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Soodesh Callichurn: «Certaines entreprises utilisent le YEP pour s’enrichir»

2 mai 2019, 13:54

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Soodesh Callichurn: «Certaines entreprises utilisent le YEP pour s’enrichir»

 

À l’approche du 1er Mai, le ministre du Travail Soodesh Callichurn passe en revue les nouvelles mesures garantissant la sécurité d’emploi, les changements pour prévenir les abus du YEP en passant par la crise du textile.

À l’approche du 1er Mai, le bilan est-il positif pour les travailleurs ?

 Je suis satisfait du travail abattu depuis 2015, car nous avons réduit le taux de chômage de 8,1 % en 2015 à 6,9 %. C’est une réalisation en soi et nous allons continuer sur cette lancée. Il y a eu la création de nouveaux emplois mais certains secteurs n’intéressent pas les Mauriciens, d’où le recours à la main-d’œuvre étrangère. Nous avons mis en place plusieurs «schemes» qui ont aidé à réduire le taux de chômage. Le Youth Employment Programme (YEP) s’est avéré un succès ; 84 % des jeunes y ont eu recours et ont pu décrocher un emploi permanent après leur formation.

Taux de chômage de 6,9 %. Vous confirmez que c’est le chiffre véridique ?

Oui, c’est le chiffre officiel de Statistics Mauritius. Mais le travail ne s’arrête certainement pas là ; on ne peut pas se réjouir non plus d’un taux de chômage de 6,9 % et nous travaillons à davantage baisser ce taux. Le prochain Budget prendra cela en compte et la réduction du taux de chômage émanera aussi des nouveaux secteurs porteurs d’emplois qui seront créés. Pour l’instant, il y a les secteurs traditionnels qui absorbent mais il faut de nouveaux secteurs, en apportant des mesures pouvant attirer davantage d’investissements dans ces nouveaux créneaux. Nous consultons toutes les parties prenantes et l’Economic Development Board (EDB) travaille avec la Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI) et Business Mauritius, entre autres. La demande est là mais il nous faut pouvoir offrir la main-d’œuvre et former ces personnes pour les postes disponibles.

 

«Nous avons même eu des cas où des entreprises enregistraient leurs employés confirmés au YEP»

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Quel est le prochain projet en lice de votre ministère ?

Il y a actuellement un aspect du monde du travail qu’il ne faut pas négliger, c’est la préférence des jeunes pour un emploi dans la fonction publique incluant les corps parapublics. Ce qu’ils recherchent c’est la sécurité d’emploi et il nous faut être attentifs à cet état des choses et apporter les changements nécessaires dans la loi afin de protéger les emplois de tout un chacun.

88 % des jeunes se font recruter au bout d’une année. Gardent-ils vraiment cet emploi ?

On parle d’emplois dans le public comme dans le privé. Il y a le YEP mais aussi le National Skills Development Programme où nous donnons la possibilité aux jeunes de recevoir une formation et d’intégrer le monde du travail dans différents secteurs où il y a un manque de main-d’œuvre qualifiée. La majorité des emplois créés sont dans le privé et nous devons nous assurer de fournir ces entreprises en main d’œuvre qualifiée.

Parlez-nous de ces abus du YEP.

Le YEP a été transféré au ministère du Travail en 2015 et nous avions lancé une enquête pour nous assurer que les jeunes qui sont enregistrés par les entreprises sous le YEP correspondent bien à la demande de ces entreprises. En 2015, nous avions détecté six cas d’abus incluant la compagnie Train to Gain et les dossiers ont immédiatement été remis à la police. Toutefois, ces affaires étant trop techniques et les enquêtes policières prenant trop de temps, les dossiers ont donc été référés à l’ICAC. Depuis, ces enquêtes ont été bouclées dans quatre cas et pour deux autres il n’y avait pas d’éléments suffisants pour les poursuivre. Ces enquêtes sont régulières et, au fur et à mesure, on constate que d’autres entreprises encore utilisent le système pour s’enrichir de manière frauduleuse. Trois nouveaux cas ont été détectés et nous mettons en place des mesures strictes pour contrer ces abus.

 

«Face à la Chine, Madagascar, le Vietnam, l’Inde ou le Bangladesh, entre autres, nous ne sommes pas compétitifs.»

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Comment contrer ces abus ?

Avant, le système permettait aux employeurs de convaincre des jeunes à s’enregistrer au YEP et, dans certains cas, il y avait des enregistrements conséquents par certaines compagnies et c’était suspect. Maintenant nous changeons le mécanisme. Les employeurs qui veulent enregistrer des jeunes au YEP devront impérativement passer par le ministère et obtenir notre aval. Nous vérifions d’abord que ces jeunes sont vraiment sans emploi et à la recherche d’un placement. Nous avons même eu des cas où des entreprises enregistraient leurs employés confirmés au YEP pour toucher l’allocation. Nous allons revoir tout le système pour mieux le gérer. Avant, le remboursement se faisait par le Human Resource Development Council (HRDC) sans passer par nous. Dorénavant, il faudra l’aval du ministère avant d’effectuer un remboursement. Nous allons renforcer notre vigilance et il y aura même des poursuites au pénal pour des cas d’abus.

