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Pensionnats: petit tour dans les «loka»

21 juillet 2019, 20:00

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Pensionnats: petit tour dans les «loka»

La mort de ce policier de 36 ans dans un pensionnat à Trou-aux-Biches, en début de semaine, relance le débat autour des pensionnats, affectueusement surnommés «loka» chez nous. Le prix, la qualité du service, la sécurité ou encore la disponibilité des chambres… Entrons dans leur intimité.

«Guest house.» Charmant nom pour des bâtiments abritant plusieurs chambres, qui sont mises à la disposition de ceux qui y viennent, moyennant paiement. Des touristes, à la base. Mais au fil du temps et des années, ils ont été reconvertis en «pensionnats» pour plus de rentabilité. Ainsi, ils ouvrent leur porte, à tous ceux qui veulent passer du bon temps avec leur tendre moitié, loin des «bhai looké»…

Petit cours d’histoire d’abord. Le bordel le plus connu du pays jusqu’à la fin des années’ 70 se situait juste à l’arrière de la salle de cinéma Majestic, à la rue La Poudrière, à Port-Louis. La maison close était alors connue des Mauriciens comme «loka», mot probablement tiré de l’hindi «lok» qui veut dire «le monde». 

La clientèle de «derrière Majestic» était composée principalement des villageois et des habitants des Plaines-Wilhems venus à Port-Louis pour des démarches administratives ou pour des achats mais surtout pour assister aux courses hippiques.
 
Les transactions se déroulaient dans la bonne humeur sauf quand, lors de rares occasions, le client partait sans payer les fees convenus. Les filles se mobilisaient alors et d’une seule voix lançaient l’alerte du côté de la rue La Poudrière, mettant le feu aux poudres : «Kokin l*** ! Kokin l***…» 

Les habitués du Jardin de la Compagnie, ameutés par ces appels et réagissant à leur instinct animal sans doute, se faisaient un devoir d’appréhender le «voleur de vertu» qui, sous la menace d’être rossé, acceptait de corriger un vilain cas d’injustice commerciale… 

Les prostituées vantant leurs mérites à l’arrière de la salle de cinéma faisaient la joie des collégiens des environs, qui passaient par ce lieu pour se rendre à la place de l’Immigration avant de rentrer au village. Évidemment, les filles s’amusaient à leurs dépens, en les invitant à goûter au fruit défendu, certaines exhibant même leurs atouts.

Tout pour plaire

Ceux ayant «fréquenté» le mythique «derrière Majestic» se vantaient de leurs exploits, avec des exagérations bien sûr. Les beaux parleurs ne rataient pas les détails, surtout l’utilisation de «baquets» sinon de «cuvettes». Les lavabos et les bidets n’étaient pas encore rentrés dans les mœurs mauriciennes. Mais «al deryer Majestic» devint aussi un terme d’insulte. 

Aujourd’hui encore, les lieux sont tout aussi prisés. «Li pli abordab. Pa pou al dépans enn fortinn pou al lotel pou pas zis 2-er tan», confie un jeune habitué de la chose. Les prix pour la chambre varient entre Rs 500 et Rs 800, selon certains gérants. «Celles qui ont vue sur piscine ou qui disposent d’une baignoire coûtent plus chères.»«Certains pensionnats-loka disposent même de suites. Qui sont louées, elles, à Rs 1 500. Vous avez alors droit au jacuzzi…»

Par ailleurs, avec la compétition féroce de nos jours, tout est fait pour plaire aux clients. Ainsi, certains proposent le package anniversaire. Champagne et gâteau compris. «Il y a aussi le pack déjeuner. Cela dépend du menu du jour. Le briani ou les mines frites sont parmi les plats les plus prisés. Nou sey adapté nou ek nou klian.»

Sinon, hormis les Mauriciens qui veulent se mettre à l’abri des regards indiscrets, les travailleurs étrangers, surtout des Bangladais, font partie des clients réguliers. «Zot vinn kas zot ti poz dan dimans gramatin. Il y a aussi quelques malgaches et des Taiwanais. Mais c’est plus rare.»

Quid à la sécurité ? Car rappelons-le, il y a eu, par le passé, pas mal d’incidents dans des pensionnats. On se souvient du cas de cette jeune femme qui s’était jetée dans le vide, à Riche-Terre, ou encore des cas de viols. En 2014, une jeune femme âgée de 26 ans avait été découverte dans le couloir d’un loka, près de la gare Victoria, aux petites heures du matin. Elle agonisait dans une mare de sang. Elle y avait été emmenée contre son gré, certes, mais le danger est bel et bien réel dans ce type d’endroit. «Tout d’abord, quand on dit sécurité, il y a quand même des paramètres. Nou pa pou al met caméra dan lasam hein», rétorque à ce propos un gérant. 

Qui plus est, les gérants assurent un minimum de sécurité sur le parking et la salle de réception est dotée d’une caméra, enfin ça dépend de l’endroit. Et puis, «tou dimounn ki vini nou pran so kart identité. Premièrement pour s’assurer que la personne est majeure mais aussi en cas de problème, pour faciliter la tâche aux policiers.» La police, explique-t-on, effectue aussi des patrouilles régulières pour vérifier que tout est en règle. «Ou pa trouvé, parfwa zot fer landing tousala. Nou pa fer nanyé pou met noumem dan problem», insistent les gérants. 

Sinon, il y a aussi des hôtels, qui opèrent dorénavant sur les mêmes critères des pensionnats. Dans des points stratégiques, généralement situés dans le centre-ville ou sur le littoral, ils sont connus comme des «business hotels». Le prix d’une chambre,louée pour quelques heures tourne, autour de Rs 2 500 à Rs 3 000. «Bann dimounn ki travay kapav al kas zot poz dan ler manzé. Li pli pré ek aksesib. La clientèle est high-class…» 

Mais alors qu’en est-il de la rumeur concernant une «pénurie» de chambres ? Il n’en est absolument rien, bien au contraire, selon plusieurs habitués. «Ena pansiona dan tou kwin lari. Enn pa lib, ou al lot plas.» Mais c’est vrai qu’il y a des jours où la disponibilité fait défaut. «Vendredi soir ou samdi-la difé sa! Tou zénes sirtou apré kour ou travay al laba mem.» 

Par ailleurs, Trou-aux Biches – le bien nommé – est devenu depuis peu le village «réputé» pour ce genre d’activités. «Pansiona pe pous kouma sanpinion isi. Tou dimounn koné kan vinn isi dan sir», soulignent les forces vives de la région. «Sak 200 met ena enn baz…» Les nombreuses pétitions des résidents, pour que les autorités n’accordent plus de permis en ce lieu, sont restées lettre morte.