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Dépendance: la pénurie de drogue dure fait croître le trafic de méthadone

21 mai 2019, 20:30

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Dépendance: la pénurie de drogue dure fait croître le trafic de méthadone

À travers les postes de police, le constat est le même: Le trafic de méthadone prend de l’ampleur. Le prix de vente, entre Rs 200 et Rs 500.

«Pou nou mem li pa asé, aster ou pansé nou pou fer sa !» Ce toxicomane sous traitement de la méthadone, rencontré sur le bas-côté de la route à Baie-du-Tombeau hier, est catégorique : de trafic, il n’y en a pas. Or, le constat est tout autre pour la police, qui affirme que le trafic de méthadone prend de l’ampleur. Une situation que les policiers imputent au manque de drogues dures sur le marché : «Ek méthadone si zot kas yen.»

D’ailleurs, le prix de la méthadone varie en fonction de «la quantité de drogue disponible». Elle se vend entre Rs 200 et Rs 500, indiquent des sources bien informées. «Kan éna enn péniri ladrog dir lor marsé, lerla zot vann li pli ser.» Les toxicomanes arrivent ainsi à «tras enn ti lavi».

Pour recueillir la méthadone qui leur est distribuée aux postes de police, «zot met koton dan zot labous, zot bwar li, zot sorti déor, zot pers koton-la apré zot révann li ek zot bann kamarad», dit-on. Ou alors, ils crachent tout simplement dans la fiole, une fois que les regards ne sont plus braqués sur eux. «Zot vann sa ek tou so labav», lâchent des témoins.

Des toxicomanes, font valoir des sources policières, ne seraient nullement découragés par la présence renforcée des policiers à l’heure de la distribution quotidienne. En effet, sont présents chaque matin, dès six heures, des éléments de la force régulière, le chien de la police et des membres de la Special Supporting Unit, ainsi que le personnel hospitalier. Le ministère de la Santé avait récemment envisagé de faire la distribution dans les centres de santé. Les syndicalistes ont protesté, soulignant les divers problèmes que cette mesure aurait pu engendrer, insistant sur la sécurité du personnel.

Des problèmes, les policiers en citent plusieurs. Ils déplorent, entre autres, le fait qu’une fois la distribution terminée à huit heures, les toxicomanes «camperaient toute la journée sur place». Les bagarres sont légion. C’est notamment le cas à Baie-du-Tombeau ou encore àTrou-Fanfaron. «Zot fer nik isi. Ek anpes dimounn travay. Bizin farous zot», expliquent plusieurs sources policières.

Devant cette situation, ces policiers s’interrogent sur l’«utilité» à long terme de la méthadone. Or, des toxicomanes que nous avons interrogés hier, à Baie-du-Tombeau, soutiennent en avoir besoin, parlant d’habitude. «Bizin sa pou kapav gagn lafors pandan lazourné. Kan pa bwar sa nou pa santi nou fit.» D’autres avancent que cela les aiderait à consommer moins de drogue.

Qu’en est-il au juste ? Un membre du personnel hospitalier souligne que la méthadone est utilisée comme drogue de substitution. «Sa soulaz zot cravings pou ladrog inpé.» Néanmoins, cela n’empêche nullement les toxicomanes, une fois sortis du poste de police après la distribution, d’aller se droguer.

Selon notre interlocuteur, «kot lopital mem nou trouvé zot fer li okler».

 

L’ADSU enquête
Au ministère de la Santé, on se dit conscient du trafic de méthadone. «Les officiers de l’ADSU sont à la recherche de ceux qui sont au coeur de ce trafic», dit un responsable. Il indique que la distribution coûte plusieurs millions de roupies. D’ailleurs, selon le dernier rapport publié par le ministère de la Santé, daté de juillet 2018, 16 000 litres de méthadone avaient été distribués pour la période 2017-18. De son côté, Dhiren Moher fait valoir qu’il faut se demander pourquoi ce trafic de méthadone existe. «S’il y avait un suivi médical digne de ce nom, ce trafic n’aurait pas sa raison d’être.» Selon le président de PILS (Prévention information et lutte contre le sida), si l’on découvre qu’une personne n’a plus besoin de la méthadone, il faut la retirer de la liste. «Mais c’est loin d’être le cas actuellement.» Imran Danoo, du Centre Idrice Goomany, se veut plus nuancé. «Ce n’est pas une généralité.» Il soutient que c’est la capitale qui est la plus concernée. «Selon moi, sur 100 personnes, 60 à 70 ont arrêté de se piquer ou de se droguer.»