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Turbulences autour du futur aéroport de Mexico

6 mai 2019, 11:19

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Turbulences autour du futur aéroport de Mexico

Chaînes de montagnes, conditions météorologiques difficiles et refonte nécessaire de l’espace aérien: voici quelques-uns des défis que présente le projet de nouvel aéroport lancé par le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador après l’annulation polémique d’un méga-aéroport déjà construit au tiers.

«AMLO», comme on le surnomme (ses initiales), veut transformer la base militaire aérienne de Santa Lucia, située en banlieue de Mexico, en second aéroport de la capitale pour soulager celui de Benito Juarez, arrivé à saturation.
Le site est appelé à devenir un «aéroport mixte accueillant la base militaire ainsi que des opérations commerciales et civiles» selon ADP qui, via sa filiale ADP Ingénierie, doit réaliser des études d’aménagement pour les autorités mexicaines au côté de Navblue, filiale d’Airbus.

«Les études viennent juste d’être lancées et aucune décision n’est définitive à ce stade» précise le groupe Aéroports de Paris à l’AFP.

Ce nouvel aéroport doit remplacer l’ambitieux projet de Texcoco, un méga-aéroport capable de rivaliser avec ceux de Panama City et de Miami comme hub régional, dont le chantier était achevé au tiers.

Ce projet phare du gouvernement de Pena Nieto (2012-2018) a été la cible de Lopez Obrador durant sa campagne, qui en a dénoncé le coût élevé (13 milliards de dollars) et de supposés cas de corruption.

Une fois élu, il a lancé une consultation publique très controversée pour son manque de transparence et sa faible participation, qui a abouti à l’abandon de ce projet dessiné par l’architecte britannique Norman Foster (prix Pritzker 1999).

A sa place, Lopez Obrador promet un second aéroport «austère», dont la construction sera assurée par l’armée.

Débat d’experts

Le débat entre experts porte désormais sur la manière de faire fonctionner simultanément deux aéroports situés à 45 kilomètres l’un de l’autre, dans un espace aérien entouré de reliefs et ne bénéficiant pas de conditions météorologiques optimales, avec une saison des pluies prolongée, une luminosité élevée et une brume d’hiver.

«Certains argumenteront qu’il y a des villes avec plus de deux aéroports. C’est vrai, mais ils n’ont pas l’orographie de Mexico, nous sommes entourés d’un système de montagnes en forme de fer à cheval inversé, les montées et les descentes ne se trouvant qu’au nord. Il y aura un grand trafic aérien» commente à l’AFP le pilote Angel Jimenez, 58 ans, qui possède à son actif 22.000 heures de vol.

Selon ADP, des études préliminaires indiquent que les deux aéroports peuvent opérer parallèlement, à condition «de revoir l’organisation de l’espace aérien», ce qui implique la conception de «nouvelles procédures d’approche» pour les appareils.

«Il n’est pas impossible d’avoir deux aéroports, mais cela représente un haut degré de complexité, des atterrissages et décollages ne seront pas possibles simultanément, la marge d’erreur des contrôleurs aériens et des pilotes sera minime» prévient Miguel Angel Valero, ancien président de l’Association des pilotes mexicains et responsable de la sécurité aérienne à l’Organisation de l’aviation civile internationale.

«Si on veut que les opérations soient sûres, ça s’avèrera inefficace» estime-t-il.

Aéroport de fret?

Une colline, située à une dizaine de kilomètres de Santa Lucia, s’est par ailleurs invitée dans ce débat d’experts qui passionne les habitants de la mégapole mexicaine.

Haute de 240 mètres, la colline de Paula n’apparaissait pas dans les études préliminaires mais risque d’obliger à redessiner l’orientation des pistes de Santa Lucia avec un surcoût à la clé.

«Ce n’est pas seulement la colline de Paula, c’est toute la Sierra de Guadalupe» précise Valero. «Ils misent alors sur une nouvelle technologie (pour les approches) par satellite, très précise, mais très complexe. Il faut beaucoup de technologie, des appareils très modernes et une formation de pilote, ce n’est pas la panacée», estime-t-il.

Lopez Obrador promet qu’une première tranche de travaux sera inaugurée en 2021. Pour ADP, il s’agit d’un objectif «ambitieux» mais qui pourrait être tenu avec une construction «accélérée».

«Les premiers vols qui vont servir à démontrer la viabilité de Santa Lucia seront des vols de fret», anticipe de son côté M. Jimenez, s’appuyant sur ses contacts dans l’armée. Dans cette perspective, l’aéroport militaire ne nécessiterait que quelques aménagements de la piste, la construction d’entrepôts et de quelques hôtels.

Certains internautes imaginent la fameuse colline percée d’une piste d’atterrissage, d’autres la qualifie de colline «néo-libérale» car voulant contrarier les ambitions du nouveau président de gauche.