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Dette publique à Rs 327 milliards: une hausse de 52 % en cinq ans

13 mai 2019, 20:30

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Dette publique à Rs 327 milliards: une hausse de 52 % en cinq ans

L’endettement du pays visiblement fait peur. Selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) dans le dernier Article IV Consultations publié le 22 avril, la dette publique atteindra Rs 327 milliards à la fin de juin 2019. De ce fait, la dette par tête d’habitant passera à un chiffre record de Rs 285 439 en juin 2020, une hausse de presque 10 % par rapport à mars quand elle s’élevait à Rs 258 000. Une situation qui inquiète… «On consomme maintenant, mais ce sont nos enfants et petits-enfants qui vont passer à la caisse après», déplore un économiste.

En fait, en cinq ans, soit de décembre 2014 à juin 2020, la dette publique aura augmenté de 52 %, selon les estimations du FMI, passant de Rs 228,5 milliards à Rs 361,2 milliards. Le poids de la dette par habitant a connu la même tendance haussière. De quoi donner le tournis…

L’année financière se terminant au 30 juin 2020 est jugée cruciale par le FMI vu qu’au terme de cette période, la totalité des investissements du Metro Express sera absorbée. Ce qui indiquera une image plus ou moins exacte de l’ampleur de la dette publique, qui se situerait à 67,5 % du produit intérieur brut (PIB).

«La dette, c’est de l’impôt différé. C’est-à-dire on emprunte parce qu’on ne veut pas augmenter les impôts maintenant. Cependant, cela implique que nos enfants et nos petits-enfants auront des taux d’imposition fiscale plus élevés pour des dépenses qu’ils n’auront pas votées. Autrement dit, on consomme maintenant, mais ce sont nos enfants et petits- enfants qui vont passer à la caisse après», explique un économiste, qui a voulu garder l’anonymat.

D’ailleurs, en regardant de près l’évolution de la dette publique, force est de constater que la tendance serait à la hausse selon les statistiques compilées par le FMI de juin 2012 à juin 2022. Toutefois, si de 2012 à juin 2014, elle s’est limitée à moins de 60 % du PIB, elle a crevé ce plafond àla fin de 2014 et a poursuivi sur cette même tendance haussière en 2015, 2016, 2017 et 2019.

Les économistes du FMI tablent sur une dette publique de Rs 409,3 milliards en juin 2022. Une somme qui représenterait 66,7 % du PIB, qui devrait graviter alors autour de Rs 614 milliards. Quant à la dette par tête d’habitant, elle exploserait à Rs 323 000. Pire : par rapport aux pays offrant les mêmes caractéristiques économiques, Maurice reste un mauvais élève. À 67,5% du PIB, la dette publique du pays se compare défavorablement à celle du Kenya (55,5 % du PIB), de la Malaisie (56,5 % du PIB) ou encore de l’Afrique du Sud (57,8 % du PIB).

Pas un frein au développement

Certes, le taux de la dette ne doit pas être un frein au développement économique. L’économiste Azad Jeetun estime qu’il varie d’un pays à un autre, dépendant d’un certain nombre de critères, par exemple sa taille économique, sa capacité de remboursement ou encore la composition même de la dette. «Même si un pays dépasse le plafond autorisé, il n’y a rien de mal, à condition que le retour sur les investissements soit assuré et que les milliards soient injectés dans des secteurs productifs. Bref, si ces projets d’investissement transforment économiquement Maurice.»

L’évolution de la dette publique de juin 2012 à juin 2022.

Ce qui fait dire à Gerald Lincoln, Managing Partner chez Ernst & Young, dans une récente interview que «Dubaï n’aurait jamais connu l’essor qu’il a eu sans les milliards injectés dans son aéroport, routes, hôtels, bâtiments. Avec le loyer de l’argent qui est bas, il est financièrement soutenable pour le pays de lancer de nouveaux chantiers en ayant recours aux emprunts».

Certes, l’effet de la dette publique sur la croissance économique ne doit pas être occulté. Car il est clair que l’impact de la dette publique sur la croissance dépend du niveau du ratio d’endettement public en pourcentage du PIB. À ce jour, selon certains économistes, plusieurs études ont conclu qu’il existe une relation négative entre la dette publique et la croissance du PIB par habitant.

Explicitement, pour les pays avancés et émergents ayant respectivement un seuil d’endettement dépassant 60 % et 40 % du PIB, un accroissement de la dette publique a eu pour résultat un ralentissement de la croissance économique dans le long terme.

Service de la dette

En fait, au-delà de la dette en elle-même, c’est le service de la dette qui est une source d’inquiétude. «Le service de la dette est le paiement des intérêts sur le stock de la dette du passé Par exemple, si vous emprunte à 5 % pour investir à 3 %, vous n’avez pas besoin de faire de grandes études en mathématiques ou en économie pour comprendre que vous faites un très mauvais investissement», souligne un analyste financier.

L’équation est simple : le service de la dette est-il supérieur ou inférieur au taux de croissance de l’économie dans le long terme ? À cette question, Azad Jeetun répond que les pays disposant de taux de croissance nettement inférieurs à celui de leurs emprunts finiront par s’enfoncer dans la spirale infernale d’endettement.

À en croire les économistes, le rapport entre le taux de croissance de l’économie et le taux d’intérêt payé pour la dette empruntée est donc crucial. «Ceci déterminerait si la dette a été productive ou destructive pour le pays. Une augmentation de la dette publique maintenant équivaut à une hausse future des charges du service de la dette qui, à son tour, engendrerait plus d’impôts et donc moins de dépenses publiques productives dans le long terme», insiste l’économiste qui a souhaité garder l’anonymat.

Quoi qu’il en soit, la dette publique reste toujours problématique. Loin d’être un débat de spécialistes, elle est soumise aujourd’hui aux interrogations du public qui y apporte du bon sens…

60 % du PIB en 2021

<p style="text-align: justify;">La<em> &laquo;Public Debt Management Act&raquo;</em> de 2008 prévoit que la dette publique soit ramenée à 50 % d&rsquo;ici 2018. Une échéance repoussée vu l&rsquo;incapacité de Maurice d&rsquo;atteindre cet objectif. Cette loi a par la suite été amendée. La définition locale de la dette publique a été remplacée par la norme internationale avec pour objectif de ramener la dette publique à 60 % du PIB en juin 2021.</p>