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Visite guidée: on nous prie d’annoncer le décès de Vacoas…

25 novembre 2018, 21:00

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Visite guidée: on nous prie d’annoncer le décès de Vacoas…

Mirage. Désert urbain. Rues vides, aussi animées que le visage de Droopy. Trois chiens errants qui se battent, quelques voitures, des hommes et des femmes qui ne font que passer sans s’arrêter, ça tourne au ralenti. Mortel ennui. Bienvenue à Vacoas.

Dans la station d’essence, on accuse un coup de pompe en ce jeudi après-midi. «Zordi zédi, magazin fermé. Mé mem kan zot ouver, bom net. Péna nanyé pou fer isi, zéro.» Helmut et ses yeux verts broient du noir. Le pompiste porte le deuil de cette ville «mor net».

Dès 17 heures, rigole-t-il, à part les mouches qu’on entend voler et «enn maléré marsan roti», il n’y a pas âme qui vive dans les rues. «Mo éna 60 ans, dépi toulétan monn viv isi.» Avant, pourtant, il y avait de l’action, assure l’homme espiègle. «Ti éna roulman. Kouma lizinn ti pé largué nou ti pé al glasé. Bann 35-la ki ti pé get mwa…»

Momifier

Aujourd’hui, les 35 vont se balader ailleurs, dans des centres commerciaux, dans les «autres grands villes». Pour Helmut, Vacoas s’est momifiée, les magasins ont l’air aussi vieux que des pyramides égyptiennes, les gens s’ennuient, comme zombifiés par le manque d’activités, de loisirs. «Lontan ti éna sinéma oussi ti pé atir dimounn bé aster partou éna. Banla népli vinn isi. Dimounn ki fer sinéma aster.» Référence à la course-poursuite digne d’un blockbuster, qui s’est déroulée cette semaine à Hollyrood et lors de laquelle un suspect, à bord d’une pelleteuse de la marque JCB, a semé des enquêteurs de l’ICAC.

Pour que Vacoas revive, il faudrait qu’il y ait des shopping malls, des food-courts, renchérit Abdool, le gérant de la station d’essence. «A par kot London laba, partou mor. Tou lavil inn évolié, ziss Vacoas.» Elle est comme restée figée dans le temps, en 1920, plus précisément.

Pour s’amuser un peu, les Vacoassiens peuvent se rendre à la banque, à la foire, dans les quincailleries, dans les écoles ou dans les quelques restaurants, qui pour la plupart accusent un coup de vieux. Ils peuvent également se rendre à la gare routière.

«Problem Vacoas, séki li anklavé. Li o milié lézot lavil. Port-Louis, ou gagn bann dimounn ki ress dan bann vilaz lé Nor ki al laba. Bann séki ress Rivière-Noire al Quatre-Bornes, séki ress lé Sud al Curepipe. Isi, bann bis-la al ziss dan lézot lavil.»

Quand il faut aller chaké, Helmut, Abdool et leurs prochesvont partout sauf à Vacoas. «Pou asté linz, préfer al sipermarsé ki vinn isi !»

Sur la gare, un pigeon solitaire se promène nonchalamment, au milieu des bus qui peinent à se remplir. «Même pas une tête d’humain sur laquelle je pourrais me soulager», semble dire le volatil en son for intérieur.

«Casinos plis ki pizon isi», lâche Philippe Luchmun, 77 ans. Ce chauffeur de taxi fêtera ses 59 ans de carrière le 2 janvier. «Monn né isi, monn grandi isi, pa koné kot pou mor selman.» Sa ville, elle, est décédée depuis longtemps. «Akoz bann administrater ki asizé bez kass. Nanyé zot pa fer pou amélior lavi isi. Normal tou dimounn pou sové.»

Pour tuer le temps, certains Vacoassiens se rendent dans les trois casinos presque voisins. À l’intérieur de l’un d’eux, en cette fin d’après-midi, il y a plus de monde que dans la rue. «Bann vié dimounn vini gramatin, zeness dan tanto. Ena kan pé fermé oussi zot pa lé alé.» Même s’ils sont attachés à leur ville, vivre à Vacoas, c’est loin d’être le jackpot affirment les citadins.