Publicité

Bénéficiaire de SOS villages d’enfants Aide-cuisinière: Bridget ne compte pas pour du beurre

28 avril 2019, 18:19

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Bénéficiaire de SOS villages d’enfants Aide-cuisinière: Bridget ne compte pas pour du beurre

Depuis 11 ans, Bridget Auckloo, 18 ans, et ses proches sont des bénéficiaires du programme de Renforcement des Familles de SOS Villages d’Enfants. Un accompagnement qui l’a fait s’ouvrir sur le monde, lui a évité de brûler les étapes dans sa vie, et qui l’a rendue autonome. Elle est aujourd’hui la chef de famille.

Bien qu’elle soit rentrée à 1 heure du matin la veille – depuis décembre 2017, Bridget Auckloo est employée comme aide dans les cuisines de l’hôtel Riu Le Morne et commence son service à 15 heures pour le terminer à 23 heures – la jeune fille est pile à l’heure au rendez-vous fixé à 8 heures devant le centre socio-éducatif de l’organisation à Curepipe.

 

«Je craignais de m’exprimer de peur de dire des choses blessantes, car j’étais en colère contre le monde.»

 

Bridget Auckloo et sa famille qui comprend sa mère, qui souffre de complications liées au diabète, de même que ses trois frères de 16, 14 et 11 ans respectivement –, habitent la ville Lumière depuis décembre dernier. Avant ça, ils vivaient sur un terrain à Folles Herbes, Bambous. La jeune fille, qui agit désormais comme chef de famille, n’a pas connu son père. Elle ne se souvient presque pas de lui car elle n’avait qu’un an et demi lorsqu’il est mort. Il a toutefois eu le temps de faire trois autres enfants à sa femme. Cette dernière a par la suite refait sa vie avec un autre homme qui lui a donné encore trois autres enfants.

La vie était assez difficile pour la famille Auckloo. Non seulement le garde-manger n’était pas souvent rempli mais le matériel scolaire aussi était insuffisant aussi. L’ambiance à la maison n’était pas toujours rose non plus car il arrivait que le beau-père de Bridget Auckloo finisse par tabasser sa mère en rentrant du travail s’il avait bu. La jeune fille assistait alors impuissante à cette violence gratuite car avant elle, son frère s’était déjà interposé entre le couple et en avait fait les frais par la suite. «Kan zot retourn bien ansam, lerla sé ou ki pas an mal. Sa finn ariv mo frer ek depi sa, mo evit rant ladan.» Sans compter que les enfants Auckloo doivent composer avec un voisinage particulièrement tapageur. 

C’est dans cette ambiance instable que les enfants Auckloo grandissent. La jeune fille porte en elle une colère sourde et parle peu aux gens. «Je craignais de m’exprimer de peur de dire des choses blessantes car j’étais en colère contre le monde entier», raconte la jeune fille.

Bridget Auckloo est scolarisée à l’école primaire de la localité. Vers l’âge de sept ans, elle voit débarquer une étrangère à la maison. C’est Anne-Lise, travailleuse sociale de SOS Villages d’Enfants, qui a identifié la famille Auckloo comme étant à risque et se qualifiant par là même pour bénéficier du programme de Renforcement des Familles. La gamine se demande ce qu’on lui veut.

Il n’empêche qu’elle suit le cours d’alphabétisation et apprend ce qu’est l’estime de soi. Elle note aussi que sa mère reçoit des conseils à propos de l’hygiène, de la nutrition à adopter même avec peu de moyens. L’adulte est aussi sensibilisé à propos des droits de la femme et de l’enfant, sur la gestion d’une maison, sur les démarches à entreprendre pour pouvoir bénéficier d’une maison de la National Housing Development Corporation. La famille se voit aussi offrir des coupons alimentaires et cela les soulage. Cet encadrement par Anne-Lise dure jusqu’à 2011. C’est ensuite Kathleen, autre travailleuse sociale de SOS Villages d’Enfants, qui prend le relais pendant trois ans avant de passer le témoin à Manishwar Purmanund. Ces travailleurs sociaux voient progressivement Bridget Auckloo sortir de sa coquille. À tel point qu’ils font d’elle un des Youth leaders de Folles Herbes et elle est chargée de faire de la prévention entre pairs, notamment sur les grossesses précoces.

 

«Elle rêve de progresser dans son travail pour devenir chef un jour.»

 

Bridget Auckloo fréquente le SSS de Bambous jusqu’à l’âge de 16 ans. Après quoi, elle suit un cours de peinture, de broderie et de jardinage auprès du Mauritius Institute of Training and Development (MITD). Grâce à SOS Villages d’Enfants et la MITD, elle prend un cours de plomberie. Parmi tous les bénéficiaires de l’ONG, elle est d’ailleurs la première à vouloir suivre ce cours. Son frère fait de même. «J’ai tenu à apprendre la plomberie car je trouvais ça amusant. Je me disais que si un conduit d’eau se cassait dans la maison, j’aurais pu le réparer.» Avec l’ONG, elle apprend aussi comment répondre avec aisance à un entretien d’embauche.

Comme elle s’intéresse à la cuisine, «parski mo kontan manze», précise-t-elle, sur les conseils de SOS Villages d’Enfants, elle passe un entretien à l’hôtel Riu et est embauchée comme aide en cuisine. Elle perçoit un salaire de Rs 11 200. Depuis que sa mère a quitté son partenaire et qu’ils vivent à Curepipe, Bridget Auckloo est devenue le chef de famille. En soustrayant le loyer de Rs 4 000 de son salaire et additionnant la pension alimentaire que son beau-père verse pour ses fils, les Auckloo arrivent à vivre décemment. «Je sens que j’ai progressé», dit la jeune fille.

Malgré l’éloignement entre son domicile et son lieu de travail, Bridget apprécie la nature de son emploi et la tranquillité de la vie curepipienne. Elle rêve de progresser professionnellement pour devenir chef un jour. Elle et les siens s’en sortent si bien que SOS Villages d’Enfants retire progressivement son aide. Mais Manishwar Purmanund confie qu’en cas d’urgence, l’ONG est là pour les Auckloo.

La jeune fille qui a un petit ami de cinq ans son aîné et qui travaille dans le même hôtel, a été prise de court récemment quand ce dernier lui a demandé de l’épouser. La première personne vers qui elle s’est tournée pour demander conseil a été Manishwar Purmanund. «Elle est venue me voir pour m’en parler. Je lui ai dit de prendre son temps et d’être financièrement autonome avant de se mettre en couple. Elle m’a écouté.» Le travailleur social a même parlé au petit ami, qui était vexé qu’un étranger s’en mêle. «Il m’a dit : Eski ou so papa ou?» raconte Manishwar Purmanund en riant. «J’ai répliqué qu’à SOS Villages d’Enfants, on est comme des papas pour les enfants et que ma responsabilité était de m’assurer que tout aille pour le mieux pour Bridget. Il a compris et s’est calmé.»

Sans ce soutien de SOS Villages d’Enfants, Bridget Auckloo déclare qu’elle aurait été dans une autre réalité. «Mo ti pou fini rant en ménaz ar enn dimounn ek gagn piti. Sa ti pou bien pa bon parski mo tro zenn. Mo pa ti pou konn nanyé dan mo lavi…»