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Drogue : le pouliah de gandia se vend à prix d’or

30 juillet 2019, 12:00

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Drogue : le pouliah de gandia se vend à prix d’or

Face à l’ampleur qu’a prise le synthétique et aux saisies policières de plus en plus fréquentes, le cannabis (gandia) se raréfie sur le  marché. Du coup, le «pouliah» coûte deux à trois fois plus cher. Quant à la cocaïne, récemment découverte à Maurice, son prix s’avère tout aussi salé. Comment sont fixés les prix des drogues ?

«Les trafiquants se font de l’or actuellement avec du gandia. Cette drogue devient plus difficile à trouver sur le marché », lance Brigitte Michel, directrice de l’association Ailes. Si le pouliah coûtait entre Rs 100 et Rs 200 avant, désormais il faut débourser Rs 500, voire Rs 1 000 pour s’en procurer. Et ce, avec un dosage réduit, estime la travailleuse sociale.

Un constat partagé par Saoud Muthy, psychothérapeute et Programme Executive de l’association Kinouété. «On observe un manque de cannabis sur le marché, face à l’explosion du synthétique. Par exemple, avec Rs 50, deux personnes peuvent se procurer une dose sous forme de cigarette et peuvent se la partager. Au bout de trois bouffées, elles ressentent déjà les  effets qu’elles recherchaient», explique-t-il.

Pour Imran Dhanoo, président du centre Idrice Goomany, en plus de la hausse actuelle du prix, la qualité du cannabis est inférieure. «Les consommateurs ne trouvent plus de gandia extrait de la meilleure partie (NdlR, appelée bout) de la plante. Ils n’ont que celui provenant du grenaz, c’est-àdire de la mauvaise qualité», indique notre interlocuteur. «De plus, on note une indisponibilité du cannabis local et importé sur le marché.» La pénurie du gandia est aussi liée aux saisies policières. Comme celles-ci sont plus fréquentes, le marché devient restreint, confirme un officier de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU).

Comment sont déterminés les prix ? Et surtout qui les fixe ? D’abord, estiment nos interlocuteurs, le marché repose sur la loi économique. Donc le tarif monte dès qu’il y a moins de produits disponibles. À l’inverse, si le gandia inonde le marché, le prix baisse. Pour les travailleurs sociaux, les «dealers » se basent sur les prix internationaux, dont ceux du marché européen. «Il se peut qu’il y ait un réseau local car les vendeurs pratiquent littéralement les mêmes prix», analyse Saoud Muthy.

Mélange

De son côté, Brigitte Michel indique que le tarif varie également en fonction du type de drogue en question. «Par exemple, à Maurice, l’héroïne est mélangée avec du paracétamol ou d’autres médicaments. Ce n’est pas de la drogue pure. Du coup, les prix vont changer. Maintenant, s’il s’agit de psychotropes, en pharmacie, un comprimé peut coûter Rs 10. Au marché noir, il revient à Rs 50.»

En fait, les vendeurs, connus comme les «jockeys», fixent les prix. D’après notre source à l’ADSU, ces tarifs sont scrutés par les officiers de la Field Intelligence Unit. «Ils font un constat sur le terrain pour voir la disponibilité de la drogue, les prix payés par les consommateurs. On fait un monitoring à partir de là.» Ces éléments déterminent la valeur marchande lors des saisies. Pour revenir au cas du gandia, s’il est encore sous culture, le prix sera plus faible. En revanche, une fois récolté et préparé, il est revendu à plus cher.

Actuellement, le marché évolue rapidement. En effet, les drogues de synthèse, sont des plus accessibles. Pourquoi ? «Un composant principal est importé illicitement d’Asie. Il arrive sous forme de cristaux, poudre ou vaporisateur. Les trafiquants y mélangent toutes sortes de choses et l’écoulent rapidement », répond-on à l’ADSU. Comme cette drogue fait des émules surtout chez les jeunes, le marché s’en alimente encore plus.

Quid des autres drogues ? Pour Imran Dhanoo, l’héroïne ne connaît jamais de pénurie. À ce titre, il cite les chiffres du Health Statistics Report du ministère de la Santé qui évalue le nombre de toxicomanes par voie intraveineuse à 7 000 en 2017. «Dans la réalité, je pense qu’il s’agit d’au moins 10 000», soutient-il.

Côté prix, ce produit commence à Rs 6 000, selon sa pureté. Pourtant, dans les années 1980, une dose se vendait à Rs 15, confie Saoud Muthy. «Maintenant, les trafiquants divisent un gramme de ce produit en 20 portions. Et une portion constitue une dose. Actuellement, on en compile deux au prix de Rs 500.»

Quant à la cocaïne, la saisie des 95 kg à bord d’une tractopelle et une autre cargaison dissimulée dans du riz à Flic-en-Flac suscitent des questions. «La cocaïne constitue un marché niche car elle est consommée par des gens aisés. On pense notamment aux participants de parties privées et aux étrangers. Pour l’heure, cette drogue n’est pas consommée par la masse», déclare Imran Dhanoo.

Un phénomène qui inquiète Saoud Muthy, qui se demande si «le marché de la cocaïne est entré ici. Ces marchandises saisies étaient-elles destinées à la consommation locale ou étaient-elles en transit ? Il faut le savoir»  En termes de prix, la cocaïne demeure la drogue la plus chère à Maurice. L’ADSU l’évalue à Rs 15 000 au minimum… le gramme pour les vendeurs. Une vraie pépite d’or.

D’après Saoud Muthy, les «jockeys» s’approvisionnent directement auprès de l’importateur principal de drogue. Après la livraison, la drogue est divisée, coupée et ajoutée à d’autres substances qui sont préparées par un groupe de «marchands». Les dealers prennent alors le relais. «Mais ils n’empochent pas l’argent. Un accord est établi entre eux et l’importateur», explique notre interlocuteur.