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Poorashveensingh Bondy: «Les personnes avec un handicap gèrent aujourd’hui mieux leur vie car elles sont mieux formées à le faire»

5 juin 2019, 09:47

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Poorashveensingh Bondy: «Les personnes avec un handicap gèrent aujourd’hui mieux leur vie car elles sont mieux formées à le faire»

En opération depuis plus de trente ans, la Southern Handicapped Association essaie d’évoluer avec les réalités de son temps et adapte ses services aux besoins actuels de ses bénéficiaires, des personnes porteuses d’un handicap intellectuel et physique. Deux branches existent actuellement, à Surinam et à Plaine-Magnien.

La Southern Handicapped Association (SHA) a récemment lancé un projet d’aquaponie à l’intention de ses bénéficiaires… En quoi consiste ce projet et quel est son objectif ?
Ce projet, lancé en collaboration avec l’organisation EcOrganic Mauritius et avec un financement reçu de la Barclays sous la compétition «Barclays Colours of Life», concerne nos élèves de plus de 20 ans qui ne peuvent, en raison de leur âge et selon les critères établis par l’État pour les écoles spécialisées, rester dans le système scolaire. Le projet d’aquaponie leur donne une alternative intéressante après leur parcours scolaire chez nous, autre que de se lancer dans l’une des formations en artisanat que nous offrons en broderie, peinture ou vannerie. Le but : créer une opportunité additionnelle d’emploi pour les jeunes adultes aux besoins spéciaux que nous suivons, notamment ceux porteurs d’un handicap intellectuel et physique.

Prévoyez-vous d’en faire une activité génératrice de revenus pour l’association également, en plus de générer des revenus pour le bénéficiaire impliqué lui-même ?
Oui, c’est ce que nous envisageons dans un contexte où les fonds du Corporate Social Responsibility deviennent de plus en plus difficiles à obtenir. Avec une équipe de 40 employés et une centaine de bénéficiaires à l’école, nous pensons pouvoir écouler facilement à la vente le stock de légumes et de poissons qui seront produits sous le système d’aquaponie en place.

Nous travaillons actuellement sur un planning qui sera géré par une équipe dédiée comprenant des étudiants et des encadrants, laquelle sera amenée à gérer les demandes et livraisons des produits que ce soit de et vers les parents d’élèves eux-mêmes ou les marchés/restaurants à proximité. De plus avec les fonds récoltés, nous espérons pouvoir mettre plus d’installations d’aquaponie sur pied, dépendant du succès du projet enclenché.

En tant qu’association opérant depuis plus de trente ans dans le sud – à Surinam et plus récemment à Plaine-Magnien, que pouvez dire de la situation des personnes porteuses d’un handicap aujourd’hui ?
Il y a encore énormément de sensibilisation à faire, auprès des parents mais aussi auprès du public en général afin de casser la perception que d’avoir des besoins spéciaux est quelque chose de dramatique qui enferme l’enfant dans une vision où rien pour lui ne sera possible. Mais les choses changent. Il y a un certain effort qui tend vers l’accessibilité des lieux publics pour favoriser la mobilité des personnes avec handicap, ce qui améliore quelque part leur situation sociale. D’un point de vue économique, bien qu’insuffisante dans bien des cas, la pension dont ils bénéficient leur permet d’alléger certains coûts.

Cela étant, il y a toujours des difficultés à recevoir les montants nécessaires en vue de financer certaines dépenses médicales, dont les opérations chirurgicales. Et même si beaucoup d’enfants porteurs d’un handicap restent encore alités, les personnes porteuses d’un handicap sont, de manière générale, plus aptes à gérer leur vie respective car elles sont mieux formées à le faire. Il semble y avoir de plus en plus de services qui leur sont accessibles et des ressources nouvelles sont mises à leur disposition.

«Nous avons déjà une salle pour l’ergothérapie et sommes en recherche de financement pour finir d’aménager une salle sensorielle.»

Diriez-vous que les ONG travaillant dans ce domaine sont mieux équipées aujourd’hui, techniquement et humainement ?
Sur le plan technique oui, je pense, notamment avec le soutien et la confiance de certains financeurs. Les classes des écoles spécialisées sont par exemple équipées d’outils de pédagogie interactive tels que des tableaux interactifs, des salles de thérapies adaptées ou des salles informatiques. Grâce à ces outils, il y a davantage de possibilités de voir des impacts concrets sur les bénéficiaires.

«Humainement», c’est plus difficile d’avoir de la maind’oeuvre qualifiée, surtout en termes de budgets pour financer les salaires des professionnels, en particulier les équipes paramédicales nécessaires – ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues, etc. – pour la prise en charge d’une personne avec handicap.

La Southern Handicapped Association est aussi membre du réseau Inclusion Mauritius, qui regroupe 12 ONG travaillant dans le secteur du handicap intellectuel et milite à leurs côtés pour que leurs droits soient respectés. Les bénéficiaires de votre association sont-ils aujourd’hui plus conscients de leurs droits qu’aux débuts ?
Nous sommes en effet très fiers de faire partie du réseau d’Inclusion Mauritius depuis plusieurs années et heureux que nos élèves aient accès aux programmes d’Inclusion Mauritius, particulièrement celui des «Self-Advocates». Les élèves sont en formation avec Inclusion Mauritius les mardis et mercredis. Le mercredi, il s’agit d’une formation axée sur l’employabilité et l’autonomie. Et oui, les formations leur permettent d’être mieux sensibilisés à leurs droits et aux lois qui existent pour les protéger. Ils ont l’opportunité de se former dans différents lieux et à différentes choses, sous une supervision initiale de leur «Support person». Ceci les aide à intégrer en douceur le monde du travail. Les programmes en place avec le réseau nous permettent de rendre plus complète notre approche avec les élèves.

