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Divorce en hausse: à qui la «faute» ?

21 juillet 2019, 22:00

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Divorce en hausse: à qui la «faute» ?

Le dernier rapport du secteur judiciaire, fraîchement publié, est révélateur : les divorces ne cessent d’augmenter. Cette tendance s’accélère depuis 2016 aussi bien à Maurice qu’à Rodrigues. Quelles en sont les causes ? Explications, pour le meilleur et surtout pour le pire.

«J’ai divorcé depuis trois ans. Mon mari était infidèle. Mais les torts étaient partagés. On bossait trop. Du coup, on n’avait plus de vie intime. Au début, on avait bien plus de complicité», confie Nina, 35 ans, maman d’un petit garçon. Après sept ans, rien ne va plus. Le couple décide de divorcer. 

Aujourd’hui, Nina se sent définitivement «mieux que si elle était restée mariée». Michel, 43 ans, employé dans une compagnie d’assurance, a aussi divorcé. «Ma femme est partie un matin, en me laissant avec notre fille. Elle m’a dit que ce n’était pas la vie qu’elle voulait. Quelques mois plus tard, elle a demandé le divorce.» Il est depuis resté papa célibataire.

L’an dernier, 2 666 cas de divorce ont été logés, soit 7,7 % de plus que 2015. Parallèlement, le nombre de divorces prononcés grimpe en flèche. D’après le rapport du secteur du judiciaire publié le 16 juillet 2019, ce taux était de 2 325 en 2018 contre 1 921 en 2017 et 1 840 en 2016 à Maurice respectivement. À Rodrigues, 100 divorces ont été prononcés en 2018, représentant 56% de plus comparés à 64 en 2015. 

Pourquoi les couples divorcent davantage aujourd’hui ? D’après l’avoué Pazhany Rangasamy, les gens se marient aveuglément sans se rendre compte des responsabilités du mariage. «Pourquoi ne pas mieux connaître la personne, donner du temps au temps? Après le mariage, ils se rendent compte de l’incompatibilité, qu’il faut habiter avec les beaux-parents, que le conjoint est un escroc ou un drogué.» 

Sonam Kissoon, avouée chez Dentons Mauritius LLC, évoque d’autres changements : violence conjugale, adultère, problèmes financiers, ou «la charge financière» qui tombe sur un seul partenaire. De plus, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à demander le divorce (1 023 contre 610 en 2018) d’après le rapport 2018. Pourquoi ? «Les femmes n’arrivent plus à subir la situation. Certaines ont des époux qui les empêchent de travailler et d’étudier. Elles divorcent pour survivre et se développer. Avant le divorce était tabou. Ça ne l’est plus désormais», indique l’avouée. 

De son côté, Chandra Rungasawmi, sociologue, se focalise sur les changements au niveau du mariage lui-même. L’éducation gratuite et l’évolution de l’économie ont favorisé les qualifications et l’emploi des femmes. Des lois les protègent également. Enfin, la technologie est venue les émanciper davantage. «La femme n’est plus perçue comme une machine à produire des enfants. Elle s’épanouit, suit et ne subit plus sa sexualité», confie-t-il.

Et si certains hommes se sont adaptés à ce changement rapide chez les femmes, d’autres ont campé sur leur position patriarcale, poussant au divorce, ajoute le sociologue. L’alcoolisme, la drogue et les réseaux sociaux sont aussi mis en cause. 

Sur le plan légal, le motif de divorce le plus récurrent est la faute, d’après le rapport. Selon Narghis Bundhun, Senior Counsel, dans ce cas, un divorce est prononcé quand le juge arrive à la conclusion «qu’un des époux a manqué aux devoirs de secours et d’assistance, de fidélité, d’assurer l’entretien du ménage et de la famille, d’éducation à l’égard des enfants et d’avoir une communauté de vie». À ce titre, si un des époux a été condamné à une peine criminelle d’au moins cinq ans de servitude pénale, l’autre peut demander le divorce pour faute d’après le Code Pénal mauricien. 
Parallèlement, on peut aussi divorcer pour rupture de vie commune, notamment après l’éloignement d’un des conjoints pendant une période continue de plus de deux ans, précise Pazhany Rangasamy.

Le divorce par consentement mutuel, introduit vers 2010/2011, a aussi changé la donne. Ceci suscite que les époux soumettent au juge un protocole d’accord réglant les conséquences du divorce. Toutefois, ce type de divorce ne peut être demandé au cours des deux premières années de mariage. Justement, la durée du mariage est soulignée dans le rapport. Ainsi, 45 % des couples ont divorcé après moins de dix ans de mariage en 2018. 36 % ont divorcé après une moyenne de 10 à 19 ans de mariage et 19 % après 20 ans de mariage et plus.

Combien ça coûte? 

<p style="text-align: justify;">D&rsquo;après Pazhany Rangasamy, il faut compter environ Rs 40 000 pour une procédure de divorce. Ce montant inclut une moyenne de Rs 10 000 pour les frais d&rsquo;avoué, Rs 25 000 pour l&rsquo;avocat et Rs 5 000 pour la cour. Et la durée de procédure? Cela dépend du cas. Mais une fois la pétition de divorce rédigée, elle ne sera entendue que 4 à 5 mois plus tard&hellip;</p>

Un phénomène qui s’amplifie à l’international

<p style="text-align: justify;">Maurice est loin d&rsquo;être un cas isolé en matière de divorces. En effet, dans le monde, les chiffres sont également à la hausse. D&rsquo;après les médias internationaux, sur 100 mariages, le Portugal est en tête d&rsquo;affiche, enregistrant 72 divorces. S&rsquo;en suivent la Belgique avec 61 divorces, l&rsquo;Espagne avec un taux de 58, la France qui en est à 52, l&rsquo;Italie et le Royaume-Uni avec 42, l&rsquo;Allemagne avec 41 et les États-Unis avec 38. En France, plus précisément, l&rsquo;accélération du phénomène est conséquente. Ainsi, en 1970, 38 949 divorces ont été recensés. Dix ans plus tard, ce chiffre a doublé, avoisinant les 81 156. En 1990, le taux mondial de divorces était de 105 813 et de 116 723 en l&rsquo;an 2000. Cinq ans plus tard, un pic de 155 253 a été enregistré. Mais bonne nouvelle, en 2015, le divorce a connu une baisse, passant à 123 668.</p>