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Ukraine: Zelensky, une émergence politique fulgurante

19 avril 2019, 15:33

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Ukraine: Zelensky, une émergence politique fulgurante

En moins de 30 ans d’indépendance, l’Ukraine a connu deux révolutions et une guerre mais elle se prépare à un nouveau bouleversement avec un comédien novice en politique en passe de devenir président. Comment s’explique l’émergence de cette personnalité et que faut-il en attendre?

Pourquoi cette popularité ?

Depuis 20 ans, Volodymyr Zelensky écume les théâtres et les plateaux de télévision avec ses spectacles de stand-up, ses comédies au cinéma ou ses série télévisées. C’est l’une des personnalités les plus connues et appréciées des Ukrainiens.

Il incarne d’ailleurs dans une série télévisée le rôle d’un simple professeur d’histoire devenu président après avoir dénoncé la corruption, endémique en Ukraine.

Mais pour les experts, si l’acteur de 41 ans, par ailleurs prospère entrepreneur du spectacle, est crédité d’un score écrasant de plus de 70% des voix dans les sondages du second tour, c’est surtout parce qu’il a su capter le vote protestataire.

Il a tiré profit de la déception des Ukrainiens pour leur classe politique, symbolisée par le président Petro Porochenko, et de leur fatigue face à la pauvreté, la corruption et la guerre qui fait rage depuis cinq ans avec des séparatistes prorusses.

«Les gens votent essentiellement non pas pour Zelensky, mais contre Porochenko», explique Oleksandre Paskhaver, un économiste et ancien conseiller présidentiel.

Arrivé au pouvoir dans la foulée d’un soulèvement pro-européen de 2014, Petro Porochenko a rompu avec la Russie, rapproché son pays de l’Occident, contribué à la création d’une Eglise orthodoxe indépendante de Moscou et entrepris une série de réformes.

Mais nombre d’électeurs lui reprochent d’avoir peu fait pour leur niveau de vie (l’un des plus pauvres en Europe) et pour la lutte anticorruption, demande majeure de la révolution du Maïdan et des bailleurs de fonds occidentaux de Kiev.

Comment s’est-il imposé dans la campagne?

Originaire de la ville industrielle de Kryvy Rig dans le centre du pays, M. Zelensky a brouillé les lignes entre fiction et réalité grâce à sa série télévisée «Serviteur du peuple», où il joue le rôle d’un président qui reste simple.

«Cette image de jeune homme énergique, positif et sympa qui s’apprête à tout changer est associée à l’acteur qui le joue», a analysé récemment Oksana Zaboujko, écrivaine ukrainienne réputée. Ce «candidat virtuel» incarne «des émotions positives liées à l’humour», selon elle.

Pour Volodymyr Fessenko, directeur du centre Penta à Kiev, la popularité du comédien repose sur un «mythe politique créé par sa série, selon lequel un homme ordinaire peut devenir président».

Entretenant sa volonté de se démarquer des élites, Volodymyr Zelensky a par ailleurs mené campagne quasiment exclusivement sur les réseaux sociaux, par des vidéos sur YouTube, Facebook et Instagram partagées massivement par les internautes.

Dans une rare apparition à la télévision jeudi soir, il a dit respecter les journalistes mais assumé une «stratégie» visant à ne pas aller sur des médias traditionnels «où les gens de l’ancien pouvoir font leur communication». Il compte continuer à s’adresser aux Ukrainiens par ces canaux s’il est élu et affirme aussi vouloir quitter la présidence pour un «open space» et se déplacer sans bloquer la circulation.

Que propose Zelensky?

Ce mode de communication, excluant à quelques exceptions près les interpellations directes d’électeurs ou de journalistes, a permis à M. Zelensky de conserver un programme flou. Il s’est contenté d’intentions générales sur sa volonté de tendre la main aux populations des zones contrôlées par les séparatistes ou d’augmenter le niveau de vie pour mettre fin à l’hémorragie de main d’oeuvre.

Dénoncé par son adversaire, ce manque d’information lui a profité, selon l’analyste politique Anatoli Oktysiouk: «Zelensky est un miroir dans lequel chacun voit ce qu’il veut voir».

Certains observateurs estiment que son statut d'«outsider» pourrait lui donner les mains plus libres pour faire avancer des réformes anticorruption. D’autres craignent qu’il ne serve en réalité de couverture au sulfureux oligarque Igor Kolomoïsky, adversaire acharné du président actuel.

Sa popularité peut-elle résister au pouvoir?

Après son ascension fulgurante, la réalité du pouvoir s’annonce difficile dans un pays à la vie politique très volatile, qui a déjà connu cinq présidents depuis son indépendance en 1991 et deux révolutions, en 2004 et 2014. Selon l’institut Gallup, seulement 9% des Ukrainiens ont confiance dans leur gouvernement, un record mondial d’impopularité.

«Si les Ukrainiens ont donné à Porochenko un à deux ans pour mettre en oeuvre ses promesses», M. Zelensky, porté par l’espoir de changements rapides, dispose de «six à neuf mois au maximum», prédit l’analyste poli