Publicité

Gardiens de sécurité: agents tous risques

13 janvier 2019, 17:15

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Gardiens de sécurité: agents tous risques

Récemment, Issah Ramjan et Louis Sylvio Berthelot, deux vigiles âgés respectivement de 86 et 72 ans, ont été victimes d’agressions mortelles. Pourquoi ces gardiens sont-ils des proies faciles pour les malfrats? Quelles sont les conditions? Et les critères de recrutement? Explications.

«Dan sa travay-la, ou trouvé ki éna dimounn mové. Voler rod gagn kas fasil, zot pou rant kot éna bann obzé dé valer a 3-4 pou kokin», confie France Antonio Petit, vigile qui aura bientôt 60 ans. Exerçant ce métier depuis plus de 30 ans, il a d’abord travaillé dans une imprimerie. Puis, il est devenu agent de sécurité au sein d’une compagnie privée puis au sein d’une usine. «Pa ti fasil. Mo ti pé fer trwa shifts. Ena fwa mo ti pé rant la zourné, apré 16h ziska minwi ek minwi ziska 8h landimé», explique-t-il. Par la suite, il a été recruté par Caudan Security où il dispose d’une meilleure sécurité d’emploi et a acquis de meilleures connaissances.

France Antonio Petit y travaille depuis 22 ans. S’il n’a pas été victime d’agression, par contre, il a pu éviter des échauffourées de justesse. «Ena dimounn san konpran sirtou kan parking ranpli. Dimounn-la insilté ou ek rode roul loto lor ou. Lor sertin site dé valer, ena dimoun tir zarm, kouto ou bien bar feray pou vinn agress ou.» Selon lui, plus les gardiens sont âgés, plus ils peuvent être en danger, surtout s’ils sont seuls.

Ces risques du métier, Patrick les a aussi bravés. Âgé de 53 ans, il a assuré la sécurité d’un lieu de culte. «Il n’y avait pas de portail. Il faisait si sombre. Je travaillais de 18 heures jusqu’au lendemain. À plusieurs reprises, les intrus essayaient d’entrer pour voler et m’attaquer. Il n’y avait pas de téléphone et aucun recours. Ma seule défense était de me cacher.»

Le pire ? Les horaires. Patrick rentrait au travail le samedi à midi et en ressortait le lundi à 7 heures. «Je n’avais rien à manger. Ma famille devait sortir de Chebel et marcher jusqu’à mon lieu de travail pour m’apporter quelque chose. Et c’était dangereux pour mes proches à l’aller comme au retour.» Après 9 ans, il quitte cet emploi et devient planton dans un établissement scolaire où il sera bientôt nommé à la sécurité.

Selon lui, plus l’âge avance, plus le vigile devient vulnérable aux attaques et intrusions. «Parfois, ce n’est pas l’argent qui les motive, mais ces personnes à la retraite vivent chez un proche. Elles doivent contribuer aux dépenses et doivent trouver du travail. Comme à leur âge, il n’y a guère de postes, ces gens tombent dans un cercle vicieux», déclare Patrick. Dans certains cas, ces retraités continuent à travailler même s’ils sont exploités. Avec des jeunes, ajoute-t-il, la loi du travail s’applique. Mais dans le cas des aînés, bien souvent, ces derniers n’ont aucune connaissance de leurs droits et se plient aux exigences de leurs employeurs sans broncher, poursuit-il.

Atma Shanto, syndicaliste, abonde dans ce sens. «Des gardiens âgés touchent des salaires de misère dans plusieurs cas et travaillent bien au-delà des heures avec des services de nuit. Parallèlement, ils doivent attendre l’arrivée de leur relève pour rentrer. Et si ce n’est pas le cas, ils sont obligés de rester en poste. J’ai eu plusieurs cas où ils ne perçoivent même pas un boni de fin d’année.»

Cette vulnérabilité est confirmée par Mukan Mardaymootoo, directeur de Mauriguard Ltd. «Ce n’est pas facile pour les vigiles âgés d’intervenir. Et plus ils sont vieux, plus c’est risqué. De plus, certaines compagnies ne les paient pas comme il faut.»

Néanmoins, il faut être réaliste. L’agent de sécurité n’est pas un gros bras, déclare Vilas Soopramanien, Chief Executive Officer de Caudan Security. «Dans le monde actuel, sa présence est davantage dissuasive, le gardien est attentif aux risques. N’oublions pas que sa seule arme est une matraque. Il n’est pas là pour tabasser quiconque. On aurait bien voulu pouvoir ne recruter que des Supermen capables de faire régner l’ordre et la sécurité rien qu’en apparaissant devant une personne malintentionnée…» En effet, à Maurice, on ne leur autorise pas à porter une arme à feu.

En dépit des risques du métier, plusieurs «tontons» font toujours de la résistance et accomplissent leur tâche au-delà de la retraite. Leur seule option pour joindre les deux bouts, confie Atma Shanto. D’autres arrivés à bout, comptent enfin se reposer. «J’ai bien travaillé dans ma vie. Mes enfants sont grands désormais. Après 60 ans, je n’exercerai plus», conclut France Antonio Petit.

Un certificat en cache un autre

Hormis le fameux certificat de caractère (connu avant comme certificat de moralité), une autre attestation est exigée pour pouvoir exercer comme agent de sécurité. Selon l’inspecteur Shiva Coothen, responsable du Police Press Office, une application doit être faite pour l’obtention d’un Certificate of Registration en conformité avec la Private Security Service Act de 2004. «Toute personne souhaitant occuper la fonction de vigile doit d’abord obtenir l’approbation du Commissaire de police», précise-t-il. Pour en faire la demande, il faut être âgé de 18 ans et plus, être «medically fit», disposer de la formation adéquate et bien sûr ne pas avoir d’antécédents criminels. Une fiche à cet effet doit être remplie et annexée aux documents d’identité, un certificat médical et celui de caractère. La décision sur la demande est validée après une enquête sur le demandeur. Tout certificat d’enregistrement est valide pour trois ans. Il peut ensuite être renouvelé 21 jours avant l’expiration.

Les critères de recrutement

Sur quelle base recrute-t-on les vigiles ? Vilas Soopramanien souligne que l’entreprise ne recrute pas au-delà de 60 ans. Les postes sont conservés jusqu’à la retraite. Pour tout vigile, un examen médical est exigé. Cet exercice doit être répété chaque année, indépendamment de l’âge. Mais dû au manque d’intérêt des jeunes pour ce métier, notre interlocuteur indique l’obligation de puiser dans une tranche d’âge plus élevée (de 45 à 50 ans) que dans le passé. «Généralement, ce sont des personnes expérimentées dans ce domaine ou des policiers à la retraite», explique-t-il. Quant aux spécifications liées à taille, elles sont similaires à celles exigées pour le recrutement de la force policière, soulignent nos interlocuteurs. Par exemple, pour les hommes, il faut mesurer 1m70. En termes de morphologie, il ne faut ni être trop chétif ni trop corpulent afin de pouvoir courir et intervenir si besoin est, souligne le responsable de Mauriguard Ltd. À cela s’ajoutent le certificat de caractère et un parcours scolaire où le gardien doit savoir lire et écrire.