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Secteur traditionnel: les travailleurs étrangers appelés à être plus nombreux

16 novembre 2018, 19:48

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Secteur traditionnel: les travailleurs étrangers appelés à être plus nombreux

Les travailleurs étrangers seront plus nombreux dans les secteurs de la construction et la boulangerie, entre autres. Mais selon Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de Business Mauritius, il n’y a pas lieu de s’alarmer. «C’est une transformation normale de la société.»

Quel chiffre atteindra le nombre de travailleurs étrangers à Maurice ? S’il s’élève à plus de 41 000 aujourd’hui, il pourrait prendre l’ascenseur prochainement suivant l’autorisation accordée à certains secteurs économiques de recruter de la main-d’œuvre étrangère. La boulangerie, l’agriculture, le textile ou encore la menuiserie sont autant de secteurs susceptibles de trouver des relais de croissance avec l’apport de ces compétences. Dans le cas de la construction, la demande pour de nouveaux bras est étudiée au cas par cas.

«Malgré les efforts des opérateurs, nous n’arriverons pas à trouver des ouvriers qualifiés comme des maçons, des crépisseurs, des charpentiers, des carreleurs ou encore des électriciens, à Maurice», confirme Didier Adam, Chief Executive de General Construction, une des plus grosses compagnies de construction à Maurice et président de la Building and Civil Engineering Contractors Association (BACECA). Il ajoute que la réticence de jeunes à travailler sur les chantiers s’explique par le fait que ces derniers ne souhaitent pas s’adonner à des tâches laborieuses et physiquement pénibles.

Une analyse à laquelle des syndicats engagés dans ce secteur ne souscrivent pas totalement. Ils sont convaincus que la démarche du gouvernement ne constitue nullement la solution pour protéger la main-d’œuvre locale. «Depuis longtemps, les Mauriciens boudent les chantiers de construction vu que les salaires proposés sont très bas, souligne un syndicaliste qui a souhaité garder l’anonymat. Pour les attirer, il faut que le gouvernement revoie la grille salariale dans ce secteur.»

Un eldorado

Notre interlocuteur indique que si les travailleurs étrangers, principalement les Indiens et les Bangladais, sont recrutés en grand nombre dans ce secteur c’est qu’ils voient Maurice comme un Eldorado pour se faire de l’argent et trouver un emploi. Et ce, peu importe les sacrifices qu’ils sont appelés à faire.

Un autre opérateur, membre de la BACECA est critique envers la main-d’œuvre mauricienne affectée dans ce secteur. «Aujourd’hui, toutes les compagnies de construction souffrent d’une main-d’œuvre locale peu performante, pas suffisamment formée et qui est en plus confrontée à d’autres mauvaises pratiques inhérentes à ce secteur. Soit les absences répétées les lundis et le refus de travailler les samedis parce que les employés de ce secteur ont développé une culture de jeux». De l’autre côté, les employés étrangers sont disposés à travailler 7 jours sur 7, permettant ainsi aux entrepreneurs d’achever leurs chantiers à temps et de respecter leurs engagements vis-à-vis de leurs clients.

Certes, la pénurie de la main-d’œuvre locale n’est pas limitée à la construction, dont les spécialistes prévoient un boom avec une croissance estimée à 9,5 % cette année. D’autres secteurs qui y sont confrontés sont la boulangerie ainsi que le textile, où les travailleurs étrangers opèrent déjà. «Il n’est un secret pour personne que sans les Bangladais dans nos boulangeries, la population pourrait être privée de son pain quotidien le matin. Car cela fait longtemps que les travailleurs mauriciens ont délaissé ce secteur qui requiert une disponibilité au travail jusqu’aux petites heures», analyse Pradeep Dursun, Chief Operating Officer (COO) de Business Mauritius.

Apport crucial

Aujourd’hui, le gros de la main-d’œuvre étrangère se retrouve dans le secteur manufacturier. Au total, 31 253 travailleurs y ont été recensés en septembre dernier. Le recours à ces travailleurs est jugé crucial aujourd’hui pour y assurer la croissance car, selon les opérateurs, c’est leur apport qui permet aujourd’hui aux entreprises concernées d’honorer leurs commandes à temps. «Il ne faut pas qu’on soit choqué par le fait que les Mauriciens ne sont plus attirés par certains types d’emplois. C’est une transformation normale de la société qui donne aujourd’hui des aspirations légitimes à des jeunes souhaitant grimper l’échelle sociale», estime le COO de Business Mauritius.

Il évoque le cas du Royaume-Uni, où les Britanniques moyens ont refusé depuis belle lurette de travailler dans les services hospitaliers. Cela a profité aux Mauriciens, aux Pakistanais et aux Sri-Lankais qui ont émigré dans ce pays au début des années 70.

Aujourd’hui, les demandes de permis de travail viennent d’une large palette de secteurs allant de l’agriculture à l’industrie du transport, en passant par la bijouterie et la menuiserie, entre autres. Du coup, le potentiel d’importation des travailleurs étrangers pourrait tourner à 50 000, soit 9 %, explique l’économiste Azad Jeetun. Il qualifie d’ailleurs cette situation de gérable face à une population active de 540 000.

Mais, l’impact économique d’une telle masse de travailleurs est loin d’être négligeable. Même si la majorité des travailleurs rapatrient le gros de leurs salaires dans leur pays d’origine, ils participent pleinement à la vie économique du pays en consommant. Toutefois, il faut s’attendre à ce que les prestations sociales comme les services hospitaliers soient sous pression avec une population étrangère grandissante.

