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Tottenham – Manchester United: un match ou une audition ?

13 janvier 2019, 20:12

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Tottenham – Manchester United: un match ou une audition ?

S’agit-il d’un match, ou d’une audition ? Présentant ce match, l’édition de samedi du journal britannique The Guardian parlait d’un soap opera qui n’était pas prêt de finir. Tottenham contre Manchester United, certes. Mais aussi, quoi que ce raccourci soit réducteur, Mauricio Pochettino contre Ole-Gunnar Solskjaer, une course à deux pour savoir qui, au générique de fin, deviendra le manager de Manchester United. Le Norvégien, on le sait, n’est là qu’à titre intérimaire. A lui de faire si bien que cet intérim se prolonge audelà de mai prochain, ce qui passe sans doute par une place dans le Top 4 ou un exploit en Ligue des Champions (comme Louis van Gaal pourrait en témoigner, une victoire en FA Cup ne suffirait pas). Cette bizarre équipe de MU, si déséquilibrée en apparence, en est tout à fait capable avec un gros coup de pouce de la chance. Solskjaer pourrait-il être un porte-bonheur assis sur le banc ?

Mais ce qu’on sait aussi, malgré les dénis plutôt timides des uns et des autres, est que Manchester United cherche autre chose qu’un supersub - un authentique titulaire. Et de même que Solskjaer, buteur d’un match de légende, ne prit pas pour autant la place d’Andy Cole et de Dwight Yorke dans la hiérarchie de Sir Alex, c’est toujours Mauricio Pochettino qui tient la corde pour hériter du trône quitté par José Mourinho, quand bien même son président actuel Daniel Lévy n’ait aucune intention de lâcher comme cela un entraîneur dont le contrat court jusqu’en 2023. MU entend entamer un nouveau règne, pas une autre régence.

Ce choix serait logique, quand bien même le palmarès du manager argentin soit toujours vierge, dix ans après avoir entamé sa carrière avec Espanyol en Liga, alors que celui du Norvégien est riche de deux titres de champion et d’une coupe nationale, tous acquis dans son pays natal. La différence ? Partout où Pochettino est passé, il a transformé son environnement. Il sauva l’Espanyol de la relégation, et lui offrit sa première victoire en vingt-sept ans sur le géant du Camp Nou dans le derby barcelonais. Southampton, dès sa première saison à St Marys, finit 8ème et obtint son meilleur total de points depuis la création de la PL en 1992-93. Sous sa conduite, le Top 4 est devenu l’habitat naturel de Tottenham. Et tout cela, il l’a accompli en faisant ‘jouer’ ses équipes, en promouvant les jeunes du club, et sans aller quémander auprès de son board. Il y a des managers pour qui le carnet de chèques de leurs dirigeants est une arme indispensable dans l’exercice de leur métier. Pas ‘Poch’. ‘Ole’, par contre, oui.

Cela peut surprendre, quand on connaît le travail qu’il accomplit avec la réserve des Red Devils, sacrée championne de sa ligue en 2008-09, avant qu’il se lance dans le management pour de bon avec Molde, en Norvège. Molde, me dit récemment un ami norvégien, écrase le football de son pays un peu à la manière du PSG d’après la reprise par le Qatar, à tout le moins financièrement, suite aux investissements plus que substantiels de deux hommes d’affaire locaux. L’un de ceux-ci est le milliardaire Kjell Inge Røkke, qui aurait dépensé plus de 50m$ pour soutenir son club - une fortune au regard du contexte économique de la Tippeligaen. C’est sur cette manne financière, au moins autant que sur le talent d’entraîneur de Solskjaer, que Molde bâtit son succès au 21e siècle.

On dira que compter sur la générosité d’un board bienveillant n’est pas forcément un handicap quand c’est du club le plus riche du monde qu’il est question. Mais United entend adopter une stratégie sur le long terme, et, donc, choisir l’homme qui convient le mieux pour cette tâche. Son portraitrobot correspond bien davantage à celui qui a transformé les Spurs qu’à celui avec lequel Cardiff a replongé en Championship. Que sait-on vraiment de Solskjaer, le technicien ? Cinq victoires en cinq matchs, oui. Mais contre qui ?

 Et pourtant. Imaginez un instant que United l’emporte à Wembley, et s’impose sur la pelouse des Spurs pour la première fois depuis 2012. L’écart entre les deux clubs ne serait plus que de sept points au classement du championnat, avec encore seize matchs à disputer. Solskjaer tiendrait sa première vraie victime. Imaginez l’inverse, maintenant, un succès de Tottenham, qui part d’ailleurs logiquement favori (de peu, cependant) pour les bookmakers. Le soap opera serait reparti pour X épisodes. Une chose est sûre. On en saura plus dans quelques heures sur l’identité du rôle principal.

La Chronique de Philippe Auclair- Spécialiste du football anglais à France Football et sur RMC