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Sheikh Hasina, la poigne de fer du Bangladesh

29 décembre 2018, 13:50

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Sheikh Hasina, la poigne de fer du Bangladesh

Femme politique à l’histoire personnelle indissociable des remous de son pays, la Première ministre du Bangladesh Sheikh Hasina, qui brigue un quatrième mandat aux législatives dimanche, a pris ces dernières années un virage autoritaire qui n’entame pas sa popularité chez ses partisans.

Pour ses fidèles, la cheffe de gouvernement de 71 ans est la «mère de l’humanité» qui a recueilli l’année dernière sur son sol les centaines de milliers de Rohingyas fuyant la Birmanie et a présidé à une période de robuste croissance économique, débarrassant le Bangladesh de son image de nation miséreuse et frappée de toutes les calamités du monde.

Ses détracteurs, au contraire, la décrivent comme une autocrate en germe qui a emprisonné sa rivale emblématique Khaleda Zia et réprime la dissidence à travers des arrestations en masse de militants d’opposition, des disparitions forcées et des lois draconiennes qui musèlent la presse.

Fille du père fondateur du Bangladesh, qui a pris son indépendance du Pakistan en 1971 au terme d’un terrible conflit, Sheikh Hasina semble en passe de décrocher facilement son troisième mandat consécutif de cinq ans depuis 2008, après un premier passage au pouvoir entre 1996 et 2001, un record dans l’histoire du pays.

Son mandat actuel a vu la crispation autoritaire de celle qui incarnait autrefois la défense de la démocratie face à la dictature militaire. Affaiblie par les coups de butoir et invisible durant la campagne électorale, la coalition d’opposition dénonce un «climat de peur» instauré par le pouvoir.

«Elle a écrasé l’opposition et créé au Bangladesh un système politique dominé par un seul parti, à l’image de ceux que nous pouvons voir en Asie du Sud-Est», estime Ataur Rahman, professeur de science politique à l’université de Dacca.

Croissance et répression

Durant la décennie de règne de Sheikh Hasina, le pays de 165 millions d’habitants a connu une croissance économique soutenue de 6,3% par an en moyenne - en 2017, le produit intérieur brut a augmenté de 7,86% - et la Première ministre jure d’atteindre une croissance à deux chiffres si elle est reconduite dans ses fonctions.

Dans le même temps, le taux de pauvreté a chuté drastiquement. En 2016, un Bangladais sur quatre était considéré comme pauvre, contre un sur trois en 2010, selon la Banque mondiale. Près de 90% de la population a aujourd’hui accès à l’électricité.

Son dernier mandat a été marqué par la décision en 2017 d’accueillir les colonnes de réfugiés rohingyas fuyant les massacres en Birmanie voisine, un geste qui lui a valu des louanges à l’international. Des affiches électorales à travers le Bangladesh présentent comme «mère de l’humanité» cette femme toujours vêtue d’un sari, dont elle porte un pan sur l’arrière de la tête.

Suite à un attentat dans un café de Dacca qui a fait 22 morts à l’été 2016, Sheikh Hasina a aussi engagé une brutale répression des mouvements extrémistes dans cette nation à majorité musulmane. Des procès pour des crimes commis durant la guerre d’indépendance ont décimé l’opposition islamiste.

Son opposante et ennemi jurée, Khaleda Zia, paraît aujourd’hui hors-jeu. Alors que l’alternance de ces deux femmes au pouvoir constituait le balancier de la vie politique bangladaise depuis le début des années 1990, Mme Zia est dans l’incapacité de se présenter à ces élections en raison de lourdes peines de prison pour corruption prononcées cette année.

Emprisonnée et en mauvaise santé, les observateurs doutent que Khaleda Zia revienne jamais sur le devant de la scène, même si elle conserve un certain poids dans la société.

Dynastie politique

Sheikh Hasina a mis longtemps à s’émanciper de l’ombre de son père, Sheikh Mujibur Rahman, qui a mené le Bangladesh (alors Pakistan oriental) à l’indépendance et en est devenu l’un des premiers dirigeants.

Elle se trouve à l’étranger avec sa petite sœur lorsque, le 15 août 1975, des soldats font irruption dans la résidence familiale à Dacca lors d’un coup d’État et massacrent son père, sa mère et ses trois frères.

Vivant en exil en Inde, elle revient au Bangladesh en 1981 pour prendre les rênes de l’Awami League, la formation fondée par son géniteur et qu’elle dirige encore à ce jour.

Dans les années 1980, elle joint ses forces à celles de Khaleda Zia et son Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) contre la dictature militaire de Hussain Muhammad Ershad. Mais une fois la démocratie rétablie, l’alliance entre les deux femmes vire à la rivalité sanglante.

Sheikh Hasina a épousé en 1968 le physicien nucléaire M.A. Wazed Miah, mort en 2009, et a eu deux enfants avec lui. Son fils, Sajeeb Wajed, est un conseiller de son gouvernement.