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Pour les sinistrés de la rue de Trévise, la vie reprend mais reste en suspens

10 juillet 2019, 15:53

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Pour les sinistrés de la rue de Trévise, la vie reprend mais reste en suspens

Six mois après la spectaculaire explosion de la rue de Trévise, la vie reprend dans ce quartier du coeur de Paris, mais les sinistrés peinent toujours à imaginer leur avenir, plongés dans un «long tunnel» d’incertitude depuis le 12 janvier.

Imène contemple les palissades qui barrent le bout de cette rue du 9e arrondissement, à quelques encablures des Folies Bergère.

Au-dessus, elle peut apercevoir les fenêtres de son appartement, au premier étage du 6, rue de Trévise, immeuble où s’est déclenchée l’explosion qui a soufflé ce samedi matin de janvier, juste avant 09H00, le quartier encore assoupi, faisant quatre morts -dont deux pompiers- et 66 blessés.

Aujourd’hui, la rue se retrouve «comme amputée», estime cette avocate de 42 ans. «C’était un point de passage, aujourd’hui les gens sont obligés de faire un détour».

Autour de ce pâté de maisons fantôme résonnent toutefois le bruit métallique des échafaudages qu’on monte, les coups de marteaux, le bourdonnement des perceuses. Depuis une quinzaine de jours, camions de chantier et de déménagement se succèdent dans les rues étroites.

Une première phase d’enquête technique a été bouclée, ouvrant aux habitants, aux experts d’assurance et aux ouvriers l’accès aux immeubles voisins du périmètre interdit afin qu’ils y «prodiguent les premiers soins», selon la maire du 9e arrondissement Delphine Bürkli.

«La vie reprend progressivement», explique l’élue, qui s’est également employée à végétaliser le reste de la rue, où ont essaimé quelques terrasses de restaurants. Mais «il faudra encore du temps pour panser les plaies», estime-t-elle.

L’austère palissade de bois a été décorée, recouverte du mot «ensemble» écrit à l’infini par un artiste du quartier, Arthur Simony, puis colorée par les habitants.

Au-delà, le périmètre est interdit au public. Les accès aux six immeubles les plus touchés sont étroitement contrôlés par une société de gardiennage, qui a succédé aux forces de police pour protéger les lieux des pillages et squatteurs, ainsi que pour les besoins de l’enquête. Les habitants peuvent y accéder ponctuellement sur autorisation, pour une durée limitée.

Revenir de «l’enfer»

Dans les jours suivant l’explosion, les premiers éléments de l’enquête évoquaient une possible fuite de gaz. Les habitants sont désormais suspendus aux premières conclusions des juges d’instruction, espérées mi-juillet.

Car six mois après le drame, «on en est nulle part», estime Dominique Paris, présidente de l’association Trévise-Ensemble.

«Ce rapport d’enquête est une étape importante, on attend (qu’il désigne) des responsabilités (de l’accident). Ca débloquerait des choses au niveau des assurances notamment», estime-t-elle. «Mais le responsable va contester les conclusions et il y aura encore au moins six mois de contre-expertises», redoute-t-elle: «On n’a aucune visibilité. Ce que j’aimerais, c’est avoir un calendrier».

L’ampleur des travaux (consolidation, démolition...) dépend notamment de l’évaluation des structures des bâtiments. Mais ces recherches sont bloquées, car certains sous-sols sont toujours interdits de déblaiement pour les besoins de l’enquête.

«On nous parlait de quatre ans (avant de pouvoir revenir, ndlr), on pensait que ce serait un grand maximum, mais ça pourrait bien durer cinq ans», soupire Vanessa Mallet, autre habitante du 6, rue de Trévise.

Comme beaucoup des 400 sinistrés, elle a choisi de rester dans le quartier. Les aides au relogement sont prévues pour un à deux ans, «mais si ça dure quatre à cinq ans, il va falloir tenir», s’inquiète cette mère de famille de 45 ans: «On vit à Paris, on a des emprunts à payer... C’est une énorme interrogation».

Pour Imène, ces six derniers mois ont été «un long tunnel», dont elle ne voit toujours pas le bout: «un long tunnel administratif, un long tunnel assurantiel et un long tunnel psychologique».

«On arrive à la fin de l’année à bout de souffle. On a l’impression le 12 janvier, après l’explosion, d’être arrivé en enfer et que depuis ce moment-là, on fait le chemin inverse pour revenir à la vie. Et ce chemin est long», confie-t-elle, évoquant des nuits «compliquées», des «angoisses qui remontent» et des «souvenirs olfactifs ou auditifs qui se réveillent» régulièrement.

Avec sa famille, elle vit «au jour le jour»: «Si on commence à calculer tout le flou qu’il y a autour de notre vie dans les quatre à cinq ans à venir, c’est très angoissant».