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Equateur: l’eau des volcans se raréfie, source d’angoisse pour les indiens

21 mars 2019, 13:56

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Equateur: l’eau des volcans se raréfie, source d’angoisse pour les indiens

Lorsque les sources se sont asséchées, les indigènes ont levé les yeux: là-haut, le glacier coiffant la cime du volcan Chimborazo avait reculé et sur les flancs de ce colosse, le plus haut sommet d’Equateur, la situation est devenue dramatique.

La lande humide des montagnes des Andes n’est plus une réserve d’eau sauvage et préservée: ce «paramo» et ses sols spongieux ont été colonisés par l’agriculture.

Se considérant pourtant comme des gardiens de la nature, les paysans indigènes ont causé sans le vouloir de graves dommages à cet écosystème vital, à l’égal des métis installés plus bas, au pied de ce volcan de 6.310 m d’altitude, dans la province de Chimborazo (centre).

La faute à «l'ignorance», déplore le leader indien Gustavo Paca, 49 ans, protégé de la morsure du vent par un vaste poncho de laine rouge et un chapeau noir.

Personne n’imaginait que le glacier pouvait diminuer.

Les scientifiques estiment que l’activité humaine accélère le phénomène naturel de la fonte.

Les neiges éternelles qui coiffent le volcan ne seraient pas tant affectées si l’environnement à ses pieds n’avait pas été aussi altéré.

Les sols du paramo, dont la végétation particulière retient l’eau comme une éponge, ont été dégradés par les cultures et l’élevage.

- «Le Chimborazo a été pelé» -

Comme «dans la partie du bas, rien ne poussait, nous nous sommes dit: avançons vers le haut parce que là, la terre est fertile. Nous produisions beaucoup, beaucoup, mais aujourd’hui, le débit d’eau s’est réduit», affectant les communautés indigènes, a expliqué Gustavo Paca à l’AFP.

En période chaude, la fonte naturelle du glacier imprègne le paramo, puis l’eau descend. Mais d’année en année, l’immense éponge est un peu moins humide.

Les habitants en souffrent. «Ils dépendent de l’eau des glaciers pour leurs cultures, leurs animaux, leur consommation», précise Bolivar Caceres, expert de l’Institut national de météorologie et d’hydrologie (Inamhi).

Depuis un demi-siècle, le Chimborazo a peu à peu perdu son imposante coiffure de glace. Il n’arbore plus aujourd’hui qu’un bibi blanc et, sur ses flancs, un patchwork de parcelles cultivées.

Nostalgique, Maria Chaza se souvient de la neige et du paramo à la végétation si particulière d’astéracées, de hautes herbes et de plantes duveteuses.

«Quelle merveilleuse montagne c’était! Maintenant, il n’y a plus que des champs, du bétail. Le Chimborazo a été pelé. C’est à cause de ça qu’il n’y a pas d’eau (...) que nous souffrons», dénonce cette femme de 70 ans.

- L’eau s’éloigne -

Alors les indigènes s’en vont, pioche en main, chercher de nouvelles sources qu’ils connectent par des tuyaux jusqu’aux villages. Mais ces expéditions doivent grimper chaque fois plus haut dans le paramo, dont l’eau approvisionne environ 15.000 personnes.

Quand les scientifiques ont commencé à enregistrer un recul du glacier du Chimborazo en 1962, sa masse dure représentait 27 km2. Elle n’était plus que de 7,6 km2 en 2016.

Le géant «a perdu 72,4% de sa couverture» neigeuse, précise M. Caceres.

Son tout proche voisin, le volcan Carihuairazo (5.020 m), est dans un état encore plus critique. Depuis 2003, 96% de son glacier a disparu et n’est désormais pas plus grand qu’un stade de football.

Cinq autres sommets d’Equateur sont atteints.

«Les cours d’eau s’assèchent», a confirmé à l’AFP Francisco Hidalgo, président du gouvernement local de San Andrés, qui regroupe 34 hameaux de la province du Chimborazo.

Si autrefois, les indigènes disposaient de sources à environ cinq kilomètres de leurs villages, ils doivent aujourd’hui parcourir jusqu’à 17 km et monter à plus de 4.000 m d’altitude.

- Terres stériles -

Ils espèrent qu’il n’est pas trop tard. Certaines communautés ont régénéré le paramo en y plantant de la végétation native, en substituant aux vaches des lamas et des vigognes, dont les pattes munies de coussinets dégradent moins les sols que les sabots des bovins.

«Nous achetons des paramos pour protéger» cet environnement et que l’eau ne s’assèche pas, ajoute América Güilcapi, leader de Pulingui, autre communauté dont seulement 17 des 105 hectares cultivables sont irrigués.

Leur plan consiste à acquérir environ 200 hectares par groupe de quatre propriétaires. Ainsi Ilapo, un hameau voisin, dispose de 80 ha de nouvelles terres grâce auxquelles l’approvisionnement en eau s’est accru.

Le paramo andin, qui s’étend du Pérou au Venezuela en passant par la Colombie, occupe environ 1,5 million d’hectares en Equateur (6% du territoire).

«Il y a des communautés dévastées, des terres inutiles. C’est pour ça que nous travaillons à améliorer les systèmes d’irrigation», ajoute M. Hidalgo.

Là où il y avait des cultures, il ne reste que des étendues sablonneuses. L’angoisse des indigènes de ne plus trouver d’eau s’accroît à la même allure que la fonte du glacier du Chimborazo.