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Vincent Rivière: «Identifier et rectifier pour empêcher l’aggravation des troubles»

1 juin 2019, 15:54

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Vincent Rivière: «Identifier et rectifier pour empêcher l’aggravation des troubles»

À 36 ans, Vincent Rivière a déjà quelques belles réalisations dans son domaine, qui est la santé mentale des enfants et des adolescents. Invité du Bocage International School, cet Australien, à moitié Mauricien et à moitié Chilien.

Vincent Rivière est né à Melbourne en Australie. Son père n’est autre que Raymond Rivière, frère de l’homme de presse Lindsay Rivière et du professeur Serge Rivière. Les parents de Raymond Rivière ont quitté Maurice lors de la deuxième vague d’immigration post-indépendante. «Nous avons quitté Maurice le 23 octobre 1973. À 15 ans, on est obligé de suivre ses parents», explique Raymond Rivière, qui a accompagné son fils lors de ce déplacement professionnel et qui lui sert d’interprète au besoin.

Les Rivière se sont installés à Melbourne et Raymond a poursuivi sa scolarité avant de se spécialiser en droit et comptabilité. Il a épousé une Chilienne, Jacqueline, Community Health Worker, qui lui a donné deux enfants, Vincent, l’expert en santé mentale des enfants et des adolescents, et Véronica, aujourd’hui âgée de 32 ans. Bien que le service militaire ne fût pas obligatoire, Vincent Rivière a tenu à le faire. Au sein de l’armée, il a reçu une formation d’ambulancier. Mais au cours de son service, il a côtoyé bon nombre de jeunes garçons et de jeunes filles qui étaient en détresse mentale. Il voulait les aider mais se sentait impuissant car il n’avait pas la formation voulue. «Comme j’avais grandi dans un environnement empathique, je me suis dit qu’il fallait les aider et pour cela, je devais avoir la formation voulue», raconte Vincent Rivière.

Il se fait admettre au Royal Melbourne Institute of Technology où il étudie pendant trois ans et décroche une licence en sciences sociales. Diplôme qu’il fait suivre d’une série de formations en santé mentale pour devenir Mental Health First Aid Trainer/Facilitator. Il suit aussi une thérapie familiale certifiée du Bouvarie Centre, une autre sur l’action et l’engagement de Louise Hays, une thérapie sur le comportement cognitif de CBT Australia et une formation en évaluation des risques des troubles mentaux. Vincent Rivière choisit alors de se spécialiser en santé mentale et bien-être des enfants et des adolescents, précise-t-il, parce que «les enfants sont plus malléables. C’est plus facile de travailler avec eux. Les adultes sont moins réceptifs. Et puis, plus on intervient tôt auprès des enfants, plus on peut modifier l’impact des traumatismes sur leur mental et obtenir des résultats positifs».

Pendant les 12 dernières années, Vincent Rivière a travaillé avec des enfants et des adolescents. En 2017, il a rejoint le Principals Australia Institute Team pour introduire le South Australian Kidsmatter and Mindsmatter National Mental Health Initiative dans les écoles, programme financé par le gouvernement fédéral à hauteur de $178 millions (Rs 4 476 700 000). Ce programme visait à former le personnel enseignant et administratif scolaire à reconnaître les signes des troubles mentaux chez les enfants et adolescents, à les aider à mettre en place un plan d’action consistant notamment à faire les conseillers scolaires intervenir auprès des enfants et ados présentant des troubles mentaux.

En Australie, la prévalence des troubles mentaux chez les personnes de 0 à 25 ans est élevée. Un enfant sur quatre en est affecté. Les causes sont diverses : cela va de l’explosion de la cellule familiale à la violence, du bullying à l’échec scolaire, de la pauvreté à un manque de sommeil et à une alimentation déséquilibrée et pauvre. «Et trois de ces enfants souffrant de troubles mentaux ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin, avec pour conséquence un impact significatif débouchant souvent sur des addictions comme l’alcool ou la drogue, sur des grossesses adolescentes, sur l’automutilation. Severe mental health issues are the leading cause of death in children under 25 years old. It is higher than road accidents in Australia.»

«En australie, un enfant sur quatre est affecté de troubles mentaux. Et trois d’entre eux ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin.»

C’est au cours des dix dernières années que les Australiens ont vraiment pris conscience de l’importance du traitement des troubles mentaux. Et dans l’Australie méridionale, il y a désormais une dizaine de spécialistes en troubles mentaux comme lui. En 2018, lorsque le programme a pris fin, Vincent Rivière a rejoint une compagnie de logiciels informatiques qui se spécialise en bien-être des enfants, la Posimente Student and Corporate Wellbeing Software Platform en tant que consultant principal et formateur. Ensemble, ils ont développé un logiciel informatique où les enfants peuvent exprimer leur mal-être et l’école peut intervenir en temps réel.

«Cinq écoles faisaient partie de ce projet pilote et j’ai travaillé avec elles pour recueillir leur feed-back que je ramenais ensuite aux développeurs. J’étais comme un conduit entre l’école et les développeurs. Nous avons mis au point un logiciel permettant à chaque élève d’avoir son profil sur le site de l’école et d’y exprimer son mal-être sur un formulaire et le soumettre.» Une fois le formulaire soumis, il est réceptionné en temps réel par le personnel de l’école qui prend immédiatement des actions. Les parents et le personnel de l’école peuvent aussi entrer des données concernant les enfants. «Ainsi, si un enseignant voit un changement de comportement chez l’enfant et que celui-ci ne fonctionne plus bien en salle de classe, il peut notifier le conseiller scolaire.» La mise en application de ce logiciel informatique a démarré l’an dernier et touche désormais 30 écoles privées, publiques et aborigènes.

Le feed-back obtenu des écoles par rapport à ce logiciel baptisé Posimente est que «cela leur enlève des problèmes des épaules et que la direction de l’école arrive à réagir rapidement auprès de l’enfant, éliminant ainsi plusieurs couches d’inefficience. Les parents sont satisfaits car eux aussi peuvent être notifiés des problèmes en temps réel et intervenir à leur niveau».

Estime-t-il que c’est le rôle du personnel enseignant et administratif scolaire d’identifier les troubles mentaux chez les enfants alors qu’il y a des programmes d’études lourds à être complétés ? Vincent Rivière réplique que si un enfant vit un mal-être, ses performances académiques s’en ressentiront. «Par contre, si ses problèmes sont pris en charge et éliminés, il travaillera mieux académiquement.»

L’objectif de Vincent Rivière est que le logiciel Posimente soit mis en place dans toutes les écoles en Australie. Il ne travaille pas qu’avec le Posimente Student and Corporate Wellbeing Software Platform. Trois fois la semaine, il consulte les enfants et les ados dans une clinique de santé mentale où il fait de la prévention contre le suicide et de l’évaluation de risques.

Vincent Rivière est ravi d’avoir pu mettre ses compétences au service du Bocage International School où il a formé 35 personnes, du proviseur aux enseignants, en passant par les conseillers scolaires. Parmi les participants il y avait des représentants de cinq écoles privées. Est-ce suffisant pour pouvoir déceler les signes des troubles mentaux ? «C’est un bon début. Cette école est proactive.» Il a eu des rencontres avec le représentant du ministère de l’Éducation et aussi avec des organisations non gouvernementales comme Befrienders qui fait de la prévention au suicide. Il a aussi rencontré le président de la République par intérim pour discuter des bénéfices de ce projet au niveau national.