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Mort de Michel Legrand, compositeur français aux trois Oscars

26 janvier 2019, 22:25

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Mort de Michel Legrand, compositeur français aux trois Oscars

«Compositeur de génie», «géant de la musique»: Michel Legrand, trois fois oscarisé et célèbre créateur des thèmes des films «Les Parapluies de Cherbourg» et «Les Demoiselles de Rochefort», est décédé dans la nuit à Paris à l’âge de 86 ans.

Celui dont la carrière de plus de 50 ans lui a valu une renommée internationale «s’est éteint chez lui à 03H00 du matin aux côtés de son épouse la comédienne Macha Méril», a indiqué son attaché de presse à l’AFP.

Musicien touche-à-tout, il a travaillé avec les plus grands de Ray Charles à Orson Welles, en passant par Jean Cocteau, Frank Sinatra, Charles Trenet et Édith Piaf.

En plus de trois Oscars, il empoché cinq Grammys et composé pour des orchestres, pour le jazz ou encore le cinéma grâce à un énergie intarissable.

 «Inépuisable talent»

«Je pouvais passer trois nuits d’affilée à écrire, sans aucune difficulté», disait-il dans son autobiographie en 2013.

À l’instar d’Aaron Copland ou de Philip Glass, il a été l’élève de Nadia Boulanger, la légendaire pianiste française et l’une des plus grands professeurs de composition du 20e siècle. Au Conservatoire, «Nadia inculquait vraiment le sens de l’effort (...) j’ai (d’elle) l’importance de l’adrénaline», se souvient-il.

Le réalisateur Claude Lelouch, qui avait collaboré avec le musicien sur plusieurs longs-métrages («Les Misérables», «Les Uns et les autres»), a indiqué au quotidien Le Parisien qu’il préparait avec lui le projet d'«un film sans paroles».

Le ministre de la Culture Franck Riester a salué un «compositeur de génie» à l'«inépuisable talent», tandis que pour Mireille Mathieu, qui a régulièrement interprété ses mélodies, «ses envolées musicales, ses compositions et ses arrangements si caractéristiques ont enchanté le monde entier».

D’abord accompagnateur et arrangeur pour des chanteurs, Michel Legrand avait commencé à composer des musiques de films dans les années 60 avec l’émergence de la Nouvelle vague, travaillant pour Agnès Varda («Cléo de 5 à 7»), Jean-Luc Godard («Une Femme est une femme»), et surtout Jacques Demy.

Touchée «en plein coeur», Agnès Varda a salué «l’aventure artistique unique» partagée entre le compositeur et son mari Jacques Demy, pour qui il a composé la musique inoubliable des «Parapluies de Cherbourg» et des «Demoiselles de Rochefort».

Avec ces «plus belles partitions du cinéma français», c’est «la comédie musicale à la française qui est née», a rappelé Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma (CNC).

On lui doit aussi celle de «Peau d’âne», également chef-d’œuvre de Demy et vient d’être adapté comme comédie musicale à Paris au théâtre Marigny, qui pleure «un géant de la musique».

Michel Legrand s’était remis à sa table de travail afin de créer des musiques supplémentaires pour cette version scénique à l’affiche depuis novembre et jusqu’à la mi-février. Lors de la première représentation, le compositeur avait reçu une émouvante ovation de plus de 20 minutes.

La station de radio RTL a rendu hommage à l’antenne à celui qui a composé son fameux jingle horaire.

«Être multiforme»

Michel Legrand devait donner deux concerts au Grand Rex, à Paris, en avril, avec quelques «amis» dont l’accordéoniste Richard Galliano, la soprano Natalie Dessay et le compositeur Michel Portal.

«Pour moi, il est immortel, de par sa musique et sa personnalité», a réagi auprès de l’AFP le compositeur et chef d’orchestre français Vladimir Cosma.

En pleine gloire, Michel Legrand s’était installé aux États-Unis en 1966, une décision qualifiée de «partie de roulette russe».

Confronté au «système hollywoodien», il se souvient: «On me demande: +avec quel orchestrateur voulez-vous travailler?+ Quand je réponds que j’orchestre moi-même, on me regarde comme si je débarquais d’une autre galaxie».

C’est Henry Mancini, grand compositeur pour le cinéma, qui lui ouvre les portes d’Hollywood et lui donne l’opportunité d’écrire la musique de «L’affaire Thomas Crown».

Un pari gagnant: Michel Legrand obtient son premier Oscar en 1969 pour la chanson «Les moulins de mon cœur», tirée de ce film. Il en aura deux autres pour «Un été 42» (1972) et «Yentl» (1984).

«Comme certains dieux hindous, Michel est un être multiforme. On a l’impression qu’aucune discipline musicale ne lui résiste», écrivait le compositeur Stéphane Lerouge en avant-propos de l’autobiographie de Legrand.

«Le jour où l’on fera le point sur son apport à la musique, ajoutait-il, on découvrira un créateur que la France a peut-être sous-estimé.»