 

«Certains travailleurs migrants se marient et restent ici, mais ne sont même plus avec leur conjoint .»

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Entre les fermetures d’usines et la menace de délocalisation de la CMT, peut-on parler d’une mort lente de l’industrie textile ?

 Bon, je n’irai pas aussi loin. Toutefois, nous devons reconnaître qu’il s’agit d’un secteur en difficulté, et depuis longtemps déjà. Le secteur s’est fragilisé malgré le soutien apporté par les différents gouvernements avec dernièrement l’introduction du «speed to market plan» offrant des subventions sur le fret, ce qui aide le secteur à respirer. Business Mauritius et la MEXA ont travaillé avec le ministère des Finances afin que les mesures qui s’imposent soient prises dans le prochain Budget. Cependant, il nous faut considérer que face à la Chine, Madagascar, le Vietnam, l’Inde ou le Bangladesh, entre autres, nous ne sommes pas compétitifs. Certains de nos produits valent deux dollars maximum. Mais ce n’est pas parce que nous sommes moins compétitifs que toutes les entreprises doivent délocaliser. Il y a des facteurs qui, au contraire, devraient encourager les entreprises à rester, dont la stabilité économique et politique, même en cas de changement de gouvernement ; il y a toujours des mesures pour aider ce secteur.

Certains clients demandent de plus en plus le ‘Ethical Recruitment», c’est-à-dire qu’ils accordent de l’importance à la transparence et le respect des droits des travailleurs. Pour aider les entreprises, je travaille avec de gros clients, dont ASOS, pour appliquer des dispositions dans nos accords avec des pays où nous recrutons des travailleurs étrangers. Cela encourage les gros clients à converger vers nos entreprises.

Que répondez-vous à ceux qui jettent la pierre au salaire minimum face à la fermeture d’usines ?

Ce n’est pas vrai ! L’ex-patron de Palmar Ltée était le seul à dire que le salaire minimum a apporté un coup de massue au secteur, ce n’est pas vrai. Il a ensuite lui-même démenti. Le salaire minimum a rehaussé le niveau de vie des travailleurs. Dans le textile, la dernière fois qu’il y a eu une augmentation de salaires remonte à très longtemps, au moins à 30 ans.

 

«Nous avons noté plusieurs cas de mariages célébrés uniquement pour que ces étrangers puissent rester à Maurice .»

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Les travailleurs étrangers sont de plus en plus nombreux. Jusqu’où peut-on aller ?

Tout dépend de la demande et de l’offre. Certains métiers sont boudés par les Mauriciens. Nous ne pouvons pénaliser ces secteurs. Ces entreprises ne pouvant pas recruter des Mauriciens se tournent vers la main-d’œuvre étrangère. Employer des étrangers a un coût; le billet d’avion, le logement et les repas, entre autres. Les travailleurs étrangers et les Mauriciens ont les mêmes droits et les mêmes salaires. Mais l’entreprise est obligée d’avoir recours à la main d’œuvre étrangère. Le nombre continue d’augmenter.

 

Comment assurer que les réglementations pour protéger les droits de ces travailleurs étrangers sont vraiment respectées ?

 La loi est appliquée à tout le monde. Certains sont simplement de mauvais employeurs, pas uniquement pour les travailleurs étrangers mais aussi pour les Mauriciens ; ils sont nombreux à faire des plaintes et le ministère est là pour apporter des solutions. Quand on voit des travailleurs manifester devant le ministère, c’est qu’ils connaissent leurs droits, j’encourage cela. Nous ne pouvons savoir tout ce qui se passe dans toutes les entreprises et nous encourageons les travailleurs à faire leurs plaintes. Nous avons aussi une hotline pour les plaintes anonymes afin que les dénonciateurs ne soient pas la cible de leurs employeurs. Pour les travailleurs étrangers nous avons des prospectus ‘know your rights’, rédigés en plusieurs langues, qui sont remis à chaque travailleur étranger à la signature de son contrat.

Parlons du permis de travail des étrangers mariés à des Mauriciens. Quelle est la raison de cette initiative ?

Il y a eu l’amendement à la loi afin que l’exemption soit toujours applicable à ceux mariés avant le 8 mars. Mais pour le reste, il faudra un permis. Nous avons noté plusieurs cas de mariages célébrés uniquement pour que ces étrangers puissent rester à Maurice. Au bout de quatre années de mariage, un étranger peut faire une demande de citoyenneté mais dans certains cas, au fil des ans, certains ne font même pas cette démarche et restent ici uniquement avec le permis de résidence. Certains travailleurs migrants se marient et restent ici, mais ne sont même plus avec leur conjoint. Il y a même eu des plaintes. Certains se marient à l’étranger et viennent à Maurice et dans certains cas des Mauriciens ne savent même pas comment demander le divorce. La procédure est simple, c’est comme pour un enregistrement : l’étranger présente la preuve du mariage, le contrat de travail et le Residence Permit. Concernant la diaspora, cette mesure ne la découragera pas, c’est purement administratif car la diaspora n’a pas besoin de permis.