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Ski: Valentin Giraud-Moine, miracle sur glace

23 novembre 2018, 16:57

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Ski: Valentin Giraud-Moine, miracle sur glace

 

«J’ai eu beaucoup de chance». Valentin Giraud-Moine, spécialiste de la descente, s’apprête à redevenir samedi à Lake Louise (Canada) un skieur de haut niveau, 666 jours après avoir frôlé la perte de l’usage de ses jambes.

666 comme le diable qui le propulse à pleine vitesse dans les filets de sécurité en bas de la descente de Garmisch-Partenkirchen (Allemagne) le 27 janvier 2017, et le laisse, pantin désarticulé hurlant de douleur, avec une luxation et des lésions multiligamentaires sur les deux genoux.

Giraud-Moine est fauché à 25 ans (26 aujourd’hui) en pleine ascension, alors qu’il vient de monter sur le podium de Kitzbühel, la plus belle et la plus exigeante des descentes.

Sa «chance», c’est que les vaisseaux sanguins et les nerfs ne sont pas touchés, lui évitant le fauteuil roulant.

C’est aussi cette double opération à Lyon peu pratiquée en France, l’allogreffe, avec des nouveaux tendons issus d’un don (une personne décédée) au lieu d’être prélevés sur le patient.

«Chez Valentin, il y avait beaucoup de ligaments à reconstruire, et prendre les ligaments chez lui ça aurait induit beaucoup de perte de force», explique à l’AFP le docteur Jean-Marie Fayard, chirurgien responsable de la commission médicale de la Fédération française de ski (FFS).

«La vraie problématique chez ce garçon qui n’avait que ses ligaments abîmés, c’est de se dire si on lui prend ses tendons pour refaire ses ligaments cassés, est-ce qu’il sera capable de revenir au meilleur niveau? (...) Je pense que si on avait pris autre chose que l’allogreffe, il n’en aurait pas été capable».

 «Hors du commun» 

Et même avec le succès des opérations, les médecins lui expliquent que remarcher normalement serait déjà une bonne chose, sans lui faire miroiter trop tôt un retour au plus haut niveau.

Et pourtant il sera bien dans le portillon de départ samedi, «parce que c’est un garçon qui est hors du commun», admire M. Fayard.

«Je pense qu’arriver là où il est actuellement, même sans parler de résultats sportifs, arriver à un tel niveau de ski après ce qu’il a eu, je trouve que c’est déjà extraordinaire».

Opérations, rééducation, réathlétisation, Giraud-Moine a remonté la pente petit à petit, avec le rêve de la dévaler à nouveau. Après une préparation complète cet été avec ses collègues de l’équipe de France de vitesse, il se sent presque «un athlète comme un autre».

«Ca dépend des jours. Il y a des jours où j’ai vraiment envie d’y aller, j’ai mal nul part, j’essaie d’attaquer, raconte ce solide gaillard (1,77 m, 96 kg) à l’AFP. Et puis il y a des jours où justement j’ai attaqué la veille, ça me fait des douleurs aux genoux, il faut que je gère un peu plus, mais forcément quand la tête est occupée à gérer, elle n’est pas là à attaquer».

- Prendre du recul -

Quand il a un doute sur un passage délicat, comme sur un saut en stage à Saas-Fee (Suisse), il ne prend pas de risque.

«Ca a commencé un peu à m’inquiéter, donc je ne me suis pas pressé pour partir. Du coup quelques uns ont sauté et après les coachs ont demandé d’arrêter de prendre le saut. Les autres ont pu se sortir de la situation, en prenant le saut, moi ça aurait pu être compliqué (...) Pour se rattraper de situations comme ça il faut une flexion de genou plus grande que la mienne actuellement, et il faut une confiance que je n’ai pas encore complètement retrouvée sur les sauts.»

Il parle de «chance». C’est celle que n’a pas eu David Poisson, son coéquipier, décédé accidentellement lors d’un entraînement à Nakiska (Canada) le 13 novembre 2017.

«Je l’ai vécu très mal. Ca a été dur à comprendre, à accepter (...) Ca fait peur, ca remet vite tout en cause, j’ai dû faire un bon travail sur moi et sur ce dont j’avais vraiment envie».

«Moi ça m’a aidé un peu à relativiser. Je ne pouvais pas prendre les départs de Coupe du monde mais j’ai vu qu’il y avait beaucoup plus grave, des conséquences supérieures à ce que j’ai pu avoir. J’ai pris du recul.»

Un travail mental qui sert aussi à retrouver la confiance, indispensable pour ces fous de vitesse.

«Dans la  tronche je pense qu’il a encore beaucoup de boulot», admet le descendeur Blaize Giezendanner au magazine Ski Chrono, néanmoins admiratif du retour de son ami tout en haut de la pente.