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Sri Lanka: le groupe Etat islamique revendique les attaques suicides de Pâques

24 avril 2019, 09:13

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Sri Lanka: le groupe Etat islamique revendique les attaques suicides de Pâques

Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué les attaques suicides de Pâques au Sri Lanka dont le bilan s’est encore alourdi mercredi, passant à 359 morts et au moins 500 blessés, et comptant parmi les attentats les plus meurtriers depuis le 11 septembre 2001.

«Les auteurs des attaques ayant visé des ressortissants des pays de la Coalition (anti-EI) et les chrétiens au Sri Lanka avant-hier sont des combattants de l’EI», a annoncé mardi l’organisation via son agence de propagande Amaq, joignant une photo et une vidéo censées montrer les sept assaillants impliqués dans le massacre.

Des kamikazes ont provoqué un carnage dimanche dans trois hôtels de luxe et trois églises, en pleine messe, à Colombo et ailleurs dans le pays. Les autorités locales ont attribué le bain de sang au mouvement islamiste local National Thowheeth Jama’ath (NTJ), qui ne l’a pas revendiqué, et cherchent à savoir s’il a bénéficié d’un soutien logistique international.

Les forces de sécurité ont arrêté 18 personnes dans la nuit de mardi à mercredi, a annoncé la police, s’ajoutant aux 40 précédemment interpellées.

«Nous avons mené des opérations dans trois lieux et arrêté 17 suspects», a indiqué un porte-parole, Ruwan Gunasekera. «Un autre suspect a été interpellé dans un autre endroit», a-t-il détaillé.

Au total, la police a arrêté et incarcéré 58 personnes depuis dimanche.

Les forces de sécurité «sont d’avis qu’il existe des liens avec l’étranger», a indiqué à la presse mardi soir le Premier ministre Ranil Wickremesinghe. «Nous avons suivi cette affirmation, il y avait des soupçons sur des liens» avec le groupe Etat islamique, a-t-il poursuivi.

Sept cibles

Les éléments de l’enquête dont l’AFP a eu connaissance mardi permettent d’éclaircir la chronologie et les circonstances de ces Pâques sanglantes.

Sur les huit explosions de bombes, les six premières, en début de matinée, sont des attentats suicides contre trois églises et trois hôtels de luxe - le Cinnamon Grand Hotel, le Shangri-La et le Kingsbury. Deux explosions ultérieures, en début d’après-midi à Colombo, sont le fait de suspects qui se sont donné la mort pour échapper à l’arrestation.

Deux frères sri-lankais musulmans figurant parmi les kamikazes ont joué un rôle-clé dans ce déchaînement de violence, au cours duquel un autre attentat suicide a échoué dans un quatrième hôtel de luxe à Colombo, d’après des sources proches de l’enquête.

Selon les policiers, ces deux frères d’une trentaine d’années dont les noms n’ont pas été révélés formaient une «cellule terroriste» familiale et jouaient un rôle-clé au sein du NTJ. Les enquêteurs ignorent encore si les attaques sont le fait de cette seule «cellule», ou d’équipes séparées mais coordonnées.

Un quatrième hôtel de luxe de la capitale sri-lankaise figurait sur la liste des objectifs. Pour une raison indéterminée, le sac à dos rempli d’explosifs du kamikaze chargé de cette cible n’a pas explosé et celui-ci a pris la fuite, ont indiqué des sources policières.

Cerné par les forces de l’ordre quelques heures plus tard dans la banlieue sud de Dehiwala, le suspect s’est fait exploser. À peu près au même moment, dans le nord de Colombo, à Orugodawatta, la femme d’un des frères kamikazes a actionné des explosifs lorsque les forces de l’ordre sont arrivées à leur résidence familiale, tuant avec elle-même ses deux enfants et trois policiers.

Enterrements en série

Le Sri Lanka a rendu mardi un hommage poignant aux victimes des attentats. Parmi les tués figurent au moins 39 étrangers, comme l’avait précédemment indiqué la police. Au moins 45 enfants et adolescents sont morts, selon l’ONU.

L’île de 21 millions d’habitants est restée silencieuse durant trois minutes à 08H30 locales (03H00 GMT), heure de la première explosion d’un kamikaze deux jours auparavant, à l’église catholique Saint-Antoine de Colombo.

Des Sri-Lankais ont laissé libre cours à leur douleur lors de messes en hommage aux morts de ces attentats, les pires violences qu’ait connu le pays depuis, il y a dix ans, la fin de la guerre civile entre la majorité cinghalaise et la rébellion indépendantiste tamoule.

Le gouvernement a décrété une journée de deuil national. Les magasins vendant de l’alcool étaient fermés, les drapeaux en berne et les radios et télévisions devaient adapter leur programmation musicale.

Le cimetière Madampitiya de Colombo, normalement vert et tranquille, connaissait mardi un défilé continu de personnes en deuil. En temps normal, son fossoyeur Piyasri Gunasena, 48 ans, creuse rarement plus d’une tombe par jour. Mardi, il en était à sa dixième de la journée.

Malgré ses décennies à côtoyer la mort, il a eu du mal à contenir le tremblement de ses mains en creusant pour l’enterrement d’un bébé de onze mois. «Chaque fois que je creuse une tombe pour un enfant, je pense à ma petite-fille et j’ai envie de pleurer», confie-t-il. «Même pendant la guerre, ce n’était pas aussi chargé».

Rivalités

L’organisation NTJ avait fait il y a dix jours l’objet d’une alerte diffusée aux services de police, selon laquelle elle préparait des attentats suicides contre des églises et l’ambassade d’Inde à Colombo.

D’après le porte-parole du gouvernement, cette alerte n’avait pas été transmise au Premier ministre ou à d’autres ministres de haut rang. Un élément qui pourrait relancer la crise au sommet de l’Etat sri-lankais.

La police est en effet de la juridiction du président Maithripala Sirisena, en conflit ouvert avec son chef de gouvernement. Il l’avait limogé à l’automne mais avait été forcé de le réinvestir après sept semaines de chaos politique. Les deux têtes de l’exécutif se vouent une animosité réciproque.

«Je compte procéder à des changements importants dans la gestion des forces de sécurité au cours des prochaines 24 heures», a annoncé le président dans une allocution à la nation. «La réorganisation des forces de sécurité sera achevée d’ici une semaine», a-t-il promis.

Selon CNN, les services de renseignement indiens ont transmis des informations «particulièrement précises» au cours des semaines précédant les attaques, et dont une partie provenaient d’un membre présumé du groupe Etat islamique détenu en Inde.

Environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka, un pays majoritairement bouddhiste (70%) qui compte aussi 12% d’hindous et 10% de musulmans.