Publicité

Course-poursuite en JCB: la rivalité entre police et lCAC met le pays en danger

21 novembre 2018, 22:23

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Course-poursuite en JCB: la rivalité entre police et lCAC met le pays en danger

Une JCB fonce à toute allure de Curepipe à Quatre-Bornes et la police ne voit rien. Elle était pourtant au courant. Les membres de l’ICAC l’avaient avertie quand ils se sont retrouvés en difficulté face au suspect Neptune. Résultat : il est toujours en cavale… Ce fiasco révèle les dissensions entre ces deux institutions.

La commission anticorruption n’en restera pas là. À son retour au pays, le directeur de l’Independent Commission against Corruption (ICAC), Navin Beekarry, devrait aborder cet incident jugé très grave avec le commissaire de police, Mario Nobin. La police est accusée de ne pas avoir donné assistance ni être intervenue pour aider les officiers de l’ICAC. Ceux-ci se sont retrouvés en danger à résidence Kennedy, à Quatre-Bornes, lundi, face à une foule hostile après une course-poursuite impliquant le suspect Hansley Neptune à bord d’une JCB. Le Premier ministre aurait déjà été informé de cet incident, qui comprend les délits de rébellion, agression, tentative de meurtre, conduite dangereuse et obstruction à l’enquête de l’ICAC.

Une course-poursuite digne des films Fast and furious dans les rues de Floréal à Curepipe, Vacoas, jusqu’à Quatre-Bornes, en pleine journée… La police, elle, n’a rien vu. Une JCB roulant à tombeau ouvert qui a traversé trois villes mettant en danger la vie des automobilistes et piétons passe totalement inaperçue, c’est du jamais vu. Le suspect de blanchiment d’argent provenant de la vente de drogue à bord de la tractopelle a semé les enquêteurs de l’ICAC. Hansley Neptune est d’ailleurs toujours en cavale, après avoir blessé quatre enquêteurs. L’ICAC est, depuis, sous le feu des critiques pour avoir une nouvelle fois mordu la poussière dans l’arrestation de ce récidiviste.

Si l’ICAC a annoncé de gros moyens pour mettre la main sur l’éleveur de porcs, certains concèdent un certain embarras après l’incident de lundi. «Ce genre de situation ne met pas l’institution en valeur. Il faut savoir pourquoi il y a eu cet échec qui peut contribuer à décrédibiliser tout notre travail», affirme un officier. Hansley Neptune, soupçonné de faire partie du réseau Chowrimotoo, est toujours en cavale. À hier après-midi, aucune arrestation n’avait été effectuée par la police de Quatre-Bornes.

Nez à nez

Comment et pourquoi cette opération a mal tourné ? En attendant un rapport des officiers impliqués, cet incident met en exergue les dissensions profondes entre l’ICAC et la police. Une source proche du dossier raconte que c’est pour un exercice de vérifications qu’un groupe de huit enquêteurs de l’ICAC, tous des policiers affectés à cette commission, répartis en deux équipes, s’est rendu à cité Mangalkhan, à Floréal, vers 11 heures, lundi.

Arrivés sur un chantier, quatre d’entre eux tombent nez à nez avec le suspect Hansley Neptune, recherché depuis mars 2017 par l’ICAC et l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU). Puisque l’homme est considéré comme dangereux et qu’il n’a pas été appréhendé malgré les efforts de plusieurs unités, les officiers en surnombre décident de procéder à son arrestation.

«Personne n’a anticipé sa réaction. Non seulement il a résisté mais a aussi foncé avec la JCB sur les enquêteurs», relate notre interlocuteur. Au lieu de battre en retraite, ils décident de le poursuivre.

En route, les officiers tentent de contacter l’information room de la police de même que d’autres unités, comme la Division Supporting Unit (DSU) mais les renforts n’arriveront pas. Entre-temps, en cours de route, les quatre autres enquêteurs rejoignent leurs collègues. La course-poursuite s’engage alors entre la JCB, deux véhicules de l’ICAC et une motocyclette pilotée par un officier. Dans un compte rendu préliminaire, les enquêteurs rapportent qu’un véhicule de la DSU est bel et bien arrivé à Résidence Kennedy pour prêter main-forte mais aurait rebroussé chemin en arrivant à la fin de sa zone de couverture.

L’aide n’est pas arrivée malgré l’intervention du directeur des enquêtes de l’ICAC, l’assistant surintendant de police (ASP) Titrudeo Dawoodarry. Il aurait passé une quinzaine d’appels à ses contacts dans la police.

Zigzaguer

 Interrogé sur ces graves allégations, l’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, affirme qu’il doit vérifier ces informations. Mais il affirme que si les appels ont été passés après que les enquêteurs sont arrivés à Résidence Kennedy, c’était déjà trop tard. Comment se fait-il que la JCB qui a parcouru cité Mangalkhan – Très-Bon, Vacoas – Hollyrood no 1, Vacoas – Bassin – résidence Kennedy n’ait pas été interceptée en route ?

Caption

Selon les témoignages et vidéos de l’incident, il s’agirait d’une conduite dangereuse car la JCB roulait en faisant zigzaguer le bras mécanique et donnait des coups sur l’asphalte pour maintenir ses poursuivants à distance. Ce qui a rendu la tache difficile aux enquêteurs de l’ICAC, qui n’ont rien pu faire pour le freiner dans sa course folle. Ils ont toutefois constaté que Hansley Neptune était collé à son téléphone tout au long du trajet.

À résidence Kennedy, l’affaire s’est corsée pour l’ICAC, confrontée à une foule hostile d’environ soixante personnes armées de sabres, de briques, de javelots, qui n’a pas hésité à attaquer les officiers. Un rassemblement qui n’a pas mobilisé la police.

L’opération confirme le manque de préparation et d’entraînement des membres de la commission anticorruption face à ce genre de situation. Ils n’avaient pas d’arme sur eux non plus. Les officiers de l’ICAC ne portent pas de revolver. Les policiers affectés à cette commission doivent demander la permission à un haut gradé avant de prendre un revolver d’un poste de police.

 Cette nouvelle affaire creuse le malaise déjà profond entre ces deux institutions : l’ICAC et la police. Cette mésentente profite aux malfaiteurs qui passent à travers les mailles du filet.