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Linley Fareedun: «Les dirigeants actuels du volley-ball ont détruit notre sport»

7 décembre 2018, 01:38

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Linley Fareedun: «Les dirigeants actuels du volley-ball ont détruit notre sport»

Linley Fareedun ne mâche pas ses mots. Révolté et triste devant la situation dans laquelle se retrouve le volley-ball local, il y va souvent de son commentaire acerbe sur les réseaux sociaux. Dans l’interview qui suit, le médaillé d’or des JIOI de 2003 n’épargne pas les dirigeants de l’Association mauricienne de volley-ball (AMVB) qui, dit-il, ne font pas ce qu’il faut pour tirer ce sport vers le haut. Il donne également son avis sur la situation actuelle du sport mauricien. Entretien…

Vous êtes très virulent dans vos critiques contre l’AMVB sur les réseaux sociaux. Quelles en sont les raisons?

La critique devient automatique du fait que le sport que j’aime est dans une situation peu réjouissante. Je ne peux rester insensible quand je vois la démagogie de certaines personnes qui ont pris le pouvoir au sein de la fédération et qui ne sont pas là pour l’avancement du volley-ball. Ces personnes agissent au vu et au su de tous. Si leur but était de faire progresser ce sport, on aurait constaté une progression. Et là, ce n’est pas le cas.

Il n’y a donc rien de personnel dans ces critiques?

Absolument pas. Cela fait 15 ans que le centre de formation a fermé ses portes et depuis, le volley-ball ne cesse de baisser de niveau. Les acteurs ce sont les sportifs et s’ils ne sont pas là, il n’y a pas de dirigeants. Je ne m’exprime qu’en tant qu’ancien volleyeur ayant connu une époque où mon sport était géré autrement. C’était une école de vie. Mais on voit que la situation ne cesse de se détériorer, cela à cause de certaines personnes.

«Mon message aux dirigeants: travaillez un peu plus pour le sport. Il faut partager maintenant. Il faut commencer à pratiquer le langage de vérité.»

C’est donc la gestion du volley-ball mauricien qui n’est pas bonne selon vous. Pouvez-vous nous en dire plus?

La gestion de notre volley-ball est très mauvaise, cela ne fait aucun doute. Quand Fayzal Bundhun a accédé à la présidence de l’AMVB il y a quelques années, on a cru que la situation changerait par rapport à ce qu’elle avait été sous Kaysee Teeroovengadum. Mais la déception a été totale parce que l’actuel président agit de la même façon. Le gymnase Pandit Sahadeo est devenu une tombe. À mon époque, il était vivant du lundi au samedi avec les compétitions dans toutes les catégories d’âge.

Juste à côté, à La Réunion, les parents payent pour que leurs enfants s’initient à un sport. Ici à Maurice, c’est gratuit et le gymnase de volley-ball, on l’a négligé jusqu’à ce qu’il tombe dans un état de délabrement. La faute à qui ? On ne peut pas venir dire que c’est la faute du ministère des Sports. C’est la responsabilité de la fédération.

Quand on compare, on se rend compte que les dirigeants du début des années 90 avaient une vision. La génération 1994 du centre de formation avec Sunil Mudhoo, Neeraj Moonien, Bernard Lafleur, Gilbert Alfred, Bruno Anne, Sharma Burrun et moi-même, entre autres, a eu les outils pour grandir et est arrivée à maturité. L’un des fruits récoltés a été la consécration aux Jeux des îles de l’océan Indien de 2003.

Ne trouvez-vous pas que l’actuel comité a tout de même fait des choses positives?

Jusqu’à présent, je ne vois pas grand-chose de bon qui a été réalisé par l’AMVB. La seule chose où il y a une progression c’est le beach volley. Mais je pense que c’est de la poudre aux yeux plus qu’autre chose.

L’AMVB a embauché un directeur technique national (DTN) en la personne de Zoran Kovacic. C’est un technicien très compétent avec lequel vous avez déjà eu des échanges n’est-ce pas?

L’actuel DTN me rappelle celui que j’ai connu lors de notre préparation pour les JIOI de 1998. C’était un Egyptien, Samir Lofty. Il formait un duo efficace avec notre entraîneur national de l’époque, Anwar Diouman. J’ai eu une conversation longue de trois heures avec Zoran Kovacic une fois et c’est quelqu’un qui connaît tout du volley-ball. Il possède un CV impressionnant. Il sait que le volley a évolué et il a évolué lui aussi.

