Publicité

JIOI 2019 - Si mes jeux des îles… étaient contés

10 avril 2019, 15:59

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

JIOI 2019 - Si mes jeux des îles… étaient contés

 

Judex Lefou: «Les Jeux de 1985: le déclenchement de ma belle aventure sur les pistes du monde entier»

Il y a le regard du journaliste, celui du spectateur, celui de l’entraîneur, celui de l’administrateur ou encore celui du politique. Tous ont quelque chose à dire sur l’exploit sportif. Mais tous ces regards mis ensemble ne remplaceront pas le regard de l’athlète, celui de l’acteur principal de l’événement. «Si mes Jeux des îles... étaient contés» invite les sportifs mauriciens à parler de ce moment qui fut leur moment et qui restera à jamais gravé dans leur mémoire malgré le passage des ans et le renouvellement du rendez-vous des îles de l’océan Indien. Les sportifs aussi savent se raconter.

«J’ai eu la chance de représenter l’île Maurice à plusieurs compétitions d’envergure, tant au niveau national qu’international. Toutefois, et je le dis en toute humilité, l’athlète accompli que j’ai été, considère toujours que les Jeux des îles de l’océan Indien restent LA compétition qui a le plus marqué ma carrière. Les Jeux de 1985 particulièrement, parce qu’ils ont été le déclenche- ment de ma belle aventure sur les pistes du monde entier. Ce premier frottement avec des concurrents des autres îles, certains étant des favoris dans leur spécialité, a exigé de ma part une préparation intense et régulière. Un travail récompensé dès les premiers Jeux auxquels je participais.

En 1985, j’étais engagé sur 110m haies. Les festivités allaient bon train bien en amont des Jeux. Au-delà de très sérieux entraînements, c’était l’effervescence dans toute l’île : des animations, des rencontres avec les jeunes, des défilés dans nos rues. Le Village des Jeux bouillonnait d’activités. L’île Maurice vivait au rythme des préparatifs.

Tous les athlètes mauriciens, toutes fédérations confondues, se rencontraient à Anse-la-Raie et au Gymkhana. Au-delà de l’esprit de compétition, un parfum de fête, de réjouissances régnait dans ces points de rencontres. Ce qui deviendrait de belles amitiés plus tard. Rien ne nous décourageait, même les entraînements sur des pistes cendrées – les pistes synthétiques n’ayant été livrées que trois semaines avant les Jeux – nous motivaient encore plus. Et arriva le jour de ma course. Le jeudi 29 août. Je me souviens encore du beau temps sur le stade de Réduit ce jour-là. La météo, le jour de compétition, joue un grand rôle dans la performance des athlètes. Je me souviens encore des Jeux de 1990 à Madagascar. La chaleur était tellement intense que notre entraîneur nous avait dégoté des feuilles de chou à mettre sous nos casquettes pour réguler notre température corporelle.

Le stade de Réduit était plein à craquer, des quadricolores flottaient dans les gradins, l’encouragement du public nous donnait des ailes. J’étais préparé mentalement et physiquement.

Un seul bémol, un tour aux vestiaires ce jour-là m’avait causé un raidissement du tendon, quelques minutes avant la course. Mais je devais courir, je devais gagner. Avec Karl Paul, nous nous sommes présentés au bloc, il était 3 heures et j’étais au troisième couloir. Et une fois le départ donné, je ne voyais que la ligne d’arrivée, à 110 mètres devant moi. Et personne ne me rattrapa ce jour-là. Galvanisé par le public, fort de ma préparation et déterminé à gagner, je montais sur la première marche du podium. La seule déception du jour fut de voir mon ami Karl à la troisième place, le Réunionnais Charles Montrouge lui ayant ravi la médaille d’argent.

Le tour de piste pour saluer le public fut épique. J’en oubliais presque mon tendon. Je remercie encore Gabriel Jules, entraîneur de l’époque, qui devait appliquer un massage sur ma cheville enflée. Je reviens aussi sur une triste anecdote de ces Jeux de 1985, la chute de Sandra Govinden dans son épreuve. Triste mais aussi plein d’espoir, car tous se souviendront qu’elle s’est relevée et a terminé son épreuve en marchant. Ne jamais baisser les bras!

Le retour aux Villages des Jeux, certains au collège SaintMary’s et d’autres à Saint-En- fant Jésus, se passa en fanfare. Les soirées suivantes ne furent que célébration.

J’ai réitéré ma performance à Madagascar et aux Seychelles, grappillant aussi des médailles dans d’autres spécialités. Face à des athlètes aguerris, je pense aux Jeux de 1993 aux Seychelles, face au meilleur hurdler malgache du 400m haies. Parfois dans des conditions difficiles, je pense à Madagascar en 1990, pays d’extrême pauvreté. Mais je m’étais découvert une force d’adaptation qui me propulsait en haut des podiums. Voir flotter le quadricolore me bouleversait à chaque fois et me rappelait qu’être dans la cour des grands se méritait. Et le public jouait aussi son rôle. Je me souviens ainsi de ce petit groupe de Mauriciens qui avait fait le déplacement aux Jeux de Madagascar en 1990. J’étais aligné au troisième passage de témoin dans le relais 4x400m face à un dénommé Arsène, ténor malgache de la spécialité. Maurice avait l’avantage mais je sentais déjà revenir le Malgache quand j’avais le témoin à la main. Au passage devant ce groupe de Mauriciens, ce fut comme faire le plein à une station-service. Nous triomphâmes.

Je profite de cette plateforme qui m’est offerte pour faire un appel au public, aux fédérations et surtout aux jeunes. Nous voyons trop d’obstacles se dresser face aux athlètes. Ces derniers ont besoin d’être soutenus, encadrés, supportés. Le mauricianisme ne peut pas se réveiller à la veille des Jeux. Je suis toujours triste quand plus d’un me rappelle que mon record personnel sur 110m haies tient toujours. Je crois en nos jeunes. Je crois dans le potentiel de notre île à devenir une nation sportive. Nos athlètes ont déjà prouvé et prouvent encore qu’ils sont à la hauteur des performances attendues. Soyons au rendez-vous. Et ensemble, faisons flotter encore notre quadricolore dans nos stades cette année.»