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Agressions: vigiles âgés, le danger guette

29 décembre 2018, 19:45

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Agressions: vigiles âgés, le danger guette

Issah Ramjan avait 86 ans, Louis Sylvio Berthelot 72 ans. Ils étaient tous deux agents de sécurité. Le premier, un habitant du Hochet, Terre-Rouge, est décédé mardi sur son lieu de travail à Riche-Terre ; il a été tué sur fond de vol et un jeune homme est passé aux aveux. Le second, domicilié à Chebel, Beau- Bassin, est mort jeudi à l’hôpital Victoria après avoir été retrouvé blessé le 13 décembre sur son lieu de travail à Ébène, la police privilégiant la thèse d’une agression mortelle. Ces deux décès viennent mettre au jour les risques auxquels font face les vigiles, en particulier lorsqu’ils sont âgés.

«Les agents de sécurité âgés sont employés pour assurer la sécurité des bâtiments, mais qui est là pour assurer leur sécurité ? Personne», dénonce Atma Shanto, travailleur social. Il fait ressortir qu’ils ne sont pas armés pour combattre les voleurs. D’ailleurs, souligne-t-il, «ce n’est pas la première fois qu’un drame survient à ce niveau et il faut que cela interpelle les autorités concernées».

Tout en précisant que la législation n’empêche pas un retraité de travailler au-delà de 65 ans, Atma Shanto avance que les gardiens «ne reçoivent souvent pas un salaire minimum ou travaillent au-delà de 12 heures, voire 36 à 48 heures». Il indique que ces horaires ne sont pas adaptés aux seniors car leurs capacités physiques font fréquemment défaut.

Comment recrute-t-on au sein d’une société de gardiennage ? Le responsable d’une société de gardiennage énumère les critères à respecter. «Nous devons prendre en considération l’âge du candidat, son parcours scolaire. Nous devons regarder s’il possède un certificat de moralité et s’il est fit for duty.» Il fait remarquer qu’il faut avoir l’aval de la police avant d’employer quelqu’un comme vigile.

Un retraité, ayant exercé comme agent de sécurité pendant plusieurs années, nous explique que son travail consistait à effectuer des rondes dans l’établissement où il était autrefois employé. «Et aussi à saluer les arrivants, à ouvrir et fermer les portes ou sinon durant notre temps libre, nous pouvions même faire une petite sieste», raconte-t-il, tout en concédant : «C’est vrai qu’à cet âge, nous ne pouvons faire grand-chose.»

Notre interlocuteur prévient : «Mais il y a bien des dangers, comme des voleurs ou des trouble-fête. » Il a quitté son travail après qu’un collègue a été victime d’agression sur son lieu de travail et il avoue ne pas regretter sa décision.

En revanche, Issah Ramjan et Louis Sylvio Berthelot, eux, tenaient à leur métier. Ils refusaient d’écouter leurs proches respectifs qui leur demandaient de cesser de travailler. «En octobre, il avait eu quelques problèmes de santé, témoigne le fils, quadragénaire, de Louis Sylvio Berthelot. «Nous lui avions dit qu’il allait devoir arrêter de travailler. Mais il était très actif et ne voulait pas rester à la maison. À chaque fois, il disait “le mois prochain”. Malheureusement, son travail lui a coûté la vie.»

Quant à Issah Ramjan, il a d’abord travaillé pour sa firme comme planton et laboureur et, après sa retraite, la direction lui a demandé de rester comme agent de sécurité. Il y a travaillé pendant plus de cinq décennies. «C’était difficile pour lui de quitter cette compagnie. J’y ai aussi travaillé jusqu’à ma retraite. Mais lorsqu’on demandait à Issah de ne plus s’y rendre, il refusait. Il répondait qu’il tomberait malade s’il restait à la maison», confie Ansoo Ramjan, sa veuve. Selon les filles de la victime, ce n’était pas l’argent mais plutôt l’amour que le vieil homme portait à cette entreprise qui lui donnait la force de se lever chaque matin pour aller sur le site surveiller.

Enquête approfondie

C’était ce que l’octogénaire avait fait en ce 25 décembre. Une fois sur place, vers 5 h 30, il a commencé par nettoyer la cour. Puis, vers 9 h 30, un appel a retenti au domicile des Ramjan. Un collègue d’Issah Ramjan a demandé à son épouse de venir sur-le-champ. «Il m’a simplement déclaré que mon époux était tombé et qu’il avait une blessure à la tête», relate la vieille dame. Sur place, en compagnie de son petit-fils, avant l’arrivée des policiers, elle a vu son conjoint gisant sur le sol. «Li ti ena enn gro dimal lor so fron. So laser ti fini sorti déor. Pa kapav blié sa. Kan mo ti zanfan inn trap li, li ti fini mort.»

Issah Ramjan est décédé à la suite d’un œdème cérébral. Le médecin légiste a toutefois demandé une enquête approfondie sur sa mort. L’enquête a mené à l’arrestation d’un jeune présumé voleur de 19 ans. Il s’agit de David Jolicoeur. Cet habitant de Baie-du-Tombeau, soupçonné d’avoir commis plusieurs vols dans la région, a été arrêté dans la nuit de jeudi, par les hommes de la police criminelle de Terre- Rouge de l’inspecteur Deroochoonee, sous la supervision du surintendant de police Behary et l’assistant commissaire de police Dawoonarain. Le jeune homme a affirmé qu’il voulait voler l’octogénaire mais que ce dernier lui a résisté. C’est alors qu’il l’a frappé, a-t-il dit.

Dans le cas de Louis Sylvio Berthelot, qui travaillait comme gardien pour le compte d’une société sur un site de la Central Water Authority, le long de la rivière St-Louis, à Ébène, l’autopsie a attribué le décès à une fracture du crâne. Des traces d’agression ont été décelées sur son corps. Les funérailles du septuagénaire ont eu lieu hier. La Major Crime Investigation Team s’est saisie de l’affaire.