Mais je reste persuadé qu’on ne lui donne pas les armes pour mener à bien sa mission. Notre DTN se retrouve à enseigner les bases aux présélectionnés pour les prochains JIOI, la réception, la touche, la passe, le déplacement etc. Alors qu’avec le bagage technique dont il dispose, il devrait avoir à sa disposition des joueurs à qui apprendre les nouvelles techniques qui ont cours dans la pratique du volleyball moderne. On ne peut pas s’attendre à ce qu’il réalise des miracles si on lui donne à entraîner des joueurs qui ne mesurent que 1 m 70 !

Les présélections nationales se préparent activement depuis plusieurs mois en vue des 10e Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI). De bons résultats seront-ils au rendez-vous en juillet 2019, à votre avis?

Selon ce que ce j’ai pu constater, les présélectionnés progressent sur le plan physique. Mais au niveau du jeu, je ne pense pas qu’ils seront capables de faire beaucoup plus que ce qu’ils font déjà. Il faut être réaliste, La Réunion viendra avec des sélections compétitives et aura à cœur de bien faire et elle sera revancharde après l’épisode de 2015 (NdlR : l’exclusion de Myriam Kloster de la sélection féminine réunionnaise). Nos adversaires ont plus d’envie et sont supérieurs techniquement.

Personnellement, je n’ai pas vu de joueurs capables de hausser le niveau pour réussir l’exploit de décrocher l’or en 2019. En 2003, la sélection masculine pouvait compter sur une belle génération et nous étions certains, au départ même, de figurer sur le podium. Nous avons vécu un moment très spécial, inoubliable devant le public mauricien.

Au niveau du beach volley, il y a un travail qui est effectué. Le nombre de tournois est en hausse et des entraîneurs ont été nommés pour préparer les joueurs en vue des JIOI. Vous n’en disconviendrez pas…

Oui, la fédération se focalise principalement sur le beach volley. Mais qu’en est-il du volley en salle ? Si on ne compte rien faire pour le faire progresser, il faudrait fermer le gymnase ! On mise tout sur le beach volley pour avoir une médaille d’or aux JIOI mais on n’a aucune garantie qu’on l’aura. Sans doute, certains voudront me prouver le contraire, mais moi je me base sur ce que j’ai vu jusqu’à présent.

Avant les JIOI de 2003, nous avions pris part à plusieurs tournois à l’étranger. L’envie était présente chez les joueurs qui ne rataient aucune séance d’entraînement. Actuellement, il n’y a pas le même enthousiasme. Et c’est ça qui fait toute la différence.

«En 2003 (pour les JIOI), la sélection masculine pouvait compter sur une belle génération et nous étions certains, au départ même, de figurer sur le podium. Nous avons vécu un moment très spécial, inoubliable devant le public mauricien.»

Désormais, on ne fait plus les mêmes sacrifices mais c’est assez compréhensible au vu du traitement que reçoivent les joueurs. Imaginez qu’on leur demande de choisir entre un fruit et une bouteille d’eau à la fin d’une séance d’entraînement ! Est-ce qu’une telle façon de faire est acceptable ?

C’est sans doute au niveau de la formation des jeunes que le bât blesse. Il n’y a toujours pas de centre de formation opérationnel ; l’African Dream Project a, semble-t-il, été mis en veilleuse et les écoles de volley lancées il y a quelques mois par le ministère des Sports ne semblent pas fonctionner comme elles le devraient…

Il n’y a toujours pas de centre de formation. En 2007, alors que j’étais sports coach et que j’étais responsable de la sélection masculine pour le tournoi de la Commission Jeunesse et Sports de l’océan Indien (CJSOI), j’avais soumis un projet au ministère de la Jeunesse et des sports (MJS) et à la fédération. Ce projet, je l’avais préparé après avoir pris conseil auprès de mes anciens entraîneurs Christian Marty et Jean-Michel Roche. Le MJS avait donné son accord. Mais la fédération, elle, m’avait convoqué et au lieu de discuter du projet, c’est à une sorte de board disciplinaire que j’ai eu droit. Voyant que ça tournait mal, j’ai quitté la réunion.

Il est essentiel de rouvrir le centre de formation. La situation est telle qu’actuellement, il n’y a plus un passeur digne de ce nom. Est-ce que c’est normal ? Le passeur c’est le chef d’orchestre dans une équipe de volley. Tu peux être le meilleur attaquant du monde, si tu n’as pas un passeur qui dispose d’une bonne vision de jeu, cela n’en vaut pas la peine !

