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Mala Chetty: «Si mes valeurs fondamentales sont menacées, oui, je partirai»

27 avril 2019, 11:25

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Mala Chetty: «Si mes valeurs fondamentales sont menacées, oui, je partirai»

Pourquoi entrez-vous en politique ?

Je me suis toujours dit qu’il faut laisser la place aux jeunes. Mais en observant leur performance au sein du présent gouvernement, je me rends compte du manque d’expérience. De mon côté, que vais-je faire de toutes mes expériences acquises dans la société ? Je suis une femme comblée et je pourrais finir ma vie auprès de ma famille. Mais une question me taraude : quelle société sera laissée à nos petits-enfants ? Il y a toujours ce sentiment de frustration qui m’anime. Par exemple, a-t-on établi un système où l’on se sente en sécurité? La gestion de l’énergie, la justice sociale, l’utilisation des terres, l’autonomisation des femmes constituent plein de questionnements. Ceci me pousse à faire de la politique car c’est en étant parlementaire qu’on fera avancer les choses.

Et pourquoi le MMM?

Pour moi, c’est un parti structuré doté d’une facilité d’expression des membres et d’une culture de parité. Beaucoup de dissidents du MMM m’ont parlé. Je tiens quand même à faire mon expérience personnelle…

Mais il s’agit paradoxalement d’un parti fragilisé avec le départ d’Obeegadoo et de Ganoo. Pourquoi entrez-vous dans cette arène déjà fragmentée ?

Il se peut que le MMM soit fragilisé comme vous le dites, mais je ne dirai pas fragmenté. Depuis toujours, on assiste à cette mouvance allant du MMM vers d’autres partis. Cela me fait plutôt penser à la danse de la vie. Il y a certains qui se retirent et d’autres qui y entrent. Et d’autres arrivent et s’adaptent au système. C’est un parti libre. Vous rentrez, vous sortez. Rebelle que je suis, je me dis : «Donnons-nous la chance de refaire un parti dit “fragilisé” ou “fragmenté”». C’est le défi le plus dur que je relève. Pourquoi pas ? C’est maintenant ou jamais.

«On doit être libre de ses convictions et ne pas se cantonner au vieux modèle.»

Vous aviez été nommée à certains postes dans le passé sous Navin Ramgoolam. Pourquoi changer pour Bérenger ?

Quand j’étais Chairperson du National Women Council, c’était en qualité de présidente sortante de l’Association mauricienne des femmes chefs d’entreprise. J’ai été nommée en fonction de mes connaissances dans ce domaine. D’ailleurs, sous ma présidence, beaucoup d’actions ont été entreprises en dépit des faibles ressources. Mais aujourd’hui, parler de nominations symbolise des salaires de Rs 200 000 à Rs 300 000. Moi, à l’époque, je ne touchais qu’une allocation de Rs 9 000. Pour faire avancer l’entrepreneuriat, je n’étais pas payée. Il y a la perception que les nominés sont des protégés des uns ou des autres. J’ai travaillé pour le gouvernement mais, n’ai rien reçu en retour. Je n’ai pas quitté Ramgoolam pour aller avec Bérenger. Je n’ai jamais été avec personne. Mes actions à ces postes n’ont jamais eu de couleur politique.

Comptez-vous être candidate au no 6 ?

Je ne sais pas. Il est vrai que je suis dans la régionale du no 6 comme il faut bien œuvrer dans une zone spécifique. Puis, j’habite à Péreybère. Mais je ne sais si j’y serai candidate.

Ne seriez-vous pas alors en compétition avec Koomaren Chetty du Parti mauricien socialdémocrate (PMSD) ?

C’est un hasard du destin qu’on porte le même nom. Mon sentiment d’appartenance à une famille de naissance, par mariage, etc., va plus loin que cela. J’appartiens à la communauté universelle. Pour moi, cela ne pose pas de problème. Koomaren a son parcours. J’ai le mien. Nous avons des convictions différentes. Pour moi, chaque individu apporte et enrichit son patronyme.

D’ailleurs, traditionnellement, la famille Chetty est associée au PMSD. Pourquoi cette différence pour vous ?

Ce sont mes actions qui m’ont emmenée là où je suis. Je dois tout à mes parents pour la transmission des valeurs et l’esprit d’humanisme. Chaque individu est un maillon libre et peut être compatible avec les convictions d’un parti. Idem pour les associations. On devrait aller là où on se sent à l’aise…

Donc, libre de claquer la porte du parti à tout moment ?

Je suis libre de sortir, excusezmoi. Si mes valeurs fondamentales sont menacées, oui, je partirai. J’ai un cheminement. Je ne crois pas que cela changera avec mon appartenance à un parti politique, surtout pas maintenant et encore moins à mon âge. Mais il n’y a pas de raison d’y penser puisqu’il y a une grande compatibilité avec le MMM.

