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Quand l’Europe permet à des réfugiés d’enseigner à l’université

18 avril 2019, 16:48

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Quand l’Europe permet à des réfugiés d’enseigner à l’université

 

Dans leurs pays, ils étaient professeurs ou cadres. Mais la guerre les a poussés à chercher l’asile en France. Dans le cadre d’un programme européen, l’université de Clermont-Auvergne a offert à quelques-uns de ces réfugiés la possibilité d’enseigner.

«C’est une nouvelle étape d’évolution pour moi. Je peux désormais me dire que, même si je suis pas native d’ici, je peux avoir le même type de poste que des Français. Cela donne véritablement confiance en soi», se réjouit Souzan Adlo, jeune Kurde de 33 ans, originaire de la région d’Alep dans le nord de la Syrie.

Comme elle, quatre autres professeurs en exil donnent quelques heures de cours depuis octobre au sein de l’université clermontoise dans le cadre du programme «co-LAB».

Au total, 23 professeurs de 19 disciplines, allant du journalisme au design, participent depuis cette année à ce projet européen dans cinq universités à Londres, Rome, Bruxelles (2) et Clermont-Ferrand pour la France.

Contrainte de fuir son pays en juillet 2014 avec son mari et revenue à Clermont où elle avait étudié, Souzan Adlo est chargée depuis début janvier d’animer un enseignement de vingt heures intitulé «de la migration à l’intégration».

Entre les explications théoriques sur les politiques d’accueil, cette ancienne étudiante en littérature française émaille son récit d’exemples tirés de son parcours personnel.

«Pouvez-vous me dire qui sont les personnes dites dublinées ?» interroge en classe la jeune femme aux grand yeux ourlés de noir, en référence à la réglementation de Dublin qui codifie les compétences en matière d’asile des pays européens.

Peu de doigts se lèvent.

Mais lorsque les notions «d’acculturation» et «d’assimilation» rentrent dans la discussion, les interventions fusent.

«Les étudiants français sont curieux et cultivés. C’est très intéressant car ils peuvent débattre et apporter leurs connaissances sur le sujet», poursuit celle qui officie par ailleurs comme professeur de français langue étrangère dans une association.

«Elle a vécu ce qu’elle nous enseigne et elle a le recul nécessaire pour nous en parler. On est loin des clichés, du discours des uns et des autres sur un plateau télé ou les réseaux sociaux et ça change tout!», estime Vincent Cocusse, en deuxième année de droit.

«C’est très enrichissant. Avec les attentats, une image négative des migrants, qui seraient venus aussi parfois par intérêt, est largement véhiculée. Souzan offre un autre regard. Elle est jeune, souriante et pourtant elle a tout quitté pour un monde inconnu. C’est courageux», abonde une autre élève de troisième année en communication, Delphine Heurtaut.

- Intégration -

Car l’objectif premier de ces enseignements est bien de tordre le cou aux clichés.

«L’idée pour nous, c’est de montrer que la femme orientale n’est pas seulement soumise et pauvre mais peut être aussi éduquée, pas forcément voilée», souligne Rabab Khedair, une chrétienne de 46, elle aussi originaire d’Alep.

Cette professeure d’anglais a donné quelques cours à l’université, avant d’être sollicitée pour un remplacement en collège et lycée dans un établissement de la ville. Car avoir enseigné dans l’enseignement supérieur apporte un plus sur un curriculum vitae.

«Avec 20 heures de cours, on ne vit pas mais cela peut favoriser leur intégration dans la société en les amenant vers le marché du travail», considère Cécilia Brassier-Rodrigues, à l’origine de la mise en place du programme au sein l’université auvergnate.

Elle a sélectionné les candidats en plaçant la barre haute. «Ils n’interviennent pas parce qu’ils sont uniquement réfugiés. Il fallait avant tout qu’ils aient le bagage suffisant pour enseigner», souligne cette maître de conférences, qui y voit une facteur «d’internationalisation» de ses étudiants.

«Ils vont partir à l’étranger découvrir l’autre alors qu’on a aussi une richesse à la maison. Pour travailler dans un univers multiculturel, on doit être amené à savoir travailler avec quelqu’un de différent. Là, les professeurs vont apporter leur propre perspective», insiste-t-elle.

A l’issue de cette première expérience, un «guide de bonnes pratiques» sera établi par les universités participantes. Afin de permettre un essaimage dès l’an prochain de ce programme dans d’autres établissements européens.