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Glorieuse Guillaume: l’ancienne médaillée d’or se retrouve sans argent

7 juillet 2019, 18:30

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Glorieuse Guillaume: l’ancienne médaillée d’or se retrouve sans argent

Grandeur et décadence. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la vie de cette judokate au prénom évocateur de succès. L’or, elle l’a obtenu plusieurs fois au niveau national comme régional. Une arthrose et une intervention subséquente ratée ont affecté sa mobilité et mis fin à sa carrière. Ne pouvant plus travailler, elle est désormais menacée d’éviction.

Lorsque Glorieuse Guillaume nous ouvre la porte de sa petite maison bien rangée et entretenue, à Dagotière, on peine à croire que cette quadragénaire qui s’appuie sur une béquille pour se tenir droite, a été une gloire du judo. C’est pourtant le cas. Les médailles accrochées au mur et les coupes installées sur les meubles en témoignent.

Cette native de Bigarade, à Rodrigues, a commencé la pratique du judo sur le tard, soit à 17 ans. Son moniteur n’était autre que son frère Joël, responsable du Malabar Judo Club. Une venue tardive au sport qui ne l’a toutefois pas empêchée de quitter son île pour s’installer à Maurice, vivre à fond sa passion pour le judo et voir le quadricolore mauricien être régulièrement hissé au sommet du mât lors de compétitions nationales comme internationales.

Son palmarès démarre en 1988. Et pendant les dix ans qu’a duré sa carrière, elle a été fidèle au rendez-vous avec le succès. Elle a commencé par obtenir une médaille d’argent dans la catégorie des moins de 61 kg aux Jeux des Îles de l’océan Indien de 1990 à Madagascar. L’année d’ensuite, elle est montée d’un cran, en remportant le titre de vice-championne d’Afrique. En 1992, c’est encore l’argent qu’elle ramène lors du Tournoi international de La Réunion. Glorieuse Guillaume a remporté l’or aux Jeux des Îles de 1993, aux Seychelles. Elle n’a pas bronché et s’est pliée à la volonté de son entraîneur mauricien lorsqu’il l’a obligée à maigrir sans recourir à une diététicienne, pour qu’elle puisse concourir dans la catégorie des 56 kg.

Par manque d’informations, elle s’est fait battre aux Jeux d’Afrique de 1995 et a ainsi raté de peu la qualification pour les Jeux Olympiques d’Atlanta, l’année suivante. Toujours en 1995, elle est montée sur la plus haute marche du podium au championnat d’Afrique du Sud-Sud-Est.

Glorieuse Guillaume a aussi ramené l’or au cours de la compétition nationale malgache en 1996, après avoir battu la judokate malgache qui l’a mettait souvent K.-O. Elle a obtenu la médaille d’argent aux Jeux d’Afrique de 1996 et elle a régulièrement été championne de Maurice en judo. Glorieuse Guillaume l’avoue. Elle ne vivait que pour le sport et tous les petits boulots qu’elle effectuait à côté étaient surtout alimentaires. «On s’entraînait tous les jours, excepté le week-end car il y avait des compétitions.» À un moment, elle a même été employée par la fédération mais pour une somme modique. «On nous donnait Rs 2 000 pour l’entraînement le matin, le travail dans la journée et l’entraînement le soir», raconte-t-elle. Qu’à cela ne tienne, pour le judo, elle était prête à tous les renoncements et à tous les sacrifices.

Elle n’a pas brillé qu’en judo puisqu’après six mois d’entraînement à l’haltérophilie en 2003, elle a, par trois fois, obtenu la médaille d’argent aux championnats nationaux. Tout s’est brutalement arrêté pour elle en 1997, à la suite d’une déchirure aux ligaments croisés du genou. Elle s’est fait traiter à l’hôpital SSRN. Elle ignorait à cette époque que ce n’était que le début d’une longue série de galères. Comme elle avait mis un peu d’argent de côté, elle se dit qu’il était temps pour elle d’avoir un toit. Elle a donc placé cet argent sur un compte Plan Epargne Logement et a fait une demande pour une maison de la National Housing Development Corporation, à Dagotière, car à l’époque, elle travaillait dans une usine située non loin de là.

Référée par Michael Glover, qui était alors président du Trust Fund for Excellence in Sports, Glorieuse Guillaume a rapidement obtenu la maison qu’elle occupe actuellement à Dagotière en 2007 et pour laquelle elle payait des mensualités de Rs 1 400 puisqu’elle travaillait à l’époque. Mais elle a peiné à retrouver sa forme d’antan. «Depuis que je m’étais blessée au genou, je n’avais pas retrouvé la forme. J’essayais de faire avec. Deux ans à peine après que j’ai emménagé à Dagotière, je ne pouvais plus marcher correctement. Je boitais et j’avais mal à la hanche droite. Au début, vu qu’en faisant du judo, on se blessait souvent, je relativisais. C’est quand je ne suis plus arrivée à avancer et qu’au moment où je levais la jambe, ça coinçait, là, je me suis dit que c’était sérieux.»

Le scan auquel elle se soumet à l’hôpital du Nord révèle qu’elle souffre d’arthrose à la hanche droite. L’os est si usé qu’on doit l’enlever et le remplacer par une prothèse. Glorieuse Guillaume subit cette opération à l’hôpital Victoria en 2012. Un autre coup de massue lui tombe dessus en 2013. L’arthrose a gagné sa hanche gauche et l’os doit également être enlevé et remplacé par une prothèse. Ce qu’on ne lui dit pas en revanche, c’est que l’opération n’est pas concluante. Et lorsqu’elle est à même de se mettre debout, elle réalise qu’elle a la jambe droite plus courte que la jambe gauche. Elle doit alors prendre appui sur une béquille pour se mouvoir correctement.

Après lui avoir dit que sa situation ne s’améliorera pas, pour lui faire voir le bon côté des choses, le médecin lui dit de s’estimer heureuse que son corps n’ait pas rejeté les prothèses. «Je peux m’asseoir, me mettre debout, marcher mais pas pendant des heures. Je peux m’occuper de moi mais de là à sortir tous les jours pour aller prendre l’autobus sur la route principale et prendre une responsabilité de travail, c’est impossible car il y a des jours où je dois rester au lit tant c’est difficile de se lever. La béquille doit rester à côté de moi.»

À partir de là, elle doit faire une croix sur son emploi. Commence pour elle «des tonnes d’allées et de venues» au ministère de la Sécurité sociale pour obtenir une pension d’invalidité de Rs 6 000. Et comme si son état de handicap n’était pas assez visible, tous les ans, elle doit se soumettre à l’examen du Medical Board pour pouvoir percevoir la pension qui lui permet de vivoter. «C’est humiliant d’avoir à repasser devant le Board médical chaque année.»

Elle reçoit certes des médicaments de l’hôpital mais elle doit encore acheter des vitamines et d’autres compléments alimentaires, qui ne sont pas fournis. De plus, elle doit payer mensuellement les appareils essentiels achetés à tempérament qui lui permettent de ne pas trop se fatiguer comme une machine à laver et un aspirateur vu qu’elle ne peut se baisser pour balayer. Sans compter qu’elle doit s’alimenter. Autant de dépenses qui ne lui permettent plus d’honorer la mensualité pour sa maison.

Ce n’est que depuis l’an dernier qu’elle reçoit la somme de Rs 4 000 d’aide aux sportifs mais les mensualités impayées par rapport à son domicile se sont accumulées au point où elle est prise à la gorge. N’a-t-elle pas de la famille qui pourrait l’aider ? «Je ne me plains pas. Je suis contente d’être en vie mais quelle vie. Oui, j’ai de la famille à Rodrigues et à Maurice mais chacun a sa vie. Je suis responsable de la mienne. Je ne veux pas mettre de fardeau sur le dos de quelqu’un d’autre», dit-elle.

La NHDC lui a fait servir trois avertissements. Elle a appelé cette instance pour expliquer son cas. «Ils ont réduit la somme due à Rs 100 000 mais je n’ai pas cet argent puisque je ne peux plus travailler. Si je ne paie pas, je serai poursuivie et on me fera sans doute servir un ordre d’éviction.»

À un moment, dit-elle, elle a en voulu à la terre entière par rapport à sa situation, à commencer par elle-même pour avoir persisté dans la voie du sport sans penser qu’il lui fallait suivre une formation en parallèle pour l’après-sport. «Je ne dis pas que le gouvernement doit tout faire. Mais il doit offrir une formation à un jeune qui ne sait pas trop lire et écrire et qui se donne corps et âme en sport pour son pays afin qu’il puisse être qualifié dans un métier qui le fera vivre le jour où il ne pourra plus pratiquer ce sport.»

Les jeunes de son voisinage, avec qui elle discute de temps à autre, lui demandent à quoi cela lui a servi d’avoir fait du sport de haut niveau pour se retrouver ainsi au bas de l’échelle. «Ils me disent : tonn fer tou sa pou Maurice ek zordi to res dan sité ! To parey kouma nou.»

Selon elle, ce sont de telles situations d’abandon qui poussent les anciennes gloires du sport vers des substances comme l’alcool, la cigarette, voire la drogue. «J’ai eu ma période de déprime. J’ai essayé l’alcool, la cigarette. L’alcool n’était pas mon truc mais la cigarette oui. À un moment, il me fallait une cigarette pour me relaxer et dormir. Mais j’ai réussi à me maîtriser en me disant que j’avais déjà suffisamment fait mal à mon corps ainsi pour ne pas en rajouter. Et j’ai surmonté la déprime. Je me suis dit : il y a bien un Dieu et je suis enfant de Dieu. C’est pour cela que j’arrive à vous parler sans pleurer aujourd’hui.» 

Elle refuse de s’apitoyer sur son sort mais considère avoir été lâchée par la fédération de judo. «Pour elle, je n’existe plus depuis que je ne fais plus le sport.» 

Sa priorité aujourd’hui est de conserver son toit. Mais elle n’a aucune idée du comment. «C’est vrai que lorsque l’on fermera les yeux, on partira sans rien. Mais en attendant, je dois vivre et avoir un toit sur ma tête. Chacun a besoin de son petit coin où se sentir à l’aise ici-bas. On m’a proposé d’aller dans un couvent. Je n’ai que 48 ans. Je veux conserver mon petit coin. Je sais que la vie est un combat et je refuse de baisser les bras. Aller au couvent ce sera justement les baisser…»