Pour l’African Dream Project, la fédération internationale a décaissé des fonds conséquents. La fédération a procédé au lancement en faisant un show dans un collège mais après ? Il n’y a eu aucun suivi. Il n’y a aucun encadrement qui a été mis en place. La fédération a seulement voulu épater la galerie. S’agissant des écoles de volley, c’est mort aussi. Il y a eu des coaches qui avaient été nommés et je me demande selon quels critères. Les finances sont disponibles, qu’est-ce qu’on en fait ?

Pensez-vous qu’il n’y a pas suffisamment de frottements internationaux également?

Définitivement. Comme l’a dit Prisca Seerungen (NdlR : entraîneur de l’équipe féminine du Quatre-Bornes VBC), après le championnat local et le Championnat des clubs de la zone 7 (CCZ7), que prévoit-on pour nos joueurs ? Il faut aller se mesurer à des adversaires plus costauds, à l’étranger. La fédération reçoit des invitations pour des tournois en Afrique notamment, pourquoi est-ce que les équipes mauriciennes n’y participent pas plus régulièrement ? Et ce que je trouve anormal aussi, c’est que quand des équipes ont besoin de soutien pour un déplacement pour défendre les couleurs du pays, la fédération joue aux abonnés absents.

«Le problème vient toujours des personnes qui dirigent les fédérations. Dans le passé, c’est la méritocratie qui primait. Mais maintenant, ce n’est plus le cas. On voit que certains bénéficient de protections, on ne sait pour quelles raisons. C’est bien dommage.»

En tant qu’ancien volleyeur ayant connu le haut niveau, vous devez bien avoir des idées pour aider au développement du volley-ball…

Pour moi, on devrait mettre en place des académies de volley privées comme il en existe déjà en football. On voit un réel engouement quand les jeunes de ces académies à l’instar du Racing Club, du Curepipe Starlight ou de Moka Rangers, se rencontrent pour des tournois. Les parents sont présents pour voir jouer leurs enfants et cela crée une belle ambiance. Il n’y a aucune raison pour que cet enthousiasme ne soit pas présent pour le volley si le même genre de projets est mis en place.

Dans le championnat local, nous avions auparavant, en plus de l’équipe senior, une équipe junior. On pourrait relancer des championnats pour les catégories de jeunes, les cadets, juniors etc. A partir de là, il aurait été possible de faire de la détection.

Mais honnêtement, je ne souhaite pas partager mes idées avec les dirigeants actuels du volley-ball parce qu’ils ont détruit notre sport. Tant qu’ils seront en poste, il n’y aura aucune amélioration et aucune progression…

En parlant de l’AMVB, vous avez sans doute suivi l’épisode concernant l’ancien secrétaire général Kaysee Teeroovengadum aux Jeux du Commonwealth en Australie en avril dernier…

Oui, bien évidemment. La façon dont l’AMVB a traité cette affaire me pousse à me poser des questions. Elle n’a pas pris les mesures appropriées. C’est une accusation grave qui pèse sur l’ancien secrétaire général. Comment le président et la fédération peuvent tolérer cela ? Comment cela se fait-il qu’il puisse représenter la fédération à un congrès de la Confédération africaine de volley-ball (CAVB) ?

Si un athlète s’était retrouvé dans la même situation, je suis persuadé qu’il aurait reçu un traitement différent. Quel message la fédération envoie-t-elle aux parents dont les enfants jouent au volley-ball avec la façon de gérer cette affaire? En attendant le dénouement de son affaire en cour, Kaysee Teeroovengadum aurait dû être suspendu de toutes les instances du volley-ball à titre provisoire.

Vous occupiez le poste d’entraîneur du Port-Louis Red Star mais l’aventure a tourné court. Qu’est-ce qui n’a pas marché?

Je crois dans la rigueur. Mais les joueurs ont trouvé que j’étais trop strict dans ma façon d’entraîner. Moi, je reste persuadé que sans rigueur, on ne peut pas progresser. Il faut aussi avoir l’envie et de l’enthousiasme. Les joueurs pensaient que gagner un match était une chose facile mais ce n’est pas le cas. S’il n’y a pas de discipline, il ne peut y avoir de résultats. J’ai donc préféré me retirer. Un coach ne peut pas être ami avec ses joueurs. Ce n’est pas normal. Il faut qu’il y ait une distance afin que le respect s’installe.

