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Jacques-Alain Lazarre: «La vente aux enchères évoluera en parallèle aux autres systèmes d’acquisition de biens»

7 août 2019, 10:12

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Jacques-Alain Lazarre: «La vente aux enchères évoluera en parallèle aux autres systèmes d’acquisition de biens»

Il y a 74 ans, la vente aux enchères entrait dans les moeurs en marge de la Sale by Auction Act. Jacques-Alain Lazarre, qui a appris le métier de commissaire-priseur de feu Éric Casset, explique pourquoi cette pratique qui fait partie du folklore mauricien n’est pas prête d’abdiquer face aux nouveaux systèmes d’acquisition de biens.

En quoi consiste la fonction de commissairepriseur ?
C’est un intermédiaire juré et dûment reconnu par le ministère des Finances. Son rôle consiste à intervenir entre un vendeur et un acheteur dans le cadre d’une opération de ventes aux enchères au grand public. Une vente aux enchères est une activité commerciale. Elle se passe en public. Son originalité se situe au niveau de la modalité qu’elle propose pour qu’un produit soit considéré comme ayant été vendu. Le produit qui fait l’objet de vente est mis à prix selon un montant qui résulte d’une consultation entre le commissaire-priseur et le vendeur. Le produit est ensuite mis en vente à la criée. Il revient automatiquement à celui ou à celle qui, lors d’un tel exercice, offre un prix supérieur aux précédentes offres.

Sous quelle législation les activités d’un commissaire-priseur sont-elles réglementées ?
La fonction de commissaire-priseur est régie selon les dispositions de la Sale by Auction Act de 1945 et les amendements qui ont été apportés subséquemment à ce texte de loi. En 2014, une importante réglementation ministérielle y a été introduite. Il s’agit des Sale by Auction (Appointment of Auctioneers) Regulations. Son principal objectif a consisté à établir les modalités et les critères de recrutement de commissaires-priseurs.

La vente aux enchères qui a donné naissance à la profession de commissairespriseurs a célébré sa 74e année d’existence en juillet. Quels sont les plus grands défis auxquels ce corps de métier est confronté ?
La liste de défis auxquels ce corps de métier est confronté est longue. Je vais mettre l’accent sur celui dont les effets se font le plus sentir. Il s’agit de la facilité avec laquelle des produits, des meubles, des batteries de cuisine peuvent être acquis. Impossible de concurrencer ces hommes d’affaires qui offrent des crédits à tempérament pour l’acquisition de produits neufs. Il y a aussi l’émergence de la technologie de l’information et de la communication qui a vu naître une génération qui, à l’aide d’une touche, peut réaliser des transactions à distance alors que pour participer à une vente aux enchères, la présence physique sur place est indispensable.

«Il y a une sorte de flottement dans la décision d’acheter lors des ventes aux enchères.»

Qu’avez-vous fait pour tant soit peu atténuer l’impact de chacun de ces deux défis dans le mode de fonctionnement de votre profession de commissaire-priseur ?
Au niveau de notre société, nous avons passé en revue surtout l’influence de la technologie de l’information et de la communication sur nos opérations. Nous n’avons jusqu’ici arrêté aucune stratégie pour par exemple basculer nos opérations entièrement ou en partie sur une quelconque plateforme de service de vente aux enchères qui utilise les facilités qu’offre l’internet. Pour le moment, ce n’est pas une option que nous voulons absolument mettre en place. Nous suivons l’évolution des choses et prendrons les décisions qui s’imposent au moment voulu.

Qu’en est-il alors de la concurrence que vous font les sociétés qui financent à crédit l’accès à des produits neufs ?
La vente aux enchères a une clientèle spécifique. Ce qui lui permettra, du moins de mon point de vue, de ne pas disparaître et d’évoluer parallèlement aux autres systèmes d’acquisition de biens. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de choses. Il existe des personnes qui refusent d’acheter à crédit et préfèrent économiser pour acheter ce dont ils ont besoin lors d’une vente aux enchères. Il est tout à fait possible d’y faire de bonnes affaires à un coût relativement moins élevé que dans un système de financement d’achat à crédit. La vente aux enchères constitue une plateforme où il est possible de récupérer des objets et des produits qui, pour une raison ou une autre, ne représentent plus aucun attrait pour le marché courant et qui ont définitivement rejoint le domaine du patrimoine. La vente aux enchères est un excellent remède contre la consommation à outrance qui, dans bien de cas, condamne à la disparition des produits fabriqués à coups d’importants investissements. C’est un environnement où des objets peuvent s’offrir une deuxième, voire une troisième vie, évitant ainsi de terminer leur existence dans des dépotoirs officiels ou des dépotoirs improvisés tout court. Lorsqu’une famille place ses biens en situation de vente aux enchères, il y a tellement de surprises qui peuvent en surgir, que certaines personnes ne se priveront pas de faire le déplacement, ne serait-ce que pour regarder.

Quels sont ces produits qui sont à même de résister à l’usure du marché pour se positionner dans le segment du patrimoine ?
Prenons le cas de meubles fabriqués dans un bois précieux, que ce soit le bois d’ébène, le teck, différentes essences de la famille du bois de palissandre. Il existe une clientèle qui fera des kilomètres pour faire l’acquisition de meubles fabriqués dans un bois précieux. Sur la liste d’objets rares qui résistent à l’usure du marché se trouvent également des livres, des tableaux de peintres mauriciens, des pièces rares qui peuvent donner une allure exotique à une maison.

«Il existe une clientèle qui fera des kilomètres pour faire l’acquisition de meubles fabriqués dans un bois précieux.»

Qui sont ceux qui ont recours au commissaire-priseur pour vendre des biens ?
Ce sont des familles soit au moment de leur départ définitif pour l’étranger, des notaires dans le sillage de biens saisis pour défaut de paiement ou de remboursement, des commerces qui veulent récupérer une partie de leur investissement effectué pour importer certains produits qui, durant leur transport, ont été partiellement ou légèrement endommagés, des compagnies spécialisées dans la location de biens selon un système de crédit-bail, les compagnies d’assurance pour des voitures accidentées et pour lesquelles un dédommagement a été versé.

À combien pourrait se chiffrer une opération de vente aux enchères à domicile ?
Les prix peuvent osciller dans la fourchette de Rs 200 000 à Rs 1 million. Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons réaliser une vente à hauteur de Rs 700 000 à Rs 1 million. C’est un chiffre possible à réaliser lorsqu’une vente a lieu dans la demeure d’une famille. Les objets de valeur comme des tableaux, des meubles de style, des meubles en bois précieux tel le palissandre ou encore le bois macaque, les couverts, peuvent contribuer à provoquer une valse des enchères. C’est un ensemble de facteurs qui peuvent aboutir à un chiffre d’affaires intéressant. Ce n’est pas tous les jours qu’on négocie de telles occasions. Il faut être plus modeste en limitant notre moyenne de vente entre Rs 200 000 et Rs 400 000. Pour entrer dans nos frais d’opération et réaliser des bénéfices, il faut beaucoup travailler.

Quel est le comportement actuel de la clientèle de vente aux enchères ?
J’hésite à associer à la morosité l’attitude de notre clientèle. Je concèderais volontiers qu’il y a une sorte de flottement dans la décision d’acheter lors des ventes aux enchères. On a la nette impression que toute décision d’achat procède d’un long moment de réflexion.