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Port-louis: Andy, 14 ans, erre dans les rues sans rêve et sans but

24 mars 2019, 20:30

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Port-louis: Andy, 14 ans, erre dans les rues sans rêve et sans but

13 heures tapantes. Les rues de Port-Louis sont bondées, la chaleur est à son comble. Des centaines de personnes font le va-et-vient du côté du jardin de la Compagnie. Au milieu de ses visages, celui d’un garçon. Il porte un T-shirt gris délavé, des savates rafistolées à l’aide de fil de fer. Un gobelet à la main, visiblement assoiffé, il se dirige vers une banque pour demander un peu d’eau. On s’approche.

Une odeur de transpiration et d’urine émane de lui. On comprend qu’il n’a pas changé de vêtements depuis des jours… Dans son regard, de la réticence. On engage la conversation. Il a 14 ans, ne va pas à l’école. Quid de ses parents ? La question a l’air de le tourmenter. Il ne répond pas, sourit, regarde ailleurs et donne l’impression de chercher quelqu’un.

Un homme d’une trentaine d’années s’avance. Ils ont l’air de se connaître. Celui-ci nous lance un regard et se tourne vers lui : «Zournalis sa, kozé, rakonté ki to’nn pasé…» Quelle a bien pu être l’épreuve qu’a traversée cet ado à peine sorti de l’enfance ?

Un round d’hésitation plus tard, Andy se livre. Il vit dans la rue depuis… il ne sait plus quand. Par choix, assure-t-il. Andy dit avoir été au collège mais il a été renvoyé après avoir commis une «gaffe». Nous n’en saurons pas plus. Il ne sait pas ce qu’il souhaite faire quand il sera grand, il avoue ne pas avoir de rêves ni de buts. Tout au long de son récit, il marque des pauses, jette un coup d’œil en direction de «son ami» ou dans le vide. Il a l’air perdu, donne l’impression d’être absent.

Sur ses bras, d’anciennes cicatrices. Sur le front, une qui a l’air plus récente. «Enn ‘kamwad’ pli gran inn vey mwa… Li ti ek trwa lezot garson, zot inn bat mwa. Zot ti anvi touy mwa pa koné kifer.» Il a des larmes dans les yeux. «Tous les jours il faut mendier pour avoir de l’argent, certaines personnes sont méchantes et nous veulent du mal. Je dors sur un carton et j’ai froid des fois.»

Pourquoi alors avoir choisi cette vie ? Il a une maison, ses parents le cherchent, ces derniers auraient même, selon ses dires, passé une annonce dans les médias pour dire qu’il était porté manquant. En fait, il préfère la rue à sa maison. Ses propos sont incohérents, il y a quelque chose de pas «net» dans cette histoire… Tour à tour, il affirme que ses parents s’occupent bien de lui, une autre fois que sa mère travaille tout le temps et qu’elle n’est jamais à la maison. Avant de lancer : «Lafesksion-la ki été sa?» Il se reprend de nouveau, insiste sur le fait que sa mère s’occupe de lui. Il donne l’impression d’être perturbé, il demande de l’aide puis se rétracte… Il avoue cette fois vouloir une meilleure vie, une maison, du confort. A-t-il consommé quelque produit illicite ? Du synthé ? Le non est catégorique.

Maison infecte

Son ami adulte, lui, veut nous montrer l’endroit où ils ont élu «domicile». Pour s’y rendre, il faut prendre le bus. Dans une ruelle, une maison abandonnée. La maison à étage donne froid dans le dos. «Ena dimounn squat lao ousi», nous dit l’homme. La cour est remplie de déchets, à l’intérieur, c’est pire.

Des bouteilles en plastique gisent sur le sol, l’odeur est pestilentielle. La maison comporte plusieurs pièces, toutes remplies de saletés, d’excréments. Des matelas sales, déchirés, dorment par terre. La «chambre» d’Andy jouxte celle de son «ami», celui-ci a tenté d’y insuffler un peu de vie grâce à des objets collectés ici et là et qui font office de «décorations».

Dans celle d’Andy, pas de fenêtres ni de portes, des cartons et des feuilles de tôle, rouillées, font office de «barrage». Des tasses, des assiettes sales et d’autres ustensiles de cuisine sont éparpillés un peu partout. Ils s’en servent quelque fois pour faire le thé ou pour manger. Les insectes aussi.

En sortant de la maison, une femme nous arrête. Soudain, elle se met à insulter «l’ami» d’Andy. «Sa piti-la ena fami li ein … dir to dwa dimounn kas osi ek to drogé!» lance-t-elle en direction du trentenaire, qui lui, souhaite qu’on l’aide à obtenir une maison… Il est mal à l’aise et s’en prend à son tour à la femme.

Une dispute éclate, la tension monte et d’autres gens sortent pour voir ce qui se passe. On rebrousse chemin, Andy et son «ami» nous suivent. Avant de partir, ils nous demandent de l’argent. L’homme souhaite qu’on parle uniquement de «sa misère» et pas d’Andy, ce sont ses derniers mots.

Nous avons essayé de contacter des personnes ayant le même nom de famille que le petit en feuilletant l’annuaire téléphonique. La recherche a été vaine, personne ne le connaît. Le mystère demeure. Qui est ce garçon ? A-t-il vraiment une famille ? Que fait-il donc avec cet homme décidément pas net ?