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JIOI 2019 - Teekaham Rajcoomar: «Frankie Le Sage disait; Tu as le cœur plus gros que le corps»

27 juin 2019, 19:48

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JIOI 2019 - Teekaham Rajcoomar: «Frankie Le Sage disait; Tu as le cœur plus gros que le corps»

Etre médaillé d’or aux 2es Jeux des îles en 1985 a été la clé de voûte de mon existence. J’ai par la suite été militaire professionnel, je faisais partie de la liste restreinte des techniciens choisis pour intégrer le panel des entraîneurs britanniques encadrant l’équipe olympique, j’ai côtoyé le champion olympique Audley Harrison mais rien n’égale à mes yeux cette médaille d’or obtenue à Maurice à l’occasion des premiers Jeux que le pays abritait.

La boxe est la voie du gladiateur. J’étais élève dans un collège d’Etat, qui plus est j’étais boursier, la boxe était très mal perçue à l’époque. C’était le parent pauvre du sport. Dans les années 80, il y avait certains manquements dans le pays. On vivait l’appauvrissement sous plusieurs formes. Il fallait que je montre aux Mauriciens – j’étais béni par le Seigneur, j’étais en Higher School Certificate – l’attitude du gagneur, l’attitude à adopter pour gagner.

Avec le soutien du peuple, ses acclamations, avec l’hystérie collective qui régnait dans le pays durant ces Jeux, on ne pouvait que gagner. J’étais né prématurément. J’étais petit de taille mais j’avais un grand cœur. Le technicien Frankie Le Sage disait : « Tu as le cœur plus gros que le corps. » Pas moi, pensais-je alors. L’île Maurice avait un grand cœur.

Aujourd’hui, à 55 ans, on comprend mieux qu’il n’y avait pas que le public. Il y avait une grande équipe derrière. Quand j’analyse les choses, je constate qu’il y avait toute une équipe, que les artisans du succès étaient nombreux. Il y avait une panoplie de personnes et l’Etat qui vous permet d’avancer, de progresser vers ce niveau. Il fallait un pays stable. Chapeau Michael Glover ! Sir Anerood Jugnauth lui allouait le budget dont il avait besoin. Il avait compris qu’il fallait investir dans les jeunes.

Aux Jeux de 1985, une psychose s’était installée dans le camp mauricien. Les Malgaches avaient remporté l’or en mi-mouche (-48 kg) et mouche (-51 kg). Et mon tour arriva de boxer dans la troisième catégorie au programme des Jeux, celle des coqs (-54 kg). Tout le monde avait peur.

Il fallait être fort dans la tête en ce 27 août 1985. Je tirais contre le Malgache Heritovo Rakotomanga, champion de la zone 7, olympien comme moi et champion d’Afrique. Il prendra part aux Jeux Olympiques de 1992. 

J’étais métamorphosé face à ce gros et grand boxeur. Et j’enlevais l’or, la première médaille d’or pour Maurice à cette compétition de boxe des 2es JIOI. Cela eut pour effet de transformer l’attitude mentale dans le camp mauricien. Un entraîneur m’avait dit : «Fais attention à toi.» Je me suis surpassé ! Et mon combat a servi d’exemple à mes coéquipiers. Au final, nous avons remporté trois médailles d’or et raté une quatrième qui aurait dû revenir à mon sparring-partner Gilbert Luchesi.

Trente-quatre ans après, le souvenir est toujours vibrant. Rakotomanga a toujours pour moi le respect du gladiateur. Il n’y a pas de perdant en boxe. Je pense encore très fort à ces Jeux, moi qui suis devenu plus tard champion de l’armée britannique. La boxe a été un catalyseur dans ma vie. 

Palmarès

Numéro un de Maurice dans la catégorie coqs (-54 kg) pendant de nombreuses années.
Médaille d’or aux 2es JIOI en 1985 chez les moins de 54 kg.
Champion des British Combined Services (1987-1995).
Entraîneur de boxe militaire (1993-1996).
Membre du «Panel of Coaches for British Olympic Team» (1991-1996) pour les Jeux d’Atlanta et de Barcelone.