Publicité

Mont Blanc: la Mer de Glace, splendeur et grisaille

25 juillet 2019, 19:49

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Mont Blanc: la Mer de Glace, splendeur et grisaille

Le glacier est enfoncé et grisâtre, rien à voir avec l’abondance immaculée d’il y a seulement quelques décennies: dans le massif du Mont Blanc, le réchauffement implacable a entamé ses ravages. Désormais, il attaque dans le dur.

La Mer de Glace, plus grand glacier français, fond à vue d’œil. Malgré la neige tombée au printemps, la glace est à vif, parsemée de cailloux. De l’eau ruisselle, on n’entend qu’elle. Sauf quand, à intervalle régulier, un grand fracas de pierres interrompt ce chuchotis en dévalant une pente. Rituel: lever la tête, repérer la trace puis reprendre sa marche, sa conversation.

L’escalier interminable qui descend de la gare du Montenvers, où débarquent touristes et montagnards depuis Chamonix toutes les demi-heures, se rallonge désormais d’une vingtaine de marches par an pour atteindre le glacier.

En bas, une grotte creusée dans la glace bleutée invite à s’initier à cet univers mystérieux. Autrefois éclairée comme une boîte de nuit, avec des spots lumineux de différentes couleurs, elle est aujourd’hui plus sobre. Un homme en bermuda en sort, en soupirant «bon…» Pas grand-chose à dire de cette attraction qui résiste au temps mais sans doute plus pour longtemps.

Des employés déploient des bâches blanches calées par de gros cailloux au-dessus de la grotte, pour renvoyer la lumière et la protéger du soleil.

Sac à dos, piolet et corde enroulée autour du torse, les alpinistes ne s’attardent pas, abordant la Mer de Glace d’un pas vif pour remonter sa pente naturelle.

Des vagues et des vagues de glace, comme une mer qui aurait gelé dans l’instant. Rapidement, il faut les longer, à gauche ou à droite, pour trouver la jonction vers la prochaine ou une crevasse assez étroite pour être enjambée. C’est un jeu de concentration.

Sur chaque rive, des échelles implantées dans le rocher, sur des centaines de mètres, permettent d’accéder aux refuges construits pour la plupart il y a moins d’un siècle. A une époque où le glacier était nettement plus haut. Plus loin, plus pénible à atteindre, le refuge n’en devient que plus désirable. Mais il faut avoir les poumons bien accrochés et ne pas ménager sa peine.

A l’arrivée, des salutations chaleureuses, un verre partagé, le repos et la joie d’être parvenu au bout de l’effort. A l’intérieur, des effluves d’oignons mijotés et de chaussettes humides. Un collectif fraternel attablé, blagueur et camarade, loin des repères citadins.

Chacun échange son plan pour le lendemain, ou la nuit même pour les montagnards ambitieux qui veulent profiter de la stabilité d’une neige recroûtée par le froid et entamer une course longue, traversée ou ascension.

Guides et alpinistes de plus de 50 ans racontent, eux-mêmes sidérés, qu’enfants, ils pouvaient toucher la neige de la Mer de glace à peine sortis du petit train rouge du Montenvers. C’était il y a longtemps et hier seulement. La fonte, vertigineuse, n’est pas près de ralentir.

Du refuge, la vue s’ouvre au-delà des virages du glacier, vers les sommets mythiques du massif. Un paysage à couper le souffle, apparemment immuable de beauté. La nuit tombée, sa majesté le Mont Blanc trône toujours au milieu des étoiles.