Un virage stratégique souhaité

<p style="text-align: justify;">Pour passer au statut d&rsquo;une économie élevée, les spécialistes sont convaincus qu&rsquo;il faut s&rsquo;ouvrir aux compétences étrangères, notamment dans certains créneaux économiques où l&rsquo;expertise mauricienne est absente. Dubaï et Singapour sont passés par cette étape et se positionnent aujourd&rsquo;hui comme des hubs financiers dans leurs régions respectives.</p>

<p style="text-align: justify;">L&rsquo;<em>Economic Development Board </em>(EDB), dont le mandat est d&rsquo;agir comme le pont entre les autorités, le secteur privé et les investisseurs étrangers, souhaite anticiper l&rsquo;avènement de nouveaux emplois à hauts revenus dans les années à venir qui requerront des compétences techniques pointues et de nouvelles attitudes.</p>

<p style="text-align: justify;">Selon le Chairman de l&rsquo;EDB, Charles Cartier, l&rsquo;insularité de Maurice doit être rompue en faisant appel aux compétences étrangères. &laquo;<em>Il faut une ouverture pour attirer les meilleurs, peu importe le domaine, tout en sachant faire le tri et choisir ceux qui peuvent réellement apporter de la valeur ajoutée. Toutes les régions qui ont réussi à bien se développer ont adopté de telles politiques d&rsquo;ouverture.&raquo; </em></p>

<p style="text-align: justify;">L&rsquo;EDB vient ainsi, dit-il, faciliter l&rsquo;émergence de ces secteurs afin d&rsquo;appuyer le renouvellement de sa stratégie d&rsquo;industrialisation, cruciale à la refonte de l&rsquo;architecture économique du pays.</p>

<h3 style="text-align: justify;">L&rsquo;embauche et les défis qui vont avec</h3>

<p style="text-align: justify;">Le passage clandestin d&rsquo;un travailleur d&rsquo;un employeur à un autre. Son départ vers un pays autre que son pays d&rsquo;origine, sans respecter ses obligations à l&rsquo;égard de son recruteur. Et l&rsquo;utilisation probable de faux permis de travail. Ce sont là les trois principaux facteurs susceptibles de donner du fil à retordre aux autorités chargées de gérer la présence des travailleurs étrangers à Maurice ; et qui sont à même de fausser les données par rapport au nombre exact de ces personnes dans le pays.</p>

<p style="text-align: justify;">Le passage d&rsquo;un employeur recruteur au service d&rsquo;un autre constitue un des soucis majeurs de certains employeurs. Ce qui a poussé certains à limiter la durée d&rsquo;un contrat de travail longue de quatre ans à un an renouvelable. Une astuce qui réduit le risque de voir s&rsquo;en aller un travailleur recruté par ses soins mais qui décide du jour au lendemain d&rsquo;aller travailler ailleurs.</p>

<p style="text-align: justify;">Il existe également le risque de départ pour un autre pays sans en avertir l&rsquo;employeur qui l&rsquo;a recruté. C&rsquo;est l&rsquo;expérience vécue par le propriétaire d&rsquo;une boulangerie. &laquo;<em>Du jour au lendemain, un des travailleurs étrangers qui était à mon service est parti non pas pour son pays d&rsquo;origine mais pour Madagascar. Je ne comprends pas pourquoi il a quitté le pays sans préalablement m&rsquo;informer vu qu&rsquo;il est rentré à Maurice à ma charge.&raquo; </em></p>

<p style="text-align: justify;">Autre piste susceptible de fausser le nombre exact de travailleurs étrangers à Maurice est la possibilité d&rsquo;un trafic humain grâce à l&rsquo;utilisation par des étrangers de faux permis de travail.</p>

<h3 style="text-align: justify;">Le cas de Dubaï</h3>

<p style="text-align: justify;">Sur les trois millions de personnes qui vivent à Dubaï, il n&rsquo;y a qu&rsquo;environ 200 000 d&rsquo;entre eux qui sont des natifs de cet émirat. Tout le reste est constitué de 175 nationalités différentes. L&rsquo;on y retrouve des Bangladeshis, des Philippins, des Indiens, des Pakistanais, des Chinois, entre autres. Et même des Mauriciens. Ces non-natifs occupent une grande partie du monde du travail. Ils sont dans la restauration, le service de nettoyage, la construction, l&rsquo;aéroport, la vente ou la livraison, entre autres. La plupart des chauffeurs de taxi sont d&rsquo;origine étrangère. Ces expatriés expliquent qu&rsquo;à Dubaï, le salaire est supérieur à ce qu&rsquo;ils auraient gagné dans leur pays natal. D&rsquo;où le fait que beaucoup y viennent pour gagner leur vie. Quitte à y travailler jour et nuit.</p>

<h3 style="text-align: justify;">Singapour importe 15,5 % de talents</h3>

<p style="text-align: justify;">À Singapour, les talents étrangers forment environ 15,5 % de la population. Cette nouvelle immigration se compose, d&rsquo;une part, de professionnels et d&rsquo;entrepreneurs qualifiés et, d&rsquo;autre part, d&rsquo;étudiants. Le gouvernement leur offre des procédures de naturalisation simplifiées et des bourses pour les attirer. Pour l&rsquo;administration singapourienne, leur entrée se conjugue avec la nécessité de continuer le succès économique de la cité-État. Ils devraient contribuer au positionnement de Singapour comme pôle international de connaissance, de commerce et d&rsquo;étude dans la région.</p>