

10 août 2019, 16:00

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Parlementaires, prenez-en de la graine !

Conseils d’un vieux routier

Humour du Premier ministre adjoint ? Conseil d’Ivan Collendavelloo au jeune homme occupant sa place : «Please, do not fall asleep when other members are speaking.» Dans son discours d’ouverture du National Youth Parliament, il a souligné le choix d’une jeune fille, Deepshikha Parmessur, d’occuper le poste de Premier ministre. «I hope you will put some discipline in ministers.» Il a également diagnostiqué un «autre problème du Parlement». «Once people take the floor, they have an appetite. Je ne sais pas pourquoi on a mis une horloge au fond de la Chambre, personne ne respecte les délais.»

Le speaker calme

Ne pas se fier aux dehors timides de Mitradeva Rao Sydamah, 20 ans. Celui qui vient de terminer sa première année de droit à l’université de Maurice a livré une bonne performance dans le rôle du speaker. Se fendant d’un «I apologise» quand l’opposition lui a fait remarquer qu’il avait raté l’une des questions adressées aux ministres. Jamais un mot plus haut que l’autre pour ramener à l’ordre les membres de la Chambre. Interrompant une backbencher du camp travailliste, qui parlait avec chaleur, en lançant : «Please, calm down. We do not need to speak at all times in the microphone.» Rappelant tour à tour : «I will not allow you to rule», «Do not test my impartiality» ou encore «Members are not required to read their statements.» Et que les intervenants doivent s’adresser à lui et non pas directement à un autre membre du Parlement. Le métier, confie Mitradeva Rao Sydamah, il l’a aussi appris durant le «mini pupillage» qu’il a effectué au cabinet de Razack Peeroo, ancien speaker. «Avec lui, j’ai appris que je suis l’arbitre d’un match. Mo pa la pou met goal.»

«Mauritian English new generation»

On était loin des «zis, zat, zos» et autres prononciations approximatives de la langue anglaise qui rythment habituellement les séances parlementaires. Les jeunes ont fait une fleur à Shakespeare, même si le député qui aime le citer n’était pas présent à la séance de jeudi. Pas tout à fait british, ni totalement américain et avec un bias pour le français, l’accent du Mauritian english new generation s’est exprimé dans toute sa splendeur. Mais gare à une certaine tendance nasillarde. Les professeurs d’anglais auraient sans doute dit : «Can do better.» En ajoutant : «À l’aise en lecture, mais perd parfois ses moyens à l’oral.» Le kreol est resté cantonné aux commentaires from a sitting position.

Le mentor bis

La cravate rouge de Badir Korumtollee saute aux yeux, du pupitre du ministre mentor. Dans la peau du personnage, le jeune homme (qui est en troisième année de Logistics and Transport, à l’université de Technologie) répond vertement à une interpellation concernant le combat contre la drogue. Il lance : «I’m Iike a psychologist here ? Comment est-ce que je vais m’occuper des gens qui de leur plein gré achètent de la drogue ?» Il ne manquait que le «éoula» pour que la copie soit parfaite. Après avoir affirmé que le député qui avait posé la question n’avait pas écouté sa réponse, il lui a lancé : «(…) S’il va à Agalega, je ne sais pas moi…» Réplique de la partie adverse : «Do I understand you are insulting the people of Agalega ?»

Dholl Puri time

La malbouffe faisait aussi partie des sujets abordés lors de la séance de jeudi. Dans l’opposition, une backbencher s’indigne : «Est-ce que le vendeur de dholl puri et de gâteaux piments devra afficher les ingrédients utilisés ?» Réponse de la ministre concernée : «Il n’y a pas d’ingrédients artificiels dans les dholl puri.» Dans les rangs de la majorité, une voix lance : «Li pa manz dholl puri li.»

Maya Hanoomanjee omniprésente

Jeudi, Maya Hanoomanjee assiste aux débats de la galerie réservée aux Very Important Persons (VIP). À ses côtés : lady Sarojini Jugnauth, avec qui elle échange de fréquents commentaires, en se référant notamment au programme de la séance. À gauche de l’épouse du ministre mentor, Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, qui suit les échanges en arborait un large sourire. Si les trois femmes se parlent à plusieurs reprises, rien n’échappe à la vigilance à la speaker. Même quand elle n’est pas au perchoir, c’est elle qui gère la Chambre. Participant à la sélection des candidats, s’assurant d’une représentation féminine «d’au moins 40 %». Et les suivant dans leur formation durant une semaine. Le jour J, c’est encore elle qui fait des signes pour demander ce qu’on attendait pour commencer quand elle voit que l’horloge a dépassé 11 heures par dix bonnes minutes. Un clerc a plusieurs fois grimpé les marches menant à la galerie VIP pour prendre les directives de «Madam Speaker».

Petit coeur

L’appareil dentaire de Thomas Lenette, 15 ans, en Form IV, au Collège du Saint-Esprit, ne l’a pas empêché d’occuper le fauteuil de Paul Bérenger. N’en déplaise à certains de ses petits camarades qui, hors séance, ont fait allusion à la couleur de sa peau pour le désigner. Thomas Lenette affirme avoir «de fortes opinions» et habiter «à côté» de chez le leader des Mauves.

Comment ont-ils été sélectionnés ?

Les 76 députés en herbe ayant participé au National Youth Parliament ont vécu deux jours «mémorables». Des selfies avec Shakeel Mohamed ou encore des photos souvenirs devant le siège de la speaker, Maya Hanoomanjee, après que le rideau est tombé sur cette deuxième édition. Deveshwar Ramkalawon, étudiant en deuxième année de LLB, a eu la chance d’être sélectionné parmi les 195 postulants. «Quand j’ai postulé, il fallait écrire une lettre pour expliquer pour quelle raison je souhaitais y participer», lâche le jeune homme. Par la suite, les présélectionnés sont passés devant un panel d’interviewers, composé de trois fonctionnaires, dont Navin Gopal, l’Assistant clerk, qui fait partie de ceux qui les ont formés. C’est la jeune Ishanee Gomanee, originaire de Montagne-Longue, qui a joué le rôle de l’Assistant clerk. Elle se dit «heureuse» d’avoir pu surmonter les deux épreuves et avoir sa place dans l’hémicycle. «J’ai ensuite appris comment fonctionne le bureau du clerk», ajoute-t- elle. C’est sur le site de l’Assemblée nationale que les participants ont pu télécherger le formulaire pour pouvoir postuler. D’autres ont pris connaissance de l’irritation sur les réseaux sociaux. À l’issue de la dernière séance, chaque participant a eu droit à une attestation. Maya Hanoomanjee est convaincue que ce document leur sera utile à l’avenir. D’ailleurs, elle a émis le souhait que l’année prochaine, même si elle n’est plus speaker, son successeur soit là pour les encadrer. «Vous connaissez désormais les contraintes du Parlement. Vous serez en mesure de réfuter les critiques faites à notre encontre. D’ailleurs, j’espère que parmi vous, il y en a qui y retourneront comme de vrais députés», affirme-t-elle.