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SDF: dites Madame, vous faites comment quand vous avez vos règles?

30 juin 2019, 20:45

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SDF: dites Madame, vous faites comment quand vous avez vos règles?

Menstruation. Spasmes. Serviettes hygiéniques. Question dès lors: comment font les femmes sans-abri quand vient le moment fatidique, mois après mois?

23 heures, vendredi. Les rues de la capitale sont désertes hormis les habituels couche-tard, fêtards, filles de joie, «nam kazino». Le vent souffle aussi fort qu’un automobiliste à jeun à qui on demande de faire un alcootest. Ici et là, des cartons vivants, volants.

En face de l’hôpital Jeetoo, des molletons de fortune cachent les silhouettes des infortunés, allongés par terre, dans le noir. Parmi, MaryJane, 38 ans. Cela fait 8 ans qu’elle est sans toit, sans-abri, sans maison. Pour avoir plus chaud, elle se blottit contre son compagnon Kevin, 38 ans aussi. L’intimité dans la rue, c’est particulier. Le sourire masque la gêne. «Nou debrouyé, kasiet-kasiet…»

Qu’en est-il des règles ? «Kotex-la kout ser (NdlR, à partir de Rs 32 au supermarché). Mo travay kot bann vié dimounn, mo pa gagn boukou kas. Kevin fer anflé kamion ek sékirité. Kas nou gagné sé pou manzé.» Alors, à la place des serviettes hygiéniques, Mary-Jane utilise «bann sifon» en coton. «Ramas bout bout linz, lerla mo trasé ek sa. Anplis, pou mwa koul boukou…»

Où se lave-t-elle, se change-t-elle? Dans les toilettes publiques, durant la journée, le soir, dans un coin à l’abri des regards indiscrets. «Mo zet sifon-la dan poubel, pou pa fer dezord ek lisien eran pa vinn zoué ek sa…»

La pluie se met à tomber, le froid redouble d’ardeur. Mary-Jane et Kevin remontent la couverture. Ce soir, ils penseront à leur rêve brisé : celle d’avoir leur nid d’amour. Quatre-Bornes – enfin un peu plus – jusqu’à la ville des fleurs. Ça fait plus de 4 ans que Yasmine (prénom d’emprunt) erre et dort dans la rue. Assise sur son tapis, sa tête enveloppée dans un foulard, elle brave les températures qui donnent froid dans le dos et ailleurs. Son unique compagnon : un gobelet en plastique qu’elle utilise pour demander l’aumône.

La question «kotexiale» la fait tiquer. Le sang afflue rapidement jusqu’aux joues. «Parfwa pena asé kas pou asté pad. Apré mo gagn onté pou rant dan sipermarsé ek mo linz malang. Mo servi sifon ou bien tissue.» Pour se laver, elle compte sur les toilettes publiques. «Kan fermé aswar mo al derier kot bazar.»

 Pendant la menstruation, les inconvénients d’être dans la rue sont décuplés. «Enn lamerdman. Mo ena 49 an la, mo espéré pou aret gagné biento.» Pour elle, la pauvreté change définitivement les règles.

Saignant

<p style="text-align: justify;">La mesure a été annoncée dans le Budget 2017-2018. <em>&laquo;Il n&rsquo;y aura pas de TVA sur les serviettes hygiéniques&raquo;, </em>avait annoncé Pravind Jugnauth. Malgré cette mesure &laquo;<em>tampon&raquo;,</em> cette louable initiative, le porte-monnaie des plus démunies continue à saigner. Au supermarché, les &laquo;pads&raquo; coûtent entre Rs 32 et Rs 60, environ. &laquo;<em>Les capotes sont distribuées gratuitement dans des centres de santé publics. Pourquoi pas les serviettes hygiéniques?&raquo;</em> demande Djemillah Mourade. Pourquoi les règles ne changeraient-elles pas&nbsp;?</p>

Round Table no. 9: opération sac rose

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/article/sdf_1.jpg" width="620" />
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<p style="text-align: justify;">En ce vendredi soir, les chevaliers de la Round Table no. 9 ont une mission. Des sacs rose-calamindasfondant, ils en ont préparé 85. Leur vision : les distribuer aux SDF de Port-Louis. À l&rsquo;intérieur, des serviettes hygiéniques, une lampe torche, du dentifrice et une brosse à dents, un sac de couchage, un kit médical, des vivres entre autres bonnes choses. Offerts par des sponsors. Eux, y mettront de l&rsquo;énergie, du cœur, l&rsquo;envie de bien faire, d&rsquo;aider. &laquo;<em>C&rsquo;est extrêmement gratifiant d&rsquo;aider les autres, ceux qui n&rsquo;ont pas la même chance. Nous ne prétendons pas vouloir changer le monde, en toute modestie, mais nous essayons de construire des choses bien, comme ce projet&raquo;,</em> lance Teej Chuttur, président national de Round Table Mauritius. Non, il ne s&rsquo;agit pas de bâtir le &laquo;<em>Teej Mahal&raquo;</em> en quelques jours, mais d&rsquo;apporter une pierre à l&rsquo;édifice. À hier, avec Khevin, Jean-Alain, Meetesh et d&rsquo;autres bénévoles, ils en avaient distribué une quarantaine. Pour plus d&rsquo;infos : http://rtmauritius.org/.</p>

The Ripple Project

<p style="text-align: justify;">&nbsp;Ripple (NdlR, une vaguelette à la surface, une ondulation). C&rsquo;est le nom du projet initié par Djemillah Mourade Peerbux. Et, il fait des vagues, dans le bon sens du terme. Puisque la pauvreté menstruelle n&rsquo;est plus un tabou au sein de la société, dans les médias. &laquo;<em>Nous ne sommes pas une ONG, c&rsquo;est une initiative citoyenne&raquo;, </em>explique Djemillah. L&rsquo;idée : encourager les Mauriciens à acheter et faire don de serviettes hygiéniques <em>&laquo;pou zot réaliser a kel point sa kout ser. Nou al kolekté ek distribié lerla&raquo;</em>. Jusqu&rsquo;ici, une centaine de femmes en ont bénéficié. <em>&laquo;Nous allons en aider d&rsquo;autres jusqu&rsquo;à la fin de l&rsquo;année.&raquo;</em></p>