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Khadeeja Luckhun: une professionnelle qui tient un langage de vérité
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Khadeeja Luckhun: une professionnelle qui tient un langage de vérité
Elle porte plusieurs chapeaux professionnels. Elle est non seulement directrice exécutive de Maersk Mauritius Ltd mais aussi présidente de l’Association professionnelle des agents maritimes de Maurice et viceprésidente du Port Users Council (PUC). «La présidence du PUC m’a été proposée mais j’ai dû refuser, mes voyages fréquents ne me permettant pas d’être assez présente pour mener à bien ces fonctions», relate Khadeeja Luckhun, perfectionniste.
Et cette dernière a cette fois été choisie par la Standard Chartered Bank pour participer à son programme GOAL. Cette trentenaire devait ainsi s’exprimer mercredi devant un parterre d’élèves du SSS de Quartier-Militaire en compagnie de hauts cadres de la Standard Chartered Bank de Maurice et de Londres. Sauf qu’un imprévu a chamboulé ce rendez-vous, de même que son emploi du temps subséquent. Mais ce n’est que partie remise et l’intervention de Khadeeja Luckhun devrait être reprogrammée pour mai.
C’est sans doute un trait de caractère forgé au contact de ses parents qui ont incité leurs quatre enfants à se dépasser à tous les niveaux de leur vie. Cette cadette d’Abdool Hannan, chauffeur de taxi basé à la rue Châteauneuf à Curepipe, aujourd’hui retraité, et de Shaherana, femme au foyer, a deux frères et une sœur. Ses parents la font admettre au James Toolsy Government School. Classée 180e au Certificate of Primary Education, elle pousse les portes du collège Maurice Curé, à Vacoas.
Étant une fille très pragmatique, elle opte pour une combinaison hybride qui malheureusement ne lui permet pas de prétendre à une bourse d’État, à savoir les mathématiques, la physique et les sciences de l’informatique. En parallèle, elle suit les cours de l’Alliance française. Comme elle veut avoir un impact sur les autres, elle prend des responsabilités au niveau de l’école. C’est ainsi qu’elle a été à tour de rôle Class Captain, Vice Class Captain, Sports Captain, Student Council et Prefect. Là où il faut un leader de groupe, elle est en pole position. Elle organise aussi pas mal d’activités au sein de l’établissement.
Ses parents n’ayant pas les moyens de financer ses études à l’étranger, car elle a d’autres frères et sœur qui étudient à Maurice, Khadeeja décide, à la fin du cycle secondaire, de trouver du travail et économise son argent pour se payer des études supérieures. Vu ses connaissances en informatique, elle est recrutée par une société informatique et travaille six jours sur sept et parfois, sept jours sur sept, pour augmenter ses revenus. À la rentrée universitaire de Maurice en août, elle quitte son emploi et paie les cours menant au Bachelor of Arts en communication avec spécialisation en journalisme.
Vers la fin du premier semestre, des représentants de Maersk Mauritius Ltd viennent à l’UoM pour parler d’une bourse d’études que cette compagnie danoise offre, à savoir le Maersk International Shipping Education Programme. Les intéressés doivent passer des tests d’aptitude. Khadeeja Luckhun s’y prête et elle fait partie des cinq recrues de cette année-là. Les cours, qui sont étalés sur deux ans, comprennent une partie théorique et une pratique. Très intéressée par tout ce qu’elle découvre sur les responsabilités de l’agent maritime, à un moment, elle fait face à un dilemme.
Doit-elle abandonner ses études supérieures pour continuer l’aventure avec Maersk ou pas ? Elle décide de franchir le pas. Elle est recrutée chez Maersk à Maurice. Elle suit le cours en ligne et deux fois l’an, se rend à Copenhague, capitale du Danemark où se trouve la maison mère de Maersk. Elle se retrouve à un moment sur un porte-conteneurs et fait le trajet entre Taïwan et la Malaisie. Bien que le navire ait essuyé un typhon, elle en parle comme de sa «meilleure expérience de vie professionnelle» car au contact du capitaine, du chef ingénieur et des autres employés à bord, elle découvre «the core of the business».
