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Rezina Ahmed:« S’il y a violation des droits humains, nous ne l’accepterons pas »

1 février 2019, 18:09

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Rezina Ahmed:« S’il y a violation des droits humains, nous ne l’accepterons pas »

Frappés pour la réclamation d’un salaire impayé, par la grippe et de mauvaises conditions de vie, les malheurs des Bangladais ne cessent de s’accumuler. Pourquoi ? Quel encadrement existe pour ces situations ? Le point avec Rezina Ahmed, High Commissioner du Bangladesh à Maurice.

Comment réagissez-vous à ce qui arrive actuellement de vos compatriotes?
Bien sûr, pour n’importe quel humain, n’importe quel travailleur du Bangladesh ou tout autre pays qui est frappé en réclamant son salaire, nous n’apprécions pas cela. Définitivement, cela nous choque. Nous avons appris qu’au sein de certaines compagnies, des ouvriers n’ont pas reçu de bonus, dans d’autres cas, certains ont été privés de salaire entre autres…

Que fait la Haute Commission dans ce cas ?
Nous disposons d’une unité diplomatique et d’une dédiée à l’emploi. Lorsque des complaintes des travailleurs bangladais surviennent, des officiers du Labour Unit effectuent des visites sur place et après leurs rapports, nous tâchons de résoudre les problèmes avec l’entreprise. Parfois, le ministère du Travail à Maurice intervient. Dans le cas de l’Akhilesh International Ltd, les travailleurs seront transférés aux usines Tropic Knits et World Knits car ils ne sont pas bien traités par l’employeur actuel et ne veulent plus y rester.

Combien d’ouvriers sont actuellement à Maurice et dans quels secteurs ?
Officiellement, 23,600 Bangladais travaillent à Maurice, majoritairement dans le textile, la construction et la boulangerie. Des recrutements dans l’agriculture se développent également avec l’ouverture du secteur. Après la Chine, le Bangladesh est le plus grand exportateur de textile. Avec cette spécificité, nos Bangladais sont dotés de cette expérience, ce qui les motive à venir ici. Idem pour la construction. Ils sont sincères et motivés à travailler dur.

Comment se fait leur recrutement ?
Suivant une demande de recrutement, l’agent et le responsable de l’entreprise en quête de main d’œuvre se rendent au Bangladesh pour la sélection. Sur place, il faut soumettre tous les documents nécessaires au Ministry of Expatriates and Welfare. Généralement, les compagnies mauriciennes recrutent des ouvriers âgés entre 22 et 45 ans. Ils doivent passer un examen pour assurer de leur bon état de santé. Ensuite, ils sont formés sur la culture et l’adaptation de Maurice, par exemple pour savoir où se rendre en cas de problème…

« Si on ne vous paie pas votre salaire, c’est de l’exploitation ». 

Et s’ils tombent malades ?
Ils vont à l’hôpital pour des soins gratuits comme pour tout citoyen mauricien. C’est pour cela que dans leur contrat, il n’y a pas de bénéfices médicaux. Ils ont aussi droit aux congés maladies…

Vous savez bien que la réalité est toute autre, surtout pour les conditions de vie. Votre institution ne s’assure-t-elle pas la conformité de leurs conditions de travail ?
Croyez-moi, nous avons à cœur ces conditions de vie. Avant et juste après leur arrivée, nous n’effectuons pas de contrôle. Mais nous gardons les yeux ouverts et faisons un monitorage. Par exemple, pour l’usine où ils ont contracté la grippe, une visite est prévue la semaine prochaine. Nous parlons souvent aux Team leaders bangladais pour détecter toute anomalie.

Face aux nombreux mauvais traitements qui s’accumulent, leurs droits humains sont bafoués…
Franchement, nous ne recevons pas de complaintes des Bangladais postés dans des grosses compagnies. J’ai rencontré plusieurs travailleurs et ils y sont heureux. Les aménagements pour la cuisine entre autres facilités sont effectifs. Par contre, au terme de leur contrat, certains fuient et travaillent ailleurs. Définitivement, nous décourageons cette pratique illégale. Il faut se conformer à la loi. En revanche, les mauvais traitements surviennent au sein de quelques entreprises. Mais je ne minimise pas l’impact. Bien sûr, s’il y a violation des droits humains, nous ne l’accepterons pas. Nous devons considérer ce cri humain. Mais la plupart des employeurs mauriciens les traitent bien. D’ailleurs, on ne peut imaginer une économie sans les travailleurs migrants. Le Bangladesh a ses ressources pour Maurice. C’est un bénéfice mutuel.

Ces « quelques employeurs » que vous citez ne sont-ils pas clairement en train de les exploiter ?
Effectivement, cela se produit dans quelques cas. Si on ne vous paie pas votre salaire depuis deux mois, bien sûr, c’est de l’exploitation. Définitivement, nous n’apprécions pas ça. Encore une fois, c’est une poignée d’entreprises qui le fait.

Les agents recruteurs sont largement critiqués pour vendre du rêve à ces travailleurs pour finalement les exploiter. Comment y mettre bon ordre ?  
Je suis en poste depuis sept mois et ai rencontré plusieurs personnes. C’est un gros marché. Mais sur dix agents, deux peuvent être véreux. C’est faible. Bien sûr, cela attire l’attention des médias et de l’opinion. Nous élaborons actuellement un Memorandum of Understanding (MOU) entre le ministère du Travail à Maurice et celui des Expatriates and Welfare au Bangladesh. Le but est de réorganiser le processus de recrutement. Nous venons d’envoyer notre ébauche finale du projet.