Autre nouveau projet que vous lancez cette année : l’intervention à domicile. Dites-nous en plus.
Nous avons commencé les programmes de réhabilitation à domicile avec un financement de la NCSR Foundation. Les enfants de moins de cinq ans, en tout cas, dans le sud de l’île et à ce que nous avons pu noter, ont un accès limité aux ONG et les thérapies offertes en milieu hospitalier sont insuffisantes et pas pratiques - il faut attendre longtemps pour obtenir un rendez-vous pour une séance qui est elle-même assez courte. Nous avons déjà une salle pour l’ergothérapie et sommes en recherche de financement pour finir d’aménager une
salle sensorielle. Nous avons donc lancé l’intervention à domicile qui bénéficie pour l’instant à 15 de nos bénéficiaires de moins de 5 ans. Une dizaine d’autres ont été identifiés mais nous manquons de main-d’oeuvre pour l’instant pour étendre le service vers eux.

Pourquoi est-il important de commencer les thérapies à un plus jeune âge ?
Pour prévenir la détérioration des cas, et pour travailler plus efficacement sur des muscles encore faciles à manier et toujours en phase de développement. Les interventions précoces permettent d’avoir des progrès plus rapidement.

 

 

Inclusion dans le monde de l’emploi

Les bénéficiaires de l’association sont de plus en plus sensibilisés à leurs droits, notamment à leurs droits à l’emploi.

La Southern Handicapped Association compte parmi ses activités, un projet d’entrepreneuriat social visant à donner une opportunité d’autonomie financière à ses bénéficiaires : une boutique, dont le but est de vendre des produits faits mains par les bénéficiaires. Basée à Mahébourg, la boutique a été rénovée avec le soutien du Club Rotary de Rose-Belle.

Dans un souci de renforcer en capacités ses bénéficiaires, l’un d’eux sera employé pour gérer le commerce. Un projet similaire de boutique à Surinam est aussi envisagé, dans le but d’attirer une clientèle touristique, le local de Surinam étant situé à proximité de la plage.

C’est dans un souci d’inclusion dans le monde de l’emploi et d’empowerment de la personne porteuse d’un handicap que l’association essaie d’employer ses bénéficiaires dans les projets existants. «Un de nos élèves travaille pour nous à temps partiel tous les jours, soit de 10-11 heures en transportant de la nourriture de notre fournisseur vers l’école pour la distribution aux élèves. Il est rémunéré pour ses services. Puis, le reste de la journée il suit les programmes habituels de l’école», explique le manager de la Southern Handicapped Association de Plaine-Magnien.

Mais lancer les bénéficiaires dans le monde du travail n’est pas chose facile. «Les employeurs ne sont pas beaucoup à croire dans le potentiel de nos jeunes», soutient-il. «Il y a un besoin de renforcer les lois existantes pour que les employeurs s’engagent vraiment à employer plus de personnes aux besoins spéciaux et respectent cet engagement.» Mais il ne s’agit pas que de leur faire une place au sein de l’entreprise. «Une fois employées, les personnes porteuses d’un handicap ont besoin d’un suivi psychologique et technique pour que leur intégration dans le monde du travail se passe au mieux et ceci à mon sens devrait être un service offert par l’État.»

Il souhaiterait aussi que les bénéficiaires de la Southern Handicapped Association puissent renforcer davantage leurs compétences en ayant accès à encore plus de formations, afin d’augmenter leurs perspectives d’employabilité.

 

Les projets continus et nouveaux

L’utilisation de tableaux interactifs permet de faciliter la compréhension et l’apprentissage des élèves.

L’Association gère plusieurs projets mis à part sa mission première d’éducation pour les enfants porteurs d’un handicap : un projet d’entrepreneuriat social impliquant 15 jeunes formés en artisanat et broderie pour produire des sacs de jute, une salle sensorielle et servant aussi à l’ergothérapie, une salle techno-pédagogique pour un apprentissage de l’outil informatique, un projet faisant usage du papier et du carton pour fabriquer des équipements adaptés pour des enfants et adultes porteurs d’un handicap.

Les trois nouveaux projets lancés en 2019 sont le projet d’aquaponie pour former des bénéficiaires de plus de 20 ans à l’autosuffisance alimentaire et l’autonomie financière, le projet de visites d’intervention précoce à domicile – destiné aux enfants âgés de 1-5 ans afin de leur faciliter l’accès aux soins et services de l’association, et l’ouverture des deux boutiques de l’association à Surinam et Mahébourg.

 

Focus

La Southern Handicapped Association est une école spécialisée fondée en 1985 dans le but d’offrir une solution éducative à des enfants en situation de handicap. Quelque 125 bénéficiaires sont inscrits à l’école qui compte deux branches, à Surinam et Plaine-Magnien. L’objectif de l’association est de regrouper les personnes porteuses d’un handicap de la région sud de l’île et de leur donner un environnement propice à leur épanouissement, en les aidant à avoir l’accès à une formation et une éducation appropriée. Les classes académiques sont données aux enfants de 5 à 20 ans. En plus des classes, certains élèves âgés de 16-20 ans ont aussi accès aux formations s’ils le souhaitent. Les élèves de plus de 20 ans accèdent directement aux formations.

La Southern Handicapped Association accueille environ 125 élèves de 5-20 ans.

 

Pour contacter l’association : 625 4055 ou voir son profil ACTogether (section
Trouver une ONG – www.actogether.mu)