Cela ne vous tente pas de reprendre du service en tant que coach?

Pour le moment non. Je n’ai pas envie d’être utilisé par qui que ce soit. D’ailleurs, les personnes qui sont au pouvoir à la fédération ne semblent pas avoir besoin de mes compétences. Moi, je crois dans le partage, dans la transmission aux jeunes. C’est ce que j’ai fait en 2007 quand j’étais responsable de la sélection qui devait prendre part au tournoi de la CJSOI avec Dharmen Gundowry, nous avons eu une préparation de huit mois. Nous avons joué contre les Seychelles devant une foule hostile et nous avons gagné trois sets à zéro.

Au sein de cette génération, on retrouvait, entre autres, Alvaro Bonne-Langue, Yannick Paul ou encore Hansley Uppiah. Dans le projet que j’avais présenté au MJS et à la fédération en 2007, c’était cette génération qui devait être encadrée pour représenter le pays aux JIOI en 2019. Mais maintenant, plusieurs de ces joueurs ne sont même plus dans le circuit.

D’un point de vue plus général, quel constat faites-vous du niveau du sport mauricien?

Le sport mauricien est en déclin, c’est une évidence. Un des rares sports où je vois qu’il y a un renouvellement et de l’enthousiasme, c’est l’haltérophilie. Mais on se rend compte que le problème vient toujours des personnes qui dirigent les fédérations. Dans le passé, c’est la méritocratie qui primait. Mais maintenant, ce n’est plus le cas. On voit que certains bénéficient de protections, on ne sait pour quelles raisons. C’est bien dommage. Quand on constitue une équipe, on doit prendre les meilleurs. C’est la logique même. Quand tu es bon, tu joues, quand tu n’es pas assez bon, tu travailles davantage pour t’améliorer. Il y a une recherche de pouvoir de la part de nombreux dirigeants tout simplement. Dans ces conditions, c’est le sport qui souffre.

Quelle est votre appréciation du travail du ministère de la Jeunesse et des sports sous la conduite de Stephan Toussaint?

Malheureusement, ce n’est pas lui qui prend les décisions. Il se laisse guider par des officiers. Ce sont eux qui dirigent le ministère et ce n’est pas logique. À l’époque de Michael Glover, c’était différent. Il savait s’imposer. Le sport ne peut pas avancer parce qu’il est administré par des gens qui n’ont jamais fait de sport de haut niveau. Ils ne connaissent pas les sacrifices que doit consentir un athlète.

Qu’aimeriez-vous dire en guise de conclusion?

Il faut un changement de vision à la tête de notre volley-ball. Mon message aux dirigeants : travaillez un peu plus pour le sport. Il faut partager maintenant. Il faut commencer à pratiquer le langage de vérité. Arrêtez de faire croire que vous avez fait du bon travail quand ce n’est pas le cas. Quel est votre bilan ? Que prévoyez-vous de faire jusqu’à la fin de votre mandat ? Je ne critique pas pour critiquer. Je le fais dans un but constructif…

Mini-portrait

<p>Linley Fareedun a eu une carrière de volleyeur longue de 14 ans. Après être passé par le centre de formation et Maurice Espoir, il a évolué au sein du Cadets Club et de la Fire Brigade, notamment. Évoluant au poste de pointu, il a fait partie d&rsquo;une génération dorée du volley-ball mauricien qui a décroché la médaille d&rsquo;or aux Jeux des îles de l&rsquo;océan Indien (JIOI) en 2003 sur le sol mauricien.</p>

<p>Avec sa grande taille (2 m 05) et son talent, il a attiré l&rsquo;attention de clubs étrangers. En 2000 et 2001, il a ainsi joué pour l&rsquo;équipe de Narbonne en Pro B en France. Il a aussi effectué un passage à l&rsquo;île de la Réunion au sein de l&rsquo;ASPTT à Saint-Denis et les Aigles Blancs (Saint-Paul).</p>

<p>À 41 ans, celui qui a connu les sélections nationales dans toutes les catégories d&rsquo;âge est désormais gérant du magasin Go Sport à Bagatelle. &laquo;<em>C&rsquo;est une manière de rester en contact avec le sport et d&rsquo;apporter mon aide. Je remercie d&rsquo;ailleurs mon patron, Dominique Filleul, pour son soutien&raquo;</em>, dit-il</p>