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Crue soudaine du 17 février: Arantia Éléonore perd ses effets et «outils» de travail

10 mars 2019, 15:48

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Crue soudaine du 17 février: Arantia Éléonore perd ses effets et «outils» de travail

«J’ai le sentiment de faire du surplace car à chaque fois que j’ai une ouverture pour améliorer notre situation de vie, celle-ci n’aboutit pas. Mais je dois tout de même continuer à lutter pour trouver une alternative», lâche d’une voix très douce Arantia Éléonore. Son timbre de voix est si délicat qu’on n’est pas surpris d’apprendre que depuis quatre ans, cette jeune femme de 23 ans chante dans le circuit hôtelier, après avoir fait partie d’une chorale d’église. Des engagements que lui procurent des responsables d’orchestres et pour lesquels elle ne perçoit pas de sommes fixes. «Parfois, c’est Rs 800 par soirée. À d’autres moments, c’est Rs 1000», précise-t-elle.

Entre la somme d’environ Rs 7 000 qu’elle ramène mensuellement à la maison et le salaire de sa mère, qui exerce comme receveuse d’autobus, les deux femmes arrivent à survivre et à louer une maison à Rs 5 000 à Terre-Rouge, juste à l’arrière de la station essence Indian Oil. Et aussi à scolariser Tyrah, fruit d’un amour feu de paille, qui ne lui a pas permis de compléter ses études secondaires au collège O C E P . «J’ai étudié jusqu’en première année de Form VI et après ça, mon ventre était trop gros pour continuer l’école. J’avais prévu de reprendre les études. Mais avec la petite,c’était difficile», avoue-t-elle.

«Ce n’est pas avec ce que je gagne que je pourrai épargner et racheter tout ce qui a été mouillé et encore moins mon clavier, mes hautparleurs et mon ukulélé.»

Cependant, malgré toutes les difficultés associées à l’état d’une mère célibataire, Arantia Éléonore s’est accrochée. Et après son accouchement, celle qui tenait à intégrer une équipe d’animation a fréquenté l’École hôtelière pour obtenir son diplôme en Leisure and Entertainment et parvenir à intégrer le circuit hôtelier. Chose qu’elle a réussie.

Pour pouvoir mieux répéter et s’accompagner au chant, elle a suivi pendant un an un cours de piano au conservatoire François Mitterrand qu’elle a toutefois dû abandonner car il n’y avait personne pour garder Tyrah. Arantia Éléonore – qui a participé l’an dernier au concours Vibe, organisé par la Mauritius Commercial Bank, et est arrivée en finale, même si elle ne l’a pas remportée – s’est alors acheté à tempérament des haut-parleurs et un synthétiseur. Instrument qui est venu rejoindre ses deux Ukulélés qu’elle manie bien aussi. Elle croyait souffler à la fin de l’année dernière lorsqu’elle a terminé le remboursement du clavier et des haut-parleurs, soit environ Rs 7 000, de même que celui des Rs 2 000 qu’elle a déboursées pour la guitare acoustique qu’elle a offert à son frère. Arantia Éléonore voulait organiser une fête pour marquer les cinq ans de Tyrah, le 12 février. Comme cet anniversaire tombait un jour de semaine, elle s’est dit qu’il serait mieux de le fêter un dimanche, soit le 17 février. Au jour dit, sa mère et elle ont commencé à décorer la maison qui est attenante à la station essence et dont le mur de délimitation a été érigé sur le canal qui recueillait autrefois l’eau de pluie venant de la montagne d’en face.

S’il avait un peu plu dans la matinée de ce dimanche fatidique, le temps s’était quelque peu refait, mais pas pour longtemps. Les averses ont repris de façon continue et se sont même intensifiées. Et à un moment, elle et sa mère ont vu un torrent d’eau commencer à envahir leur cours et à s’insinuer dans leur maison. «Dans le passé, il y avait eu de grosses pluies et à chaque fois, les voisins allaient fouiller des trous pour que les eaux ne s’accumulent pas et trouvent leur passage jusqu’à la rivière qui coule à deux pas de là. C’est ce qu’ils ont fait aussi ce matin-là, mais le niveau de l’eau continuait à monter.» À tel point qu’Arantia Éléonore a dû envoyer Tyrah chez sa propriétaire, qui vit à l’étage.

«La cour était inondée d’une eau boueuse qui continuait à se déverser dans la maison. Elle a fini par m’arriver au buste», relate-t-elle, en précisant que les meubles de salon, de la salle à manger, des chambres, leurs vêtements dans les armoires, les provisions dans la cuisine, tout a été trempé et abîmé. Son clavier et ses hauts parleurs ont sauté, alors que la guitare acoustique de son frère, qui est en bois, a pris l’eau et s’est gondolée. Son appareil photo qui devait lui servir à immortaliser l’anniversaire de Tyrah est fichu. Son plus petit ukulélé qu’elle emmenait parfois lors de ses tours de chant à l’hôtel ne lui est plus d’aucune utilité.

«Le DVD de ma mère a sauté. Le seul appareil électroménager qui fonctionne encore mais qui fait un bruit bizarre est la machine à laver. Mais ce qui m’attriste le plus, c’est que tous nos documents importants, et surtout toutes les photos souvenirs de notre enfance et de notre adolescence ont été bousillés. Ce n’est pas avec ce que je gagne que je pourrai épargner et racheter tout ce qui a été mouillé et encore moins mon clavier, mes haut-parleurs et mon ukulélé.»

Son téléphone portable, sa tablette et son gros ukulélé sont les seules affaires qu’elle a pu sauver. La maison habitée par les Éléonore n’est pas la seule à avoir été ainsi inondée. «J’ai essayé de sonder les voisins lésés pour voir s’ils étaient disposés à faire une pétition pour demander au conseil de district d’aménager un drain dans l’allée de passage, mais tout le monde n’est pas solidaire», explique Arantia Éléonore.

Elle se dit qu’il faut qu’elle déménage pour ne pas revivre cela. Mais elle ne veut plus être locataire. Elle a donc approché la National Housing Development Company (NHDC) pour se renseigner sur les conditions d’éligibilité d’une maison. Comme elle n’a pas de fiche de paie, le préposé lui a conseillé de trouver un emploi fixe qui s’accompagnerait d’une fiche de paie. «Si je trouve un emploi fixe, je ne gagnerai pas plus que ce que je perçois du circuit hôtelier et je ne pourrais prétendre à une maison comme en construit la NHDC en ce moment», dit-elle en soupirant.

Elle ne comprend pas comment certains habitants de Terre-Rouge dont les maisons ont été inondées le même jour ont reçu des matelas, des vivres et une aide financière de l’État alors qu’elle et sa mère n’ont strictement rien eu. «J’ai l’impression d’être emprisonnée dans un cercle vicieux», lance-t-elle de guerre lasse.

Découragée, elle se demande quelle main secourable elle trouvera sur sa route et qui lui fera entrevoir une lumière pour elle et les siens au bout du tunnel…