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Amendement à la loi: l’emploi des conjoints étrangers des Mauriciens menacé?

7 avril 2019, 16:47

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Amendement à la loi: l’emploi des conjoints étrangers des Mauriciens menacé?

La mesure visait initialement des jockeys, semble-t-il. Sauf qu’elle a eu un effet domino. Des étrangers ayant épousé des citoyens mauriciens n’ont plus le droit d’exercer sur le sol mauricien sans un permis de travail. 5 000 personnes sont concernées par cet amendement apporté en mars à la Non Citizen Employment Restriction Act, apprend-on. Selon une source officieuse, le gouvernement veut, à travers cet amendement, combattre le mariage blanc.

Avant le changement à la loi, tout étranger ayant contracté un mariage civil avec un citoyen mauricien avait automatiquement le droit de travailler sur le territoire. Cette décision aura un gros impact sur l’économie mauricienne et risque de mettre en péril le plan de l’Economic Development Board, explique-t-on.

Selon nos renseignements, quand cette mesure a été publiée dans la Government gazette le 21 mars, elle avait pour objectif de contraindre des jockeys étrangers ayant épousé des Mauriciennes à demander un permis de travail pour pouvoir monter au Champ-de-Mars. D’ailleurs, trois d’entre eux se retrouvent dans l’obligation de faire une demande de permis. La Gambling Regulation Authority (GRA) a écrit au Mauritius Turf Club (MTC) pour lui rappeler ce changement. «In virtue of regulation 59(b) thereof , all non-citizens including those married  to Mauritian nationals now require a permit to engage in an occupation or to be employed in Mauritius», est-il écrit dans la missive.

Selon certaines sources, c’est un entraîneur qui serait l’instigateur d’un tel changement. Il voulait empêcher un jockey de montre au Champ-de-Mars en décembre, mais il a vite déchanté en découvrant que l’étranger avait épousé une Mauricienne. C’est ainsi qu’il aurait approché la GRA pour que des changements soient apportés à la loi.  

«C’est une mesure insensée qui nous ramène plus de 45 ans en arrière. J’ose espérer que ce n’est pas intentionnel au vu des conséquences drastiques, pratiques et bureaucratiques qui vont affecter négativement des milliers de personnes.»

Or du côté de la GRA, on nie être à l’origine de cet amendement. «Il n’y a eu aucun pression d’un entraîneur ou de quiconque. Cette décision ne vient pas de nous. Quand nous avons appris cette mesure du gouvernement, nous l’avons communiquée au MTC», déclare un cadre de l’organisme.

Toujours est-il que dans la communauté des expatriés et des affaires, c’est l’incompréhension et l’inquiétude. L’avocat Marc Hein craint que cette mesure «rétrograde» décourage la diaspora mauricienne à investir et travailler à Maurice, comme le souhaite le gouvernement. Beaucoup de Mauriciens et de Mauriciennes vivant dans d’autres pays ont épousé des étrangers, fait-il remarquer. «C’est une mesure insensée qui nous ramène plus de 45 ans en arrière. J’ose espérer que ce n’est pas intentionnel au vu des conséquences drastiques, pratiques et bureaucratiques qui vont affecter négativement des milliers de personnes», souligne-t-il. 

Au dire de Marc Hein, «ces mesures vont contre l’esprit de la Constitution et portent préjudice à toutes ces familles où l’un des époux n’est pas mauricien». Il affirme que «tout cela est  à l’encontre du projet d’ouvrir l’île Maurice vers le monde et le désir de faire revenir la diaspora mauricienne chez nous».

Sur le plan social, il y a également des veufs ou veuves ayant épousé nos compatriotes qui se retrouvent au chômage du jour au lendemain, ne pouvant plus travailler à Maurice, explique une source. D’ailleurs, sur un site spécialisé regroupant des étrangers vivant à Maurice, ils expriment déjà des craintes de se retrouver sans emploi. «Je trouve cette mesure profondément discriminatoire sous prétexte qu’on combattrait les mariages blancs ou je ne sais quelle autre raison... On est prêt à vendre la nationalité mauricienne pour 1 million d’euros mais on interdit aux époux des Mauriciens de pouvoir travailler alors qu’ils vivent ici», lit-on sur cette page.

Une ressortissante étrangère a écrit : «J’ai un papier provisoire dans l'attente de mon permis de résidence en tant qu’épouse de Mauricien. On m’avait dit à l’immigration que j’avais le droit de bosser avec ce papier, j’ai trouvé un travail, aujourd’hui on me dit que je n’ai pas le droit de bosser finalement.»

Nous avons essayé de contacter le ministre du Travail, Soodesh Callychurn pour un éclaircissement. Il n’a pas répondu à nos appels.