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Vente d’un squelette de dodo: trop cher pour Maurice

30 avril 2019, 19:30

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Vente d’un squelette de dodo: trop cher pour Maurice

 

Le dodo, oiseau emblématique du pays, suscite toujours l’intérêt même longtemps après sa disparition. Un squelette aux enchères sera vendu à Londres le mois prochain, au prix minimum de Rs 18 M.

En vente: un squelette de dodo quasiment complet. Sa particularité: il est composé à la fois d’ossements fossilisés retrouvés à Mare-aux-Songes (sur les terres de l’ancienne sucrerie Mon-Trésor-Mon-Désert, aujourd’hui Omnicane) et d’os rares découverts par Étienne Thirioux, un naturaliste mauricien du XIXe siècle.

Ce squelette, qui daterait d’avant 1690, sera mis en vente aux enchères le vendredi 24 mai, chez Christie’s, à Londres. Le prix de vente est estimé entre 400 000 et 600 000 livres sterling, soit entre Rs 18,4 millions et Rs 27,6 millions. La maison Christie’s précise qu’il s’agit «du seul squelette quasi complet du dodo, assemblé au XIXe siècle, qui appartient encore à un propriétaire privé».

Que compte faire le ministère des Arts et de la culture ? Une source officielle affirme que l’avis du Mauritius Museums Council (MMC) a été sollicité concernant cette vente. «Celui-ci recommande la prudence avant d’investir une si importante somme». Le MMC a surtout fait ressortir que «Maurice est le seul pays au monde à posséder et à exposer un squelette de dodo, dont tous les os proviennent d’un seul oiseau, tandis que celui mis aux enchères chez Christie’s à Londres est un squelette de dodo reconstitué à partir de plusieurs oiseaux».

Selon le MMC, depuis les années 1800, de nombreux os de dodo ont été découverts à Maurice et en- voyés en Europe, aux États-Unis et en Afrique du Sud. Plusieurs musées à travers le monde possèdent des restes du dodo ou encore des squelettes reconstitués à partir de plusieurs oiseaux.

Interrogé sur la vente aux enchères, Kaviraj Sukon, président du MMC, avance que l’organisme «n’a pas les moyens d’acheter». Avant de préciser: «Nous avons proposé la création d’un fonds d’acquisition. J’invite le secteur privé à se manifester pour nous aider, surtout si une vente concerne des objets qui méritent d’être dans les musées mauriciens.»

Quid du squelette du dodo visible au musée d’histoire naturelle à Port-Louis ? Il a été transféré à Mahébourg depuis 2017, le temps de la rénovation du musée de La Chaussée. Quand ce squelette sera-t-il à nouveau visible dans la capitale ? Selon Kaviraj Sukon, la réouverture du musée de Port-Louis est prévue «pour bientôt. Les travaux sont terminés. Ils sont actuellement au stade de nettoyage, avant d’installer les collections». Combien de temps cela va-t-il prendre ? «Environ deux mois», estime-t-il.

De son côté, Emmanuel Richon, conservateur du Blue Penny Museum, a régulièrement alerté les autorités et l’opinion sur les ventes d’ossements de dodo. Soulignant qu’«entre 1934 et 2013, il n’y avait eu aucune vente. Ensuite, cela s’est accéléré à partir de 2013. Que chacun tire ses conclusions». Il se demande notamment pourquoi «l’État mauricien n’exige pas de Christie’s de connaître l’identité du vendeur». De quoi déterminer si ces personnes ont un lien avec celles qui ont participé aux diverses campagnes de fouilles.

«Je ne comprends pas la fausse naïveté de l’État», avance Emmanuel Richon. D’autant plus, rappelle-t-il, qu’il est inscrit dans les lois que «tout ce qui est trouvé dans le sous-sol mauricien appartient au pays, pas à celui qui l’a trouvé».

 Pour sa part, Owen Griffiths, collectionneur et défenseur du patrimoine, adopte, lui, une position contraire. Tout en rappelant que Maurice possède déjà un spécimen complet, il reconnaît que «le dodo excite l’imagination des gens partout dans le monde. Mais comme le musée de Port-Louis possède déjà un squelette complet, ce n’est pas une priorité. Il y a d’autres aspects du patrimoine culturel et naturel qui ont besoin d’investissements urgents».