À Maurice, elle est d’abord postée au comptoir pour servir les clients. Elle passe ensuite par le département de documentation puis celui de Customer Service avant de séjourner dans le département d’Air Freight à l’aéroport de Plaisance. De retour au bureau à Mer Rouge, elle découvre le département des ventes chez Safmarine avant d’avoir l’occasion de s’expatrier et d’aller travailler pour Maersk en Malaisie pendant presque deux ans et ce, en tant que Customer Service Assistant Manager. Sauf qu’une partie de l’équipe qu’elle gère se montre hostile envers elle. «Mon premier patron était très conservateur et son attitude vis-à-vis de moi était Make it or Break it», racontet-elle. Ce qui l’aide à tenir le coup, c’est la présence à ses côtés de l’homme qu’elle a épousé Yvan Michael Luckhun. Pour pouvoir s’habituer à cette culture asiatique du travail où, en sus d’un volume des transactions qui est supérieur à celui de Maurice ou de l’Afrique, toutes les procédures s’exécutent à une vitesse vertigineuse, Khadeeja Luckhun est la première arrivée au bureau et la dernière à s’en aller. Et le fait que son patron soit remplacé par un Danois qui lui accorde tout son soutien, l’aide à appliquer ses objectifs professionnels.
Elle serait sans doute restée en Malaisie si Maersk n’avait pas rationalisé ses opérations à l’échelle mondiale. De retour à Maurice, elle est nommée Process Excellence Manager pour le cluster Maurice, Madagascar, Seychelles et les Comores et le cours que Maersk lui offre en Process Management l’aide à mener ses responsabilités à bien. En 2010, le poste de Customer Service Manager est déclaré vacant et elle postule. Nommée, elle assume les fonctions y associées. Et lorsqu’en 2012, le poste de Sales Manager est vacant, elle se porte candidate et décroche le poste. Après un an, les deux fonctions fusionnent pour déboucher sur le poste de Commercial Manager de Maersk Mauritius Ltd, rôle qui lui est dévolu. Elle se retrouve à la tête de ce gros département où elle gère deux équipes à qui elle inculque l’approche asiatique du travail.
En juin 2016, soit deux ans après le départ du directeur général qui rentrait au Danemark, elle est nommée directrice exécutive. Nomination qui coïncide avec la décision de la maison mère d’intégrer Maersk Maurice au bureau de l’Afrique du Sud. Malgré ses grossesses – elle est mère de deux enfants, Rayhaan, neuf ans et Adam, trois ans – la perfectionniste Khadeeja Luckhun est sur tous les fronts et se met énormément de pression. Jusqu’à avoir un burn-out. Un facteur négatif qui lui permet toutefois de prendre du recul et de se recentrer. « Avant, c’était My way or the highway. Cet épisode m’a permis de faire la paix avec mon passé, d’avoir de l’empathie au travail, d’être à l’écoute des autres, d’avoir des rapports plus humains. Cette approche non feinte porte ses fruits car les employés se sentent valorisés, écoutés et se donnent alors à 110 %.»
Si bien qu’aujourd’hui, elle n’essaie plus d’être une Super woman. L’univers dans lequel elle évolue est grandement masculin. Et on ne la prenait pas toujours au sérieux. «Je ne suis pas comme la Speaker de l’Assemblée nationale. Je ne vais pas me mettre debout et hurler. Je préfère rester silencieuse. Si bien qu’à un moment, ils s’en rendent compte et cela les déstabilise. Ma force, malgré un petit gabarit physique, est que j’utilise mes atouts que sont mes connaissances, ma logique et je m’en tiens aux faits »
Depuis janvier, elle s’attelle à exécuter les directives de la maison mère faisant de Maersk un Global Integrator in Container Logistics, soit offrir aussi aux clients les services à terre à Maurice et dans la région. Nul doute que le cours d’Africa Leadership Development Programme que la maison mère parraine pour elle auprès de l’université de Stellenbosch en Afrique du Sud l’aidera également à passer ce cap sereinement.
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