Publicité

D’art «illicite» à «patrimoine», l’évolution du street-art aux Beaux-arts de Calais

7 avril 2019, 16:28

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

D’art «illicite» à «patrimoine», l’évolution du street-art aux Beaux-arts de Calais

A l’origine «illicite, en marge», le street art a conquis la ville et le public jusqu’à «se faire une place au musée»: à Calais, une exposition revient sur les origines et l’évolution d’un mouvement «incontournable», inscrit dans l’art contemporain.

«Depuis plusieurs décennies, l’art urbain est extrêmement prégnant dans nos vies, et pourtant, on le connaît mal ! Les institutions publiques l’ont longtemps ignoré, il y a un vrai déficit de connaissance» à combler, a rappelé jeudi Anne-Claire Laronde, directrice du musée des Beaux-arts de Calais, lors d’une présentation à la presse de cette exposition qui ouvre samedi au public jusqu’au 3 novembre.

Avec soixante oeuvres exposées, des «précurseurs» des années 1960 aux «jeunes créateurs d’aujourd’hui» et plusieurs grands noms comme Banksy, Keith Haring ou Ernest Pignon-Ernest, l’exposition entend donc «explorer l’histoire de cet art, ses multiples formes», et «montrer qu’il a aujourd’hui toute sa place au musée», explique le collectionneur et co-commissaire Gautier Jourdain.

Car ces artistes, longtemps chassés et criminalisés par les pouvoirs publics, sont «avant tout des artistes contemporains, avec chacun leur démarche et leur style, qui ont pour point commun d’être descendus dans la rue et d’avoir offert leur art au public», juge-t-il.

Et pour «déconstruire» les clichés, les Beaux-arts ont choisi d’exposer «uniquement des pièces créées en atelier».

Original, le parcours thématique nous dévoile d’abord les «lois de la rue». Caractère illégal et éphémère de l’oeuvre, rapidité d’exécution, supports souvent bruts: la rue impose à l’artiste des contraintes, techniques et outils, comme les marqueurs et bombes aérosols, ou autres pochoirs et collages, qui constituent un univers.

Contestataire et populaire

Le visiteur se penche ensuite sur les sources du street art et particulièrement le graffiti, découvrant les pionniers qui l’ont fait essaimer sur les murs et métros américains à la fin des années 1960: Cornbread, à Philadelphie, Taki183 à New York, et autres «gamins désoeuvrés qui cherchaient à exister», explique M. Jourdain.

Mais avec Seen, Futura 2000 ou Phase 2, «ces écritures urbaines vont évoluer, glisser vers la typographie, la calligraphie, et même l’abstraction».

Rebelle, le street art est aussi contestataire. De la crise des réfugiés à l’altermondialisme, en passant par la lutte contre le réchauffement climatique, une série d’oeuvres aborde des sujets d’actualité brûlants.

Le spectateur découvre ainsi un appel à la paix de Shepard Fairey, un drapeau américain de grillage et de fer créé par des artistes iraniens, un visage photographié par JR ou encore un détournement antisystème de Banksy.

Enfin, l’exposition «s’interroge sur le caractère populaire» de cet art, qui revisite culture de masse, publicité, cinéma ou jeu vidéo, convoquant les aliens en mosaïque d’Invaders, largement popularisés par internet, ou les icônes de mode défigurées à l’acide par Vermibus.

Collés sur une planche de bois et à taille réelle, des acteurs ou musiciens célèbres peuvent aussi «se fondre dans la foule des anonymes» et être ramenés «à leur statut d’être humain», explique l’artiste Jeff aérosol devant son travail.

Deux œuvres créées «in situ» sur le grand escalier et près de l’accueil du musée complètent le parcours.

«Aujourd’hui, les street artistes sont invités par les villes, les institutions investissent légalement l’espace public, ce qui est une grande victoire !», se réjouit Gautier Jourdain.

«Mais les collections publiques doivent réellement s’en emparer», estime-t-il, «car ce qu’ils faisaient sur les murs hier sera patrimoine demain».