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Paul Beeby de la GRA: «Le Mauritius Turf Club fait un okay job»

19 avril 2019, 20:30

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Paul Beeby de la GRA: «Le Mauritius Turf Club fait un okay job»

Le Head of Integrity de la Gambling Regulatory Authority (GRA), qui a pris le dossier hippique à bras-le-corps au sein de l’instance régulatrice, insiste sur une restructuration des instances chargées de mettre bon ordre dans le secteur des courses. Entre une Police des Jeux qui est «en sous-effectif» et un Mauritius Turf Club (MTC) qui fait «un okay job», Paul Beeby se livre sans langue de bois.

Vous avez été discret depuis votre arrivée chez nous, en septembre dernier. Hormis quelques données sur votre compte LinkedIn, on ne connaît pas grand-chose sur votre personne. Qui est le nouveau Head of Integrity de la GRA ?
Etre discret a été un choix. C’est d’ailleurs mon tout premier entretien à une presse locale. Alors qui est Paul Beeby ? J’ai 59 ans. Je suis natif de Newmarket, Suffolk, Grande-Bretagne, une ville connue pour son global centre of thoroughbred horse racing. J’ai commencé sur le marché du travail en tant qu’enquêteur pour la police britannique pendant 25 ans. Crime organisé, blanchiment d’argent et trafic de drogues ont été mon quotidien. J’assurais la partie investigation. 

L’occasion m’a ensuite été donnée d’exercer dans le secteur des jeux. J’ai pris de l’emploi au sein du Jockey Club, institution qui allait ensuite devenir la British Horseracing Authority (BHA). De simple enquêteur, j’ai été promu Head of Intelligence, Head of Investigation et ensuite Head of Integrity. J’ai mené la BHA aussi loin que je pouvais pendant 12 ans. Je voulais un nouveau challenge. C’est chose faite à la GRA !

 

Le Britannique Paul Beeby est Head of Integrity de la Gambling Regulatory Authority depuis septembre 2018.

Et s’il fallait dresser un parallèle entre l’industrie hippique dans votre pays natal et le Champ de Mars…
Tout d’abord, il y a bien moins de cash betting en Grande-Bretagne. L’account-based betting est plus commun. C’est bien plus facile de réguler toute l’industrie. On peut éplucher les comptes. On peut identifier les gros mouvements d’argent avant une course. Puis, la British Horseracing Authority (BHA) est le seul régulateur de courses en Grande-Bretagne. Ils ont un département d’investigation complètement autonome et séparé de l’organisateur de courses. 

J’ai pu remarquer que tel n’est pas le cas à Maurice. L’organisateur des courses à Maurice possède une autonomie conséquente. En parallèle, il y a la Police des Jeux et la GRA qui gravitent autour. J’ai pris du temps pour bien comprendre ce type de fonctionnement. Cela dit, je dois reconnaître que ça peut marcher. C’est unique en son genre mais ça peut marcher…

«Les commissaires mènent d’abord l’investigation avant de siéger pour sanctionner ou pas. ‘It’s like marking your own homework‘»

Vous dites que ça peut marcher. Etes-vous satisfait de la manière dont procède le MTC lorsqu’il s’agit de mener des enquêtes ?
(Rires). Ils font un okay job. Je ne veux pas être irrespectueux. Revenons sur ce qui se fait actuellement. Les commissaires mènent d’abord l’investigation avant de siéger pour sanctionner ou pas. It’s like marking your own homework. Selon moi, il faut qu’une autre entité mène l’investigation. Que ce soit la GRA ou la Police des Jeux. Après quoi, dans l’idéal, le cas leur sera présenté. C’est alors qu’ils pourront prendre connaissance dudit dossier. C’est du moins ce qui aurait dû se faire.

D’aucuns s’accordent à dire que la Police des jeux et la GRA ne possèdent pas le personnel adéquat pour mener à bien une telle tâche. Partagez-vous cette opinion ?
La Police des jeux est en sous-effectif, et gagnerait certainement à approfondir ses compétences en matière de courses, de betting et de contrôles antidopage. C’est pour cela que nous envisageons de dispenser des formations dédiées qui les aideront à mener à bien leurs enquêtes. Les policiers sont généralement mieux lotis lorsqu’il s’agit de mener des enquêtes liées aux crimes. En revanche, les cas de dopage ne finissent jamais à la police en Grande-Bretagne. Les suspects sont jugés sous les Rules of Racing. Les sanctions sont adéquates. Les chevaux, les entraîneurs, les propriétaires ou encore les jockeys peuvent être disqualifiés. On enlève leur passion et leur gagne-pain à ces gens. Cela suffit pour les tenir à l’écart des tentations. Il faut toutefois sanctionner fort.

Si on vous suit, même si vous l’avouez avec réserve, la GRA reste la seule institution, surtout depuis votre arrivée, à pouvoir mener à bien ce genre d’enquête ?
J’ai fait ce métier pendant 12 années à la BHA. J’aide déjà le MTC en ce sens. Plusieurs options sont à l’étude à ce que j’ai cru comprendre. Option A : la GRA dépose un dossier à la Police des jeux et celle-ci mène son investigation. Option B : la GRA réfère le dossier à une éventuelle prosecution unit au sein même de la GRA. Le MTC reste, bien sûr, aux côtés de la police et de la GRA. Les deux options laissent le soin au MTC de gérer seul des écarts moins graves au niveau des Rules of Racing.

Ce sera quand même une pilule dure à faire avaler pour le MTC. On parle de retirer les pouvoirs d’investigation et de sanctions au club organisateur de courses…
(Prend son temps). Je dis juste que le MTC a besoin de notre aide pour assainir l’industrie. Nous souhaitons l’assister en matière d’enquêtes et de procès, et non lui enlever tous ses pouvoirs. Prenons le cas récent de Zilpaterol. This was a massive issue for horse racing. Il faut dire que la GRA a pris les choses en main, et cela nous a permis de vite régler la question. Que se serait-il passé si nous n’avions pas pensé à faire analyser les échantillons de nourriture ? On parle de 24 cas positifs. Personne n’avait une idée précise de ce qui s’était passé. On parle de six mois de suspension pour les chevaux. Sept entraîneurs auraient été suspendus. Cela aurait été la dure réalité de ces coursiers et ces entraîneurs sous les Rules of Racing. Reste que notre travail a été bénéfique. Une solution a été vite trouvée. Quant au cas de Simon Jones, je compile un dossier de mon côté pour aider la salle des commissaires. Et ça ne marche pas si mal…

La GRA compte-t-elle adopter d’autres mesures visant à mettre bon ordre dans cette industrie ?
Un intelligence system est à l’étude. Nous sommes à un stade très avancé dans le processus. Nous embaucherons un Intelligence Manager ainsi que des analystes. Tous les stakeholders de l’industrie seront dans le collimateur de ce système. On vise à construire une gigantesque base de données. Si nous avons des informations à l’effet qu’un jockey ou autre a commis un délit, on va commencer à construire sur cette information. A-t-il eu des rencontres avec certaines personnes ? D’autres personnes lui ont-elles parlé pour influencer une course ? Ce système nous permettra de garder un œil sur les personnes liées de près ou de loin à l’industrie des jeux. On veut faire peur aux suspects et contrevenants. La GRA mordra encore plus fort cette année !

L'article paru dans l'express Turf du jeudi 18 avril 2019.