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Éclairage: la plus-value, une manne à double tranchant

11 janvier 2019, 22:01

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Éclairage: la plus-value, une manne à double tranchant

L’évitement, de façon parfaitement légale, de l’application de la taxe sur les gains réalisés dans le cadre de la vente de MedPoint marque l’histoire de la fiscalité à Maurice. De même que la fin du droit de Maurice de la jouissance exclusive de l’application de cette taxe sur la plus-value.

La Capital Gains Tax (plus-value) revient sur le tapis. Cette catégorie de taxes imposable sur les bénéfices nets réalisés dans le cadre de la vente tant d’un bien immobilier que d’un bien mobilier (des titres de valeurs) laissera une empreinte indélébile dans la mémoire des Mauriciens en 2019. Pour deux raisons.

La première est que 10 ans après un bref recours aux avantages qu’elle recèle en tant que source de revenu pour l’État, la plus-value refait surface dans l’affaire de vente des infrastructures de la clinique MedPoint par la famille Jugnauth, ses propriétaires, au ministère de la Santé. La deuxième tient au fait que 2019 marque la fin de la période où Maurice pouvait jouir de l’exclusivité de l’application de la taxe sur la plus-value, après la révision de l’accord de non-double imposition avec l’Inde. En fait, la décision de ne pas prélever la Capital Gains Tax a fait le bonheur et le malheur de Maurice dans le cadre de cet accord. Retour en arrière, sur l’affaire MedPoint d’abord.

Le 1er janvier 2011, tout gain découlant de la vente d’un bien immobilier est sujet à 15 % d’impôt comme c’est le cas pour toute autre forme de revenu encaissé au cours d’un exercice financier spécifique. Le recours à cette taxe a été rendue possible après que l’Income Tax Act a été amendée dans le sillage de l’édition 2010 de la Finance Act qui donne force de loi aux mesures arrêtées dans le Budget présenté en 2010. Cette taxe n’est pas définie comme une plus-value dans cette législation. Pour la simple raison que la plus-value n’est pas un gain taxable à Maurice.

Opinion publique

Les bénéficiaires de la vente de la clinique MedPoint n’ont pas payé cet impôt même si la vente du bâtiment a eu lieu au tout début de janvier 2011. «Selon l’article 38 de la Registration Duty Act, l’acheteur ne peut s’arroger aucun droit sur sa nouvelle propriété avant l’enregistrement de l’acte de vente. Ce qui me fait dire que la vente de MedPoint prend effet à partir du 4 janvier et tombe donc sous le nouveau régime fiscal», devait expliquer le député Reza Uteem à l’époque.

Qu’à cela ne tienne. Pour ne pas tomber sous le coup de cette nouvelle mesure, il suffisait de démontrer que les documents relatifs à cette transaction ont bel et bien été déposés au bureau du Registrar avant le 31 décembre. Une démarche tout à fait légale et transparente. Mais son évocation à quelques jours seulement du début de l’examen par le Conseil privé du recours du Directeur des poursuites publiques (DPP) du jugement de la Cour suprême dans cette affaire tombe à un bien mauvais moment.

Si cette affaire n’a aucune implication légale voire éthique, la perception quant à la décision des propriétaires de MedPoint d’y avoir recours peut faire beaucoup de dégâts dans l’opinion publique. L’évitement du paiement de la plus-value peut certes constituer un attrait mais peut aussi causer des sueurs froides.

Pas seulement dans l’affaire qui oppose le DPP aux propriétaires de MedPoint d’ailleurs mais sur un plan plus général à l’échelon de l’économie générale. Le non-prélèvement des taxes sur les bénéfices découlant de la vente d’un bien immobilier ou mobilier a fait le bonheur et le malheur de Maurice dans le contexte de l’accord de non-double imposition entre l’Inde et Maurice.

Cette posture a été une véritable manne pour l’économie mauricienne depuis le début des années 80. «Pour chaque dollar destiné à la mise en place d’un projet d’investissement à destination de l’Inde», explique Assad Abdullatiff, président de l’Association of Trusts and Management Companies, «60 cents concernent des investissements effectués à partir de Maurice même.»

Décollage du secteur

Les retombées de l’accord de non-double imposition avec l’Inde ont constitué le véritable moteur du décollage et de la progression du secteur mauricien des services financiers. Des chiffres publiés dans le onzième bulletin annuel de la Financial Services Commission, l’organisme régulateur du secteur des services financiers, en témoignent l’implication à Maurice. (Voir hors texte).

La jouissance exclusive par Maurice d’une telle manne n’a que trop duré. L’Inde ne pouvait plus assister, même si c’est une pratique qui est parfaitement conforme aux dispositions de l’accord de non-double imposition, à l’érosion d’une manne qui lui file entre les doigts. Des signes d’un désir de changer la donne ont pris diverses formes dont une allégation par certaines opinions qui n’ont pas hésité à coller l’étiquette de paradis fiscal à Maurice.

Toute bonne chose ayant une fin, Maurice vit les dernières heures de ce temps de vaches grasses qu’elle a connu dans le cadre de l’accord de non-double imposition. L’année 2019 marque la fin de la période où Maurice pouvait jouir de l’exclusivité de l’application de la taxe sur la plus-value. Ce droit revient à l’Inde pour toute société qui s’y investira même si celle-ci décide, pour une raison ou une autre, de s’installer à Maurice.

Assad Abdullatiff est inquiet. «Qu’est-ce qui pourrait inciter de nouvelles structures de s’implanter à Maurice au lieu d’aller directement en Inde ?» Certaines grosses pointures ont déjà fait leurs valises. Ce changement laissera des traces. Rien ne sera plus comme avant dans le secteur mauricien des services financiers. Le temps de la manne des plus-values est bel et bien fini.

Pour Assad Abdullatif, l’île Maurice doit faire preuve d’innovation et de créativité. Il pense qu’il y a des opportunités de positionner Maurice comme une destination des affaires sur le marché de la dette.