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Quels scénarios pour la crise au Venezuela?

10 mars 2019, 18:33

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Quels scénarios pour la crise au Venezuela?

L’issue de la lutte pour le pouvoir au Venezuela reste incertaine entre le président en titre Nicolas Maduro et son opposant Juan Guaido, adoubé par une cinquantaine de pays. Mais quel que soit le scénario, l’armée jouera le rôle d’arbitre.

- Le bras de fer se poursuit -

Juan Guaido a acquis une telle renommée que les autorités ne pouvaient plus se risquer à l’arrêter lors de son retour au pays le 4 mars, bien qu’il ait violé une interdiction de sortie du territoire alors qu’une enquête est en cours pour «usurpation».

M. Guaido est rentré après avoir échoué à faire entrer au Venezuela des tonnes d’aides humanitaires offertes principalement par les Etats-Unis et bloquées par les forces armées à la frontière colombienne. M. Maduro y voyait une tentative déguisée d’intervention militaire extérieure.

M. Guaido a aussitôt promis d’intensifier la mobilisation populaire et l’isolement diplomatique du gouvernement Maduro, contre lequel il s’est dit prêt à soutenir la grève des syndicats du secteur public, et il a demandé à l’Union européenne de durcir les sanctions, à l’instar des Etats-Unis.

Cette pression accrue a pour objectif d’amener le haut commandement de l’armée à lâcher Maduro et, à terme, à faire tomber le régime, ouvrant la voie à une transition pacifique et à des élections. «Jusqu’à présent on a observé peu de signaux positifs en ce sens, mais c’est possible», déclare à l’AFP Michael Shifter, président du think tank Inter-American Dialogue, basé à Washington.

Cependant, les sanctions américaines pour asphyxier le régime, dont l’embargo sur le pétrole, aggravent encore les difficultés de la vie quotidienne de la population, et avant de provoquer éventuellement la chute du gouvernement, elles risquent, «tôt ou tard, d’abîmer l’image de Guaido», prévient Luis Vicente Leon, analyste vénézuélien et directeur de l’institut d’enquête Datanalisis.

Pour le politologue Luis Salamanca et d’autres, M. Maduro parie sur le «désamour» de M. Guaido qui pourrait survenir.

- Négociation politico-militaire -

Selon Datanalisis, Nicolas Maduro ne dispose plus que de 14% d’opinions positives, mais peut toujours compter sur la loyauté de l’armée.

Pour cette raison, M. Guaido a offert l’amnistie aux militaires qui lâcheraient M. Maduro, à l’exception des officiers accusés de crimes contre l’humanité. Pour certains experts, la proposition du chef de file de l’opposition est trop vague.

Selon Juan Guaido, 700 militaires et policiers l’ont déjà rejoint ces dernières semaines et ont fait défection en passant les frontières avec le Brésil et la Colombie. Mais aucun officier de haut rang.

Le Venezuela compte environ 365.000 militaires et policiers.

Pour convaincre, il faudrait une négociation octroyant «des garanties spécifiques» aux officiers impliqués dans la corruption et les violations des droits de l’homme.

Dans ces conditions, «la transition prendra plus de temps mais cela accroît la probabilité qu’elle soit non-violente», estime Michael Shifter.

M. Leon explique que pour les militaires qui redoutent d’être mis de côté par un nouveau régime ou d’échouer en lançant une rébellion contre M. Maduro, une rupture «suppose une difficile amnistie, négociée avec soin au cas par cas».

Pour lui, la situation pourrait conduire à «un régime dans lequel les militaires conserveraient leur part de pouvoir, afin de garantir leur propre protection», ajoute-t-il.

Un groupe de pays latino-américains essaye de promouvoir une négociation entre le gouvernement et l’opposition, mais sans succès jusqu’à présent.

- Intervention militaire -

Enfin, un troisième scénario serait que les militaires lâchent M. Maduro et organisent les élections une fois la situation rétablie, même si celui d’un coup d’Etat à l’ancienne ne peut être écarté, affirme M. Shifter.

«Le scénario d’une intervention militaire conduite par les Etats-Unis paraît chaque jour moins probable mais ne peut pas être écarté en fonction de l’évolution de la situation», prévient cet analyste.

Même si M. Guaido lui a demandé d’envisager toutes les options, le Groupe de Lima (13 pays d’Amérique latine et des Caraïbes et le Canada, qui le reconnaissent) a pour le moment rejeté tout recours à la force.

Néanmoins, pour Diego Moya-Ocampos, de l’Institut IHS Markit à Londres, un tel scénario «reste sur la table vu l’ampleur et la durée de la crise humanitaire et le risque que Maduro s’en prenne à Guaido ou au Parlement», seule institution contrôlée par l’opposition.