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Immigration: l’accord américano-mexicain devrait augmenter la demande pour les passeurs clandestins

10 juin 2019, 10:59

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Immigration: l’accord américano-mexicain devrait augmenter la demande pour les passeurs clandestins

L’accord sur l’immigration conclu entre le Mexique et les États-Unis, qui a permis d’éviter les droits de douane américains sur les importations mexicaines, va profiter aux trafiquants d’êtres humains, selon plusieurs experts.

En vertu du pacte conclu vendredi soir, le Mexique déploiera sa Garde nationale, récemment créée, le long de la frontière avec le Guatemala, et s’attachera à démanteler les groupes de passeurs clandestins.

Cependant, plusieurs experts prédisent que la présence à la frontière sud de ce nouveau corps, regroupant policiers et militaires, ne fera qu’accroître le trafic.

«Il y aura plus de contrôles, une plus grande rigidité, ce qui entraînera une augmentation du coût de la traversée, et renforcera la traite des personnes par le crime organisé», estime Javier Urbano, chercheur en relations internationales à l’Université Ibéroaméricaine.

«Plus la difficulté est grande, plus le coût et la demande pour les trafiquants augmenteront», poursuit-il.

Mexico a conclu cet accord sous la menace de Washington d’imposer des taxes de 5% sur tous les produits exportés vers les Etats-Unis à compter de lundi, et pouvant ensuite augmenter à 25% d’ici octobre.

«Pour moi, c’est de l’extorsion: il n’y avait pas de taxe et le Mexique accepte une série de mesures qui entraînent de nombreuses complications pour le pays», critique Leticia Calderon, experte en migration au Mora Institute, un centre de recherche à Mexico.

Les activistes mexicains et les opposants au président Lopez Obrador estiment que l’accord implique également la militarisation de la frontière sud, au détriment de la lutte contre les violences liées au narcotrafic, qui touchent l’ensemble du pays.

Pression mexicaine

Depuis des mois, en dépit du ton d’ouverture du président Andrés Manuel Lopez Obrador, les opérations de police et détentions visant des migrants se sont multipliées dans le sud du Mexique.

Les arrestations d’étrangers sur le territoire mexicain sont passées de 8.248 personnes en janvier à 23.679 en mai. Le grande majorité des personnes arrêtées sont de nationalité centraméricaine, principalement hondurienne.

Luis Villagran, un militant qui accompagne souvent les migrants lors de leurs voyages vers le nord, explique que cette stratégie n’a fait qu’augmenter la demande auprès des passeurs clandestins.

«Cette politique migratoire à courte vue signifie que davantage de Centraméricains vont se tourner vers des trafiquants d’êtres humains», anticipe-t-il.

Alors que de nombreux migrants tentent de traverser la frontière guatémaltèque vers le Mexique, M. Villagran indique qu’une nouvelle route de passage se dessine à la frontière avec le Belize.

«Ils font payer 900 dollars pour les faire transiter par là, où il n’y a pas de troupes déployées», souligne-t-il.

Selon Javier Urbano, un spécialiste en relations internationales, les arrestations de migrants et l’accord conclu vendredi montrent à quel point la politique migratoire du Mexique se calque sur celle des États-Unis.

«Nous avons une dépendance à l’égard de l’économie américaine presque maladive, et nous nous alignons sur la politique de sécurité de ce pays», déplore-il.

Pas de fin à la migration

Malgré la pression des gouvernements américain et mexicain, Villagran considère que «la migration ne s’arrêtera pas».

Depuis octobre dernier, le nombre de migrants qui tentent de rejoindre les États-Unis via le Mexique a augmenté.

Aux Centraméricains, qui fuient la violence et la pauvreté dans leur pays, s’ajoutent désormais des Cubains ainsi que des migrants africains, provenant notamment d’Érythrée ou de la République démocratique du Congo (RDC).

Pour endiguer ce flux, le gouvernement de Lopez Obrador veut mettre en place un plan de développement pour l’Amérique centrale.

Mais les migrants poursuivent toujours leur rêve américain, et ne veulent pas attendre.

«On craint qu’ils ne ferment la frontière» confie Josue Arenal, 57 ans, un migrant hondurien dans un refuge de la ville de Tapachula, dans l’État du Chiapas (sud).

«Mais ils peuvent construire mille murs, les migrants entreront quand même» lance-t-il. «Donald Trump peut faire ce qu’il veut, il n’arrêtera jamais les migrants.»