Publicité

François Eynaud: «Il ne faut pas surdramatiser la situation du tourisme»

5 juillet 2019, 20:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

François Eynaud: «Il ne faut pas surdramatiser la situation du tourisme»

Bientôt à la tête du groupe Sun Resorts, François Eynaud est d’avis qu’il est nécessaire d’avoir une réflexion collective mais surtout de mener des actions pour redorer le blason du tourisme mauricien. Ce secteur doit être en phase avec les nouvelles tendances du marché et des besoins des voyageurs, dans cette nouvelle ère de digitalisation.

Vous prenez la tête de Sun Resorts en septembre. Quel sera votre plus grand défi ?
Étant toujours en poste à Veranda Leisure & Hospitality, je ne suis pas en position de faire de commentaire sur Sun Resorts à ce stade. Ce que je peux dire, c’est que Sun Resorts a toujours été un des plus importants fleurons de l’hôtellerie mauricienne, avec de très beaux produits.

MCB Focus fait mention des difficultés du secteur de l’hôtellerie avec une baisse de revenus de 9 %. Qu’est-ce qui explique cela ?
Nous avons constaté un ralentissement de la demande pour Maurice de janvier à mai. Ceci dit, il ne faut pas surdramatiser la situation. Et les prochains mois de basse saison s’annoncent plutôt bons. Néanmoins, les raisons de ce ralentissement sont multiples, d’après les professionnels du tourisme. Certains l’attribuent aux conditions climatiques du début de l’année, d’autres au fait que de nombreuses destinations concurrentielles avaient des difficultés l’an dernier et rebondissent cette année.

Nos concurrents, incluant notre voisin les Seychelles, connaissent, eux, une hausse des arrivées touristiques. Maurice ne séduit plus ?
Il y a beaucoup d’incertitudes dans nos marchés traditionnels comme le Royaume-Uni et la France, même si les Seychelles et les Maldives progressent bien sur ces marchés. Certains partenaires de la distribution pensent que nous avons un problème structurel dans la catégorie 5-étoiles, avec un rapport qualité-prix qui serait à la baisse et un prix du billet d’avion en business class non compétitif. La dégradation de notre environnement et l’image de notre destination méritent également une réflexion collective et, surtout, des actions rapides. Un urbanisme mieux réfléchi et réglementé est une nécessité absolue.

Est-ce la fin d’un très bon cycle de trois-quatre ans ou un ralentissement accidentel ?
C’est certainement un coup de semonce, qui nous démontre que rien n’est acquis et qu’une réflexion importante s’impose sur les actions à prendre pour pérenniser notre industrie touristique, ce pilier essentiel de notre économie.

Que pensez-vous du marketing de la destination à l’étranger ?
Il y a beaucoup d’efforts faits. Ce dont nous souffrons est définitivement un manque de coordination et d’alignement entre les principaux acteurs de l’industrie, à savoir le ministère. Et la Mauritius Tourism Promotion Authority, les hôteliers et Air Mauritius. Il nous faut une vision, une stratégie plus claire et mieux partagée. Il serait opportun également de revoir et revigorer notre marque «île Maurice». J’ai compris que c’était à l’agenda.

Nous faut-il converger vers d’autres marchés ?
Nous n’avons pas encore réellement réussi la diversification de nos marchés, même si nous constatons une belle percée sur le Moyen-Orient en basse saison. Le marché indien est en baisse de 15 % et la Chine de 34 %. Nous n’avons pas encore pénétré le segment haut de gamme de ces marchés, par exemple le marché golfique. Il est évident que la croissance ne viendra pas de la classe moyenne européenne mais plutôt des pays émergents, y compris l’Afrique.

D’aucuns estiment que le fonctionnement actuel de notre industrie touristique est obsolète. Qu’en pensez-vous ?
Il y a un peu de vrai. Tous les acteurs et opérateurs de l’industrie n’ont pas évolué au même rythme. Certains ont innové plus que d’autres. Nous devons nous adapter à la révolution digitale et technologique qui peut être à la fois disruptive et source d’opportunités. Les besoins des vacanciers ont évolué. Ils recherchent aujourd’hui des expériences «transformationnelles» et non plus seulement l’exclusif ou l’authenticité. Ils veulent donner du sens à leurs vacances. Notre offre et nos concepts doivent évoluer en fonction de ces nouvelles tendances.

Ce qui est certain, c’est que le monde du voyage évolue à une vitesse phénoménale, surtout avec la digitalisation. Le statu quo n’est pas une option. Tous les acteurs, y compris les hôteliers, doivent se remettre en question en permanence, écouter les marchés, suivre et anticiper les évolutions.

Les arrivées touristiques en provenance de Chine sont en constante baisse. Est-ce un manquement culturel ou logistique de notre part ?
Le marché chinois est un vrai souci. La régression des arrivées est surtout due à un problème de connectivité aérienne. La ligne Chine-Maurice n’est pas rentable pour Air Mauritius. Je ne vois qu’une seule solution : établir un partenariat stratégique entre Air Mauritius et une compagnie aérienne chinoise, comme c’est le cas avec Air France pour l’Europe. Air Mauritius a d’ailleurs récemment pris la très bonne initiative de réunir tous les acteurs de l’industrie afin de réfléchir à la stratégie Chine. J’espère que des actions concrètes et coordonnées vont en résulter.

Comment rebooster le tourisme ?
C’est une vaste question. Avoir une vision et une stratégie claire et partagée, adapter notre offre aux nouvelles tendances du voyage, surfer sur la révolution numérique, innover, mieux comprendre et s’adapter à la croissance de l’économie de partage, d’Airbnb et de la désintermédiation, redorer l’image de la destination. Un plan directeur pour le tourisme devrait intégrer le développement d’un tourisme inclusif et raisonné, respectueux de nos régions côtières et de notre patrimoine. Nous avons également un vrai problème dans l’industrie pour recruter. Cela ne va pas s’améliorer avec l’ouverture de nouveaux hôtels et le vieillissement de la population. Les solutions sont : améliorer l’attractivité du métier, la formation et l’assouplissement de notre politique vis-à-vis des employés étrangers.

Les mesures budgétaires pour le secteur répondent à vos attentes ?
Il n’y a pas grand-chose de nouveau dans le Budget pour le tourisme, à part des mesures intéressantes pour le développement durable et l’environnement. La dégradation de l’environnement, des plages et des lagons est un vrai problème qui affecte l’attractivité de notre destination. Les mesures annoncées doivent être suivies d’une vraie volonté politique, d’actions concrètes et urgentes.