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A Saint-Briac, pas de trêve estivale sur le sentier de la discorde

25 juillet 2019, 20:18

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A Saint-Briac, pas de trêve estivale sur le sentier de la discorde

«Révoltant!» A peine inauguré et déjà fermé: à Saint-Briac (Ille-et-Vilaine), la fermeture partielle du sentier littoral quelques mois seulement après son ouverture suscite de vives tensions entre randonneurs et riverains.

«Ce type de comportement est inacceptable, c’est de la provocation à l’état pur», peste Patrice Petitjean, président des Amis des chemins de ronde d’Ille-et-Vilaine (ACR 35), devant la porte verrouillée qui barre le passage au-dessus de la plage de la petite Salinette.

«Faut pas céder! Sinon ça va finir comme en Corse», approuve un estivant en maillot et casquette. «Vive le sentier fermé», rétorque un autre homme, lui aussi en maillot.

Inauguré en grande pompe début mai par la préfète de Bretagne Michèle Kirry et le président du département d’Ille-et-Vilaine Jean-Luc Chenut, le sentier a été fermé par l’un de ses riverains moins de trois mois plus tard.

«Cette partie du sentier est supprimée», pouvait-on lire sur des affichettes ornées d’un drapeau tricolore à quelques centaines de mètres de distance. A marée haute, les promeneurs sont désormais contraints de faire un détour de plusieurs centaines de mètres par la route.

A l’origine de cette fermeture, un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes de juin 2019 qui a annulé partiellement le tracé en raison de risques d’éboulement, contestés par la préfecture.

«C’est honteux, révoltant. On nous retire nos balades: le littoral, ça appartient à tout le monde», s’énerve Jean-Marc Simon, promeneur rennais, accompagné de son fils. «C’est l’une des seules choses gratuites qui restent et on nous l’enlève.»

La fermeture du sentier n’est que l’énième rebondissement d’une bataille vieille de près de 40 ans. Dès 1982, un arrêté préfectoral devait permettre le cheminement des promeneurs le long de la côte d’Emeraude, conformément à une loi de 1976. Mais il a été annulé par le Conseil d’Etat en 1988 après des recours de riverains.

«Jusqu’au-boutistes»

Un nouvel arrêté préfectoral, pris en 2015, a été lui aussi immédiatement attaqué et partiellement annulé en première instance, puis en appel. Parmi les requérants, figurent notamment l’héritier d’une grande entreprise de transports routiers (domicilié au Panama), un président de chambre à la Cour des comptes ou encore la famille Forbes, dont sont issus l’ancien secrétaire d’État américain John Kerry et l’ancien ministre de l’Environnement Brice Lalonde.

«Cela donne l’impression que la loi n’est pas la même pour tous», reconnaît le maire Vincent Denby Wilkes, qui a demandé aux riverains de retirer les portes. «C’est très, très mal perçu par les Briacins, d’autant plus mal que le tracé réalisé par l’Etat est remarquable, à l’exception d’une maison. Dès l’ouverture, la fréquentation a été spectaculaire.»

Ancien magistrat, Patrice Petitjean envisage de déposer une plainte et d’organiser «une méga manifestation pacifique». «Il y a une dimension symbolique», explique le président de l’ACR 35. «Le sentier littoral en France, il est attaqué de partout. De plus en plus, des propriétaires sans vergogne ferment le sentier et interdisent par là-même aux randonneurs de se promener le long de la mer».

Tout cela ne semble pas perturber outre mesure Philippe Labouret qui reçoit dans sa maison en pierres, aux baies vitrées donnant sur la mer. «Dans cette affaire, les seuls gens calmes, pondérés et intelligents, ce sont les riverains propriétaires. En face, on a une bande d’excités, un peu jusqu’au-boutistes, un peu «gilets jaunes»», assure l’ancien officier de marine de 78 ans.

«Le maire est un ami mais je ne le comprends pas, il perd un peu les pédales», dit-il. Quant à la préfète, «je serais ministre, je la relèverais de ses fonctions» car «on n’inaugure pas un chemin qui est en contentieux», ajoute le chef d’entreprise, se targuant du soutien de riverains «très haut placés». Pour lui, le sentier ne doit pas passer dans sa propriété «quoi qu’il arrive», en raison des risques d’éboulement.

Assurant être «attentive aux conditions de sécurité», la préfecture s’est au contraire dite «déterminée à poursuivre son action». Un pourvoi en cassation est à l’étude.