Vous avez largement été active à la cause des femmes. Que comptez-vous faire au sein du MMM dans ce domaine ?

La représentativité des femmes au Parlement est une de mes préoccupations majeures. Maurice se classe aujourd’hui comme l’Éthiopie. Le Rwanda, l’Afrique du Sud, entre autres, figurent en haut du classement mondial alors que nous demeurons à la 157e place environ. Je tiens à œuvrer pour qu’il y ait plus de masse critique de femmes en politique.

Mais qu’est-ce qui les en empêchent ?

Sans doute mon caractère de relever les défis l’emporte. J’y vais même si c’est difficile. Il en est de même pour les jeunes qui sont découragés par leurs aînés. On leur pose des embûches. Il faut pouvoir les surmonter. Je ne me laisserai pas abattre par des obstacles. Je parlerai et laisserai au moins cela comme héritage.

Qui pose donc ces embûches ?

Il y a la perception que pour placer une femme, il faut retirer un homme. Or, l’éducation gratuite donne la place aux deux catégories. C’est une aberration qu’il n’y a pas plus de femmes au Parlement. On voit des chasses gardées pendant 30 ans, notamment dans les circonscriptions conservées par des députés. Au niveau international, nous en sommes la risée. Si je suis élue au sein du gouvernement, je compte faire tout ce que je n’ai pas pu au niveau des organisations non gouvernementales (ONG). Regardez les sinistrées qui sont lésées et abandonnées. Je les ai rencontrées au niveau du Lions Club. Les femmes parlementaires doivent agir impérativement. Il est grand temps d’amener cette culture de parité. On ne va pas attendre 107 ans pour ça.

Vous avez aussi été présidente du Grand-Baie Watch. Mais actuellement, la situation sociale s’y dégrade. Pourquoi n’intervenez-vous plus ?

Effectivement, je constate des dégradations. Les problèmes ne relèvent plus d’une ONG. L’État doit gérer. Quand j’ai fondé le Grand-Baie Watch, c’était pour préserver les marécages. Or, il n’y en a plus désormais. On voulait aussi préserver les droits des défavorisés et on s’est opposé à la fermeture de la route côtière ainsi qu’au comblage de la baie, et ce, avec nos fonds personnels. Mais il y a des limites à notre champ d’action. Nous avons eu beaucoup de difficultés pour harmoniser les solutions. On était découragé. Depuis, la Grand-Baie Crime Watch a pris le relais. Je n’ai pas les compétences pour me battre contre des crimes et délits.

À l’approche d’une élection, on brandit la loi sur le financement des partis politiques. À quand une vraie réglementation ? Tout le monde vous dira qu’il faudrait une réglementation.

Pour moi, c’est comme la réforme électorale. Si cela ne passe pas, la population devrait prendre position. Mais quelle position ? Déjà, il faudrait un esprit de transparence aussi bien pour les entreprises qui financent que les récipiendaires. Cela relève davantage de la conscience que des lois. La plus grande force réside dans la capacité de la population à ne pas se laisser acheter et appâter par les gains pécuniaires et encore moins leurrer par des dons en espèces. Il faut élire des gens pouvant défendre l’intérêt du pays.

Quid de la réforme électorale ?

Il y a un manque de volonté des parlementaires. Autrement, je ne vois pas pour quelle raison cette réforme-là ne passe pas. De plus, si un parti veut intégrer une parité, personne ne l’en empêche. À bien réfléchir, on peut passer outre la réforme et équilibrer le Parlement dans l’intérêt de tous.

Avec la campagne électorale et l’affluence de quémandeurs de tickets, les transfuges vont croître. Faudrait-il interdire cela ?

Regardons le parti d’Emmanuel Macron. Il est composé de la Gauche, de la Droite, du Centre et de l’Extrême droite. Il y a donc un moyen de diriger un pays avec des personnes de bonne volonté, indépendamment de son appartenance politique. On n’en est pas encore là à Maurice. Tout évolue. Si vous n’êtes plus d’accord avec l’idée du leader, que faitesvous ? On peut obliger les gens à rester dans un groupe ainsi ? S’il n’y a plus de compatibilité, on se quitte. C’est comme ça pour le divorce. Les électeurs devraient jauger les transfuges au besoin. Je ne vois pas les lois venir changer cela.

On ne peut vous scléroser à rester dans un parti avec des idées très archaïques. L’avenir ne réside pas dessus mais dans l’évolution. On doit être libre de ses convictions et ne pas se cantonner au vieux modèle. Je n’appelle pas cela une trahison. La vie est faite de séparations et de rencontres. Misons plutôt sur